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BREFS ET AUTRES
11 septembre 2022

ON N'EST JAMAIS AIMÉ POUR CE QU'ON EST

ON N'EST JAMAIS AIMÉ POUR CE QU'ON EST

 

1.

« Pourquoi le souvenir de ce meuble me poursuivit-il avec tant de force que je revins sur mes pas ? »

(Maupassant, « La chevelure »)

Où l'on apprend que certains meubles vous laissent un souvenir si puissant qu'ils peuvent vous faire marcher à reculons, ou vous faire repasser par où vous êtes déjà.

Certains humains, je pense, ont aussi ce pouvoir.

Ça dépend du degré de mou intercostal.

Pour les stylos bic, je pense qu'il faut être drôlement allumé par la lune. Même chose pour les bigoudis et les ronds d'carotte.

2.

« Comme la voiture traversait le bois, il la fit arrêter dans le voisinage d'un tir, disant qu'il lui serait agréable de tirer quelques balles pour tuer le Temps. »

(Baudelaire, « Le Galant Tireur »)

Baudelaire imagine quelque « galant tireur » s’exerçant à l'art précis du bang bang (« he shot me down », she sang) pour, dit ce fanfaron, tuer le temps.

Où l'on apprend que c'est en s’exerçant au tir que l'on pourrait tuer le temps. En tout cas, son temps. Car le temps des humains est variable en nombre.

Est-ce donc pour tuer le temps qu'en fin de compte, des bipèdes plus ou moins perspicaces se font la guerre ?

Serait-ce pour tuer le temps que le plus ou moins perspicace Poutine a décidé sa sale guerre en Ukraine ?

Sachant que le temps, c'est de l'humain en marche (les humains sont des chronomètres), tuer le temps reviendrait-t-il à descendre ses contemporains comme au casse-pipe d'la fête foraine ?

3.

On n'est jamais aimé pour ce qu'on est, surtout quand on est pauvre.

4.

« Rien ne pourrait me déterminer à mettre la main au feu, - encore que ce ne soit que dans le passé que je me sois brûlé. »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

C'est justement parce que quelque chose s'est passé (c'est-à-dire s'est produit dans le passé) que nous éprouvons craintes et espoirs du présent.

L’expérience est ainsi reproductible, mais il est rare que l'on soit piétiné deux fois par le même éléphant.

Par contre, l'on pourra chanter plusieurs fois le fameux « effervescing elephant » (« An effervescing elephant / With tiny eyes and great big trunk / Once whispered to the tiny ear / The ear of one inferior / That by next June he'd die, oh yeah ! / Because the tiger would roam ») sauf si l'on est Syd Barrett, qui fut l'auteur de cette drolatique, et que l'on est déjà irrémédiablement dans le passé.

On ne repasse pas non plus deux fois par la même choucroute, ni le même fleuve ne vous traverse deux fois.

Quant au chas de l'aiguille, nul chameau.

5.

On entre dans le bonheur aussi difficilement que l'on entre dans un pré qui n'est pas à vous. Parfois, quelqu'un vous y attend avec un fusil.

6.

Si tu n'étais pas là, je mangerais ma choucroute tout seul, et il y en aurait vite de trop de trop de trop.

7.

« Belle, pendant ce temps, [...], rencontrait des amies, rapportait dans les plis de sa robe un parfum de cigarettes anglaises ou dans les plis de son ciré l'odeur de la pluie d'octobre. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des orfèvres »)

Où l'on apprend que les plis des robes et des cirés servent à transporter parfums et odeurs.

On ne peut rien y ajouter. Ainsi, inutile de rêver que l'on puisse dissimuler une cartouche de cigarettes anglaises dans les plis d'une robe. Et pas non plus les lèvres de la fumeuse, ni son visage, et pas non plus son corps tout entier. Ce ne sont pas les plis de la robe qui vous portent.

Si l'on est en octobre, ce sont les plis du ciré qui seront pleins de l'odeur de la pluie d'octobre (les feuilles mouillées qui collent au sol, les poils mouillés des chiens, des gens, des chats et des girafes égarées, les ombres mouillées qui vous traversent parce que cette phrase vous a un côté mélancolique propre aux apparitions spectrales).

Ni robe, ni ciré d'octobre ne peuvent receler la Cantatrice chauve et ses opéras échevelés, ni chevaux, ni chameaux, ni chapeau d'où surgirait un chasseur sachant chasser sans son chien ou ces serpent qui sifflent sur sa tête, à l'autre Méduse, là.

Ni cocasse coin-coin cassant du sucre sur le dos du monde.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 11 septembre 2022.

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