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22 juin 2022

LE REEL A DES YEUX PARTOUT

LE REEL A DES YEUX PARTOUT

 

1.

« Elle n'avait plus à faire de plans, à laisser aller son imagination ; dans quelques heures elle atteindrait la simplicité des faits. »

(Borges, « Emma Zunz »)

Dans « Emma Zunz », de Borges, « elle n'avait plus à faire de plans ». Il ne s'agit pas de Zut. Zut laisse aller son imagination. Elle ne découpait pas de viande dans une usine. Le personnage de Borges non plus.

Qu'on en fait des plans sur la comète ! Et sur la choucroute ? Zut ne fait pas de plans sur la choucroute. Elle sait aussi que certains se servent du chou et des saucisses pour se remplir carnet de commandes, portefeuille, estomac.

Zut laisse aller son imagination. Elle veille à ne pas laisser l'imagination en plan sur la comète. Zut ira-t-elle jusqu'à laisser son imagination chercher des poux dans la tête du réel ?

«... la simplicité des faits » dit la phrase de Borges. La simplicité des faits n'est pas dans les livres hermétiques. La simplicité des faits n'est pas née dans un lac. On lit que dans certains lacs il y aurait des monstres.

2.

« Dans les livres hermétiques il est écrit que ce qui qu'il y a en bas est identique à ce qu'il y a en haut, et ce qu'il y a en haut, identique à ce qu'il y a en bas »

(Borges, « Les théologiens »)

Je ne sais pas si « ce qu'il y a en bas est identique à ce qu'il y a en haut ». Zut comparant les deux pièces constata que ce « qu'il y a en haut est identique à ce qu'il y a en bas ». Chaque pièce de la bibliothèque ressemble à chaque pièce de la bibliothèque.

3.

« Je peux répéter encore de nombreux hexamètres de ce poème profond intitulé Tse Yang, peintre de tigres, qui est comme rayé de tigres, comme chargé et traversé de tigres transversaux et silencieux. »

(Borges, « Deutches requiem » [Le narrateur])

Zut, à la manière d'un narrateur borgésien, peut répéter encore de nombreux hexamètres. Zut, à la manière d'un narrateur borgésien, peut répéter encore de nombreux. Zut, à la manière d'un narrateur borgésien peut répéter encore, répéter encore, répéter encore.

Les livres disent toujours la même chose. Surtout quand on les relit.

On trouve dans une nouvelle de Borges la mention d'un poème intitulé Tse Yang, peintre de tigres. Quand bien même il n’existerait pas, je dois bien avouer que je ne l'ai pas lu.

Le narrateur borgésien évoque un poème «comme rayé de tigres, comme chargé et traversé de tigres transversaux et silencieux. » Zut se demande s'il y a parfois des pluies de tigres. La pluie fait du bruit. Zut se demande s'il arrive que neigent des tigres.

4.

Wittgenstein note que « l'idée est placée comme des lunettes sur notre nez ». Zut ne porte pas de lunettes. Zut sait qu'elle ne voit pas le réel tel qu'il est. Zut porte des lunettes.

5.

Peut-on concevoir la proposition, ainsi que l'écrit Wittgenstein, comme « fonction des expressions contenues en elle » ? Zut est un être propositionnel. Zut déverse des propositions variées et déterminées. En dehors de cette détermination, il n'y a point de Zut.

6.

Selon une note de bas de page, « Corbière vise le côté ritournelle de ce morceau ». Zut reprend un morceau de bœuf. Zut aime la viande. Zut aime écouter de la guitare en mangeant du bœuf. Ça lui rappelle les neiges d'antan.

7.

Ainsi que le note Tristan Corbière, « L’œil tué n'est point mort », encore qu'il soit secoué de tics de langage. Pourtant, l’œil n'a pas de langue. Zut connaît des gens qui parlent avec les yeux. Zut se demande s'ils ont ou pas leur langue dans la poche, là, sous leurs yeux.

Je n'en suis pas si sûr mais il me semble que ce n'est que dans les lieux dépourvus de réel que l'on rencontre des yeux pourvus de langue. Zut ne connaît pas d’yeux polyglottes. Le réel a des yeux partout. C'est comme ça qu'il se reconnaît.

8.

Le monde déborde de pauvreté. Ne peut-on jamais que limiter les dégâts ? Ne peut-on jamais que limiter les dégâts que toute organisation sociale d'une humanité de plus en plus nombreuse engendre ? A quoi servent le covid, la guerre en Ukraine, la récession mondiale ?

9.

« Je suis le fou de Pampelune,

J'ai peur du rire de la Lune,

Cafarde, avec son crêpe noir...

Horreur ! tout est donc sous un éteignoir ? »

(Tristan Corbière, « Heures »)

Zut ne vit pas à Pampelune. Elle n'est donc pas la folle de Pampelune d'un monde parallèle au poème de Corbière. Zut ne vivant à peu près nulle part, elle n'est donc la folle d'aucun lieu. D'ailleurs, Zut préfère le bœuf et ne mange jamais de cheval.

Zut ne vit pas à Pampelune et n'a pas « peur du rire de la Lune ». Zut lit parfois Tristan Corbière et le « rire de la Lune ». Zut n'est pas une lectrice de rires. Même quand Zut scrute les grimaces des peinturlurés du carnaval à populace, Zut ne lit pas sur les lèvres de la Lune.

Quand Zut a le cafard, elle imagine qu'elle assassine. Sa boîte à regrets se peuple très vite de cadavres dont Zut connaît chaque nom.

Patrice Houzeau

Malo, le 22 juin 2022.

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