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3 septembre 2022

LE CAPITAINE DECAPITE ET LE SOUFFLE DE VIE

LE CAPITAINE DECAPITE ET LE SOUFFLE DE VIE

1.

Était-il moyen ou bon, ce restaurant fréquenté par d’assez honnêtes citoyens, où l’on dévorait des soupes de potiron, des poissons, des omelettes aux champignons, des chicons au gratin, de formidables fromtons, des tartelettes au citron, en buvant de dispendieux litrons ? Cathy, naguère crémière, ayant changé de profession, – elle a d’ailleurs une sœur qui s’appelle Cécile et qui, ayant épousé un professeur, joue du tromblon, et une autre sœur, Claire, qui se pose des questions – Cathy donc mettait un point d’honneur de se souvenir des goûts de ses clients, des ragoûts les plus gouleyants, et d’une foule de haïkus plus ou moins palpitants. Cela n’empêcha pas que l’on y retrouvât le capitaine décapité et douze moines qui eurent la tête tranchée. Y venaient des gens bien, des moyennement biens et des pas du tout, des kafkaïens, des païens, des chirurgiens, des chrétiens, des logisticiens, des logiciens qui aimaient les chiens, des métaphysiciens qui préféraient les veaux, aussi des théologiens et des mécaniciens dont un s’appelait Lucien. L’enquête ne permit pas de retrouver le coupable, ni de déterminer combien il y eut de morts. Quant à Lucien, Cathy l’épousa. Ils eurent une petite Léa qui joua du violon, et un petit Gaston qui mit toute son application à ne jouer de rien, de rien, de rien.

2.
« Chaque signe, isolément, semble mort. Qu’est-ce qui lui donne vie ? Il n’est vivant que dans l’usage. A-t-il alors un souffle de vie ? Ou bien l’usage est-il son souffle ? »
(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

Chaque signe, qu’il soit indigne, insigne, rectiligne, longiligne, qu’il suive ou non les consignes, isolément, semble mort, aussi mort qu’un rat mort, qu’un bal mort, qu’un chien mort dans un port dont il ne reste rien, aussi mort qu’un caillou, qu’un chou, genou, hibou, joujou, pou, tout ça mort, foutu, kaput, dérobés les bijoux, et Claire la philosophe qui aime bien la pensée claire, les idées claires, la claire logique, la lune claire sur la claire fontaine, se demande clairement ce qui lui donne vie, à la momie, à la vieillerie, à la poésie, à l’académie, à l’aciérie dévissée, à la partition de musique, au graffiti, à la notation mathématique, au chiffre, au signe aboli d’inanité sonore, que le néant dévore, renvoie dans le décor où il n’y a plus rien d’abord, plus rien d’abord, plus rien d’abord alors Claire la philosophe se secoue et ne perdant pas le nord, se dit que chaque signe, qu’il soit indigne, insigne, qu’il signale, qu’il signifie, qu’il s’ignore n’est vivant, palpitant, vibrant, intéressant, signalant, signifiant, fascinant que dans l’usage, encore que Claire – dont la sœur qui s’appelle Cathy met un point d’honneur à se souvenir des goûts et des ragoûts de ses clients – se demande si le signe, indigne ou insigne, a alors un souffle de vie qui lui permettrait de fasciner fabuliste et facteur humain, fâcheux et facétieux, foudre de guerre et foutriquet, farceur et fanfaron, philanthrope et facho, pis tous les farfadets, tous les farfadets là qui nous caracolent la caboche, ou si c’est l’usage, et là on voit bien que cette longue phrase est en fait une amplification, une paraphrase fantaisiste d’une phrase de Ludwig Wittgenstein tirée de ses « Investigations philosophiques », ou si c’est l’usage – tout ce qu’on dit, tout ce qu’on ne dit pas, tout ce qu’on croit qu’on dit, tout ce qu’on ne sait pas qu’on dit - qui est son souffle.

Patrice Houzeau
Malo, le 3 septembre 2022.

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