Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BREFS ET AUTRES
17 septembre 2022

BOUH LE BOUC COMME I S'EN FOUT

BOUH LE BOUC COMME I S'EN FOUT

1.

« Mais l'idée seule de retraverser le jardin aux statues fantômes le faisait suer de peur. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Parfois, parcs et jardins sont hantés de statues.

Fantômes familiers et muets, voilà qu'elles,

La Lune ayant mis son masque de meurtrière

Tranquille, vous effraient... Mais elle s'en fout, Zut,

Qui leur tire la langue en lisant des romans.

2.

« - Je ne boy que à mes heures comme la mulle du pape. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre V)

La mule, c'est de l'âne et de la jument, pis aussi de la pantoufle. Les « heures », c'est le « livre d'Heures », que, très catholiquement, l'on ouvrait pour y suivre la liturgie des heures canoniales, lesquelles sont relatives aux chanoines comme les trous sont relatifs au gruyère.

3.

« mesmement que le diable, a la messe de sainct Martin escripvant le quaquet de deux Gualoises, a belles dentz alongea son parchemin. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre VI)

Saint Martin dit la messe. Le diable y est, tirant sa longue langue diabolique à y noter sur un parchemin les bavardages de Blondine et Poli, lesquelles prirent la maison de Dieu pour la place du marché. Il a tant à noter, ce scribe infernal, qu'il est bientôt obligé de tirer, tirer, tirer avec ses dents sur le rôlet de son parchemin afin de l'allonger. Schriiiiifffff fit le parchemin si long soudain que le diable s'y empêtrant pinceaux nougats guitares heurta un pilier de sa tête (bong ! fit sa caboche). Et si cette anecdote n'est pas aussi vraie que les mensonges d'un ministre de l'éducation nationale, elle n'en est que plus plaisante.

4.

« Tout homme a connu des moments où il s'est imaginé, de bonne foi, toucher le fond du désespoir ou du découragement. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Ah les catastrophes qu'on s'annonce... les tuiles qu'on se voit dégringoler... que cette fois-ci, c'est sûr qu'on va pas s'en sortir... on glougloute alors si on a de quoi glouglouter, de toute façon qu'on va boire la tasse... et puis le temps passe, on cogite et machine, on y laisse des plumes, mais on a surmonté la crise, en attendant la prochaine.

5.

A thon fort et haut un bout d'touquette ne peut suffire, puisque Akhénaton fut un bout d'ce tout là que fut le dieu Aton, et qu'à thon un bouc, tout ça, thon, bouts, touquettes, Aton, Akhénaton, Amenhotep IV, dieu solaire et pharaon éphémère, bouh le bouc, comme i s'en fout.

6.

Or, comme, par économie, il se torchoit avec le papier journal d'un des derniers annuaires demeurés là par habitude, on peut dire qu'il se moquait tant du monde qu'il s'en nettoyait le fondement.

7.

« Pour ses guands furent mises en œuvre seize peaulx de lutins, et troys de loups guarous pour la brodure d'iceulx ; et de telle matiere luy feurent faictz par l'ordonnance des cabalistes de Sainlouand. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre VIII)

Jadis, le monde était plein de lutins, dont, dit-on, la peau ne pouvait être percée par les balles, et de ces loups-garous effrayant le jouvencel et la demoiselle, le bachelier et la bachelorette, Sganarelle à sa vaisselle (qui s'cassa donc). Ils n’existaient pas plus qu'aujourd'hui, mais bon nombre y croyaient comme on croit aujourd'hui aux Méchants Manipulateurs Mondialistes tirant les ficelles d'un Nouvel Ordre Mondial que combattrait quelque saint Poutine des Assassinats.

8.

« Plus dict que en forme leonine ont esté diables souvent veuz, lesquelz à la presence d'un coq blanc soubdainement sont disparuz. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre X)

Je ne pense pas qu'un coq blanc puisse faire fuir un diable qui a pris la forme d'un lion.

Pour faire fuir un diable qui a pris la forme d'un lion, il faut au moins un dompteur exorciste.

Après que ce dompteur exorciste s'appelât Lecoq et fût aussi blanc que bonhomme de neige, voilà qui serait bel hasard humoristique.

9.

« La robe n'a-t-elle pas trop d'ampleur ?

- Non. C'est voulu. En revanche, les mains manquent d'esprit. Je veux finir par elles, je les connais bien. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres » [le peintre Noël Martin à Judith Weyl])

Si vos mains manquent d'esprit, il faut les abonner à quelque revue haute en couleurs et figures illustrantes, car il est assez ennuyeux d'avoir des mains dépourvues d'esprit ; elles ne peuvent tenir bien longtemps une conversation avec un service de tasses à thé, quand elles ne les laissent pas tomber, par sottise et gaucherie, de telle sorte que tasses se cassent et thé se perd.

10.

« Mais il repoussa ce soupçon comme les autres, le mettant sur le compte de cette terrible imagination qui se faisait tantôt sa plus fidèle alliée et tantôt sa plus mauvaise conseillère. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

On ne saurait soupçonner sa soupière de receler des secrets comme la chevelure d'une guerrière recèlerait des serpents. Cependant, il m'arrive, certains soirs, de scruter la soupière comme si elle ne m'avait pas tout dit. J'entends par soupière cette personne qui soupire la nuit et qui parfois murmure des prénoms étranges.

Patrice Houzeau

Malo, le 17 septembre 2022.

Publicité
Publicité
Commentaires
BREFS ET AUTRES
  • Blogs de brefs, ça cause humeur du jour, ironie et politique, littérature parfois, un peu de tout en fait en tirant la langue aux grands pompeux et à leurs mots trombones, et puis zut alors!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité