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BREFS ET AUTRES
24 septembre 2022

MASQUE ET DEMASQUE

MASQUE ET DEMASQUE

1.

Si la Lune se déchaussait, c'est qu'elle pourrait mettre chaussures, chaussons et chaussettes. Si la Lune se déchaussait, c'est qu'elle aurait des pieds.

2.

« Même des fantômes des eaux, errants,

Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve. »

(Rimbaud, « Jeune ménage »)

Les fantômes sont-ils faits de ce souffle froid qui parcourt couloirs et corridors et se fondent aux courants d'air du château ? Ou sont-ils faits de ces flammes qui, la nuit, firent de la vieille demeure un tas de secrets à jamais perdus ?

3.

« Puis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise :

un vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine. »

(Rimbaud, « Mémoire »)

Puis-je dire que palpite la nappe sans que l'on puisse penser que sous cette nappe se trouvât quelque cœur battant, arraché et caché sous cette nappe par on ne sait quel maléfice ?

4.

« Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit. »

(Rimbaud, « Jeunesse, I, Dimanche »)

Je me demande si ce que le soucieux et assez insolent persifleur, pis aussi halluciné polychrome des voyelles, le môme Arthur là, ce qu'il appelle « l'inévitable descente du ciel », ne serait-ce pas la messe, des fois ?

5.

« Sur les versants des moissons de fleurs grandes comme nos armes et nos coupes, mugissent. Des cortèges de Mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines. »

(Rimbaud, « Villes », II)

Je bilbobeule les « Mabs en robes rousses » du poème rimbaldien. Ah ça je vous assure que je les bilbobeule, les Mabs, que je les batifole, les bigle-beugle, à en balbutier les affabules, que je les boirenbeinture, et tout ça au son du bugle, le soir, au fond des bois.

6.

« Mais fondre où fond ce nuage sans guide,

- Oh ! favorisé de ce qui est frais !

Expirer en ces violettes humides

Dont les aurores chargent ces forêts ? »

(Rimbaud, « Conclusion »)

A force de fondre, se disait Zut en reprisant ses chaussettes et songeant cocasseries, coquecigrues, sottises, à force de fondre, on finit par ne plus faire qu'une flaque d'ombre, qu'une feinte d'être, qu'un reflet fugace à une fenêtre.

7.

J'entends le mot « angéologie » et je songe à la neige des anges, aussi à Anne, qui par jeu, me jeta de la neige, bien que je ne sois point Clément Marot et qu'il pleuve plus comme vache qui pisse qu'il neige anges et blanches jonquilles.

8.

« Ma faim, Anne, Anne,

Fuis sur ton âne ; »

(Rimbaud, « Fêtes de la faim »)

« Ma faim », fichtre, sommes les êtres de la faim, nous autres... bouffons le monde... ah oui certes, nous bouffonnons... en chansons, siouplaît, « Anne, Anne »... voilà des échos d'âne... tournicoti-tournicoton-bourricoton... et pis dans l'trou qu'nous finissons, là, tout au fond.

9.

« Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges. »

(Rimbaud, « Alchimie du verbe »)

Pullulant d'études... multiplicateurs de signes... suspicieux des individus, sociologisant la société solidaire, la sixième solitude... ne supportant ni le salut du silence, ni la nuit misanthrope, ils pondent sur l’inexprimable, vêlent des revues, thèsent nos vertiges.

10.

« l'enfant peut regarder votre doigt, plutôt que ce qu'on désigne »

(entendu sur France Culture)

S'affament du réel, les enfants... s'miragent des possibles... ne voient que le doigt... Puis le monde, c'est chimère, sphingerie... tout est dans l’œil, le doigt, la Lune, la croix et le coq, sourire et grimace, masque et démasque.

11.

Il but un doigt de vin, pis deux doigts, pis trois, pis toute une main, pis toutes ses sœurs, et finit à quatre pattes.

12.

« Je faisais une louche enseigne d'auberge. »

(Rimbaud, « Loin des oiseaux... »)

Si je dis que je prends les mouches à la louche, peut-on soupçonner quelque bol de mouches captives que je porterais à ma bouche tel ce « maniaque zoophage », le Renfield de Dracula ?

13.

« - Un orage vint chasser le ciel. Au soir

L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,

Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares ; »

(Rimbaud, « Loin des oiseaux... »)

On ne peut tenter de dompter l'orage sans songer que l'orage ne se met pas en cage. Quant à l'aspironner, vous pouvez toujours aller ronronner et cajoler la jalouse, l'orage à cheveux roux vous chassera de son ciel aussi sûrement qu'au soir suspirionnent sphinges et serpentes.

14.

« Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d'hymnes publics ? »

(Rimbaud, « Les ponts »)

Défois un air populaire s'empare, s'entête à vous sonner spectrale rengaine... ça vous ritournelle et fait des rappels... ou alors, « des bouts de concerts seigneuriaux » en majesté cuivrée... ou encore, des débuts d'hymnes, fanfares fantômes à flottants drapeaux.

15.

« Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère – Et je l'ai injuriée. »

(Rimbaud, « Une Saison en enfer »)

Il ne faut jamais jarelugonler la Beauté, laquelle alors (où blanchit la campagne) ne manquera pas de hausser ses belles épaules de divine indifférente. Si vous insistez, elle vous crachera à la jacte-sottise. Alors, vous la trouverez amère et vous l'injurierez cependant qu'elle vous rira au nez, que vous avez vilain, poil aux mains, tandis qu'elle l'a joli, poil au bigoudi.

Patrice Houzeau

Malo, le 24 septembre 2022.

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