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30 décembre 2022

ON APPELLE CELA UN FANTÔME JE CROIS

ON APPELLE CELA UN FANTÔME JE CROIS

Notes sur la première partie de « L’Homme au Sable », de Hoffmann, traduit par Loève-Veimars.

« Je croyais apercevoir tout autour de lui des figures humaines, mais sans yeux. Des cavités noires, profondes et souillées en tenaient la place. – Des yeux ! des yeux ! s’écriait Coppelius d’une voix sourde et menaçante. »
(Hoffmann traduit par Loève-Veimars, « L’Homme au Sable » [Nathanaël])

1.
Nathanaël écrit qu’il pense à sa Clara.
Nous pensons toujours à quelqu’un d’inaccessible.
Nous pensons toujours à quelqu’un qui n’existe que pour nous et qui a pourtant un référent dans le réel.
On appelle cela un fantôme, je crois.

Parfois, les marchands de baromètres qui entrent dans votre chambre, vous avez comme une envie de les « précipiter du haut de l’escalier ».
En écrivant, j’écoute des chansons d’Angèle. Je sais bien que c’est juste de la variété, mais c’est comme le rock n’ roll, I like it. (reste à déterminer à quel point la plastique nordico-wallonne de la chanteuse, dont je dévore les clips, m’influence).


Le rôle des chanteurs de variétés est d’incarner quelqu’un qui n’existe que pour nous.
La société du spectacle nous fournit nos fantômes.
Le consumérisme a réussi ce tour de force : faire du fantôme une marchandise.

2.
Nathanaël écrit qu’il va raconter des « aventures » de son enfance.
On comprend que l’œil de Sigmund Freud s’ouvrit à la lecture de ce passage.
Il est ensuite question du père de Nathanaël, des « histoires merveilleuses » du père, de la pipe du père, des silences du père.
L’heure de « l’Homme au Sable ».
l’expression me fait penser aux sabliers, aux montres, aux horloges, aux emplois du temps.
Les autres nous rappellent sans cesse sans cesse sans cesse que le temps nous est compté.
« l’Homme au sable ». Nathanaël prend au pied de la lettre l’expression de sa mère.
A prendre le réel au pied de la lettre, on finit parfois dans une fiction, ou dans un livre composé par un psychanalyste lettré,

 
«… comme si l’on vous avait jeté du sable dans les yeux. »
C’est ce que fait le réel : nous jeter du sable dans les yeux, à tel point que nous finissons par penser que le réel n’est jamais que ce sable qui nous brouille la vue, que ce vent le long de la digue qui nous fait détourner la tête, alors la mer, qui n’est juste qu’une illusion, comme le dit Art Mengo dans une chanson fameuse, « n’existe pas ».

« La mer n’existe pas
Parfois nous la croyons
Mais elle n’existe pas
Ce n’est qu’une illusion »
(« La mer n’existe pas », Michel Armengot, Patrice Guirao).

3.
Les évocations fantastiques de la « vieille servante » confortent Nathanaël dans sa vision fantasmatique du visiteur du soir. Les fictions nous forgent un réel que nos yeux acceptent ou pas (à en devenir fou).

L’Homme au Sable, cet inconnu, cet invisible qui, certains soirs, rend visite à son père, obsède l’enfant Nathanaël.

Visites imprévisibles pour l’enfant ; autant de mauvaises surprises.

« la vapeur odorante et singulière » : l’expression me plaît. Elle n’évoque ni un parfum, ni une odeur. Elle rappelle ces odeurs fantômes qui reviennent parfois du passé, provoquant un subtil, décalage avec le réel où nous existons encore.

L’enfant Nathanaël se fait espion et découvre qui est « l’Homme au sable ». C’est un être repoussant dont ses parents semblent être obligés de supporter les visites.

C’est un avocat, il faut donc l’appeler « Maître ».

Le père et Coppelius en alchimistes ? En sorciers ? « Des yeux ! des yeux ! ».

L’espion émotif se fait prendre.
Le père sauve les yeux de son fils.
De qui parle Maître Coppelius quand il dit : « le vieux de là-haut a parfaitement compris cela ! » ?
Evanouissement de Nathanaël. Fièvre de Nathanaël. « il n’en faut pas accuser mes yeux ».
Disparition et retour de Coppelius.
« Les larmes s’échappèrent des yeux de ma mère ».
« les yeux étincelants » de Coppelius.

Mort du père. Disparition de « l’infernal Coppelius ».
Réapparition en marchand de baromètres sous le nom de Giuseppe Coppola. Le réel se travestit, et comme tout est toujours travesti, masqué, le réel devient pour nous la suite des masques que nous prenons les uns pour les autres.

Trumpistes et poutinistes appellent cela « vérité alternative » et prétendent nous faire prendre leurs masques pour la réalité. Que l’on tente d’ôter leurs masques et de révéler quels coppelius, quels trafiquants de regards ils sont, ils rentrent en furie, nous menaçant de ruine et d’apocalypse nucléaire.

Patrice Houzeau
Malo, le 30 décembre 2022.

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