Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BREFS ET AUTRES
1 janvier 2023

LA MACHINE A SPECTRES

LA MACHINE A SPECTRES

Notes sur les parties II et III de "L'Homme au Sable", de E.T.A Hoffmann, traduit par Loève-Veimars

« Sie saß der Türe gegenüber, so, daß ich ihr engelschönes Gesicht ganz erblickte. Sie schien mich nicht zu bemerken, und überhaupt hatten ihre Augen etwas Starres, beinahe möcht ich sagen, keine Sehkraft, es war mir so, als schliefe sie mit offnen Augen. »
(E.T.A Hoffmann, « Der Sandmann » [Nathanael an Lothar])

Au clavier, c’est avec « ALT » maintenu appuyé pendant que l’on tape 0 2 2 3 que l’on obtient ß.

« Elle était vis-à-vis de la porte, et je pouvais contempler ainsi son visage angélique. Elle sembla ne pas m’apercevoir, et surtout, ses yeux paraissaient fixes, et je dirai même dépourvus de regard ; c’était comme si elle eût dormi les yeux ouverts ».
(Hoffmann, « L’Homme au sable », traduit d’après Loève-Veimars)

1.
Clara répond à Nathanaël.
Pourquoi un intermédiaire ? (en l’occurrence Lothaire, le frère de Clara).
Vertige de la lecture : « tout semblait tourbillonner devant mes yeux » écrit Clara. La nouvelle « L’Homme au sable » a-t-elle pour véritable sujet la façon dont le réel agit sur notre regard ?

2.
La lettre de Nathanaël a troublé Clara. Coppola en menace fantasmatique.
« Mais, bientôt, dès le lendemain déjà, écrit Clara, tout s’était présenté à ma pensée sous une autre face. » : le regard encore.

Clara est rationnelle et explique à Nathanaël d’où vient sa « hantise ».
La passion de l’alchimie aurait tué le père de Nathanaël et « Coppelius ne saurait en être accusé. »

3.
Clara en psychothérapeute.
Le réel en « surface bariolée ». Une peinture, le réel. Une représentation. Un piège à reflets. Ce dont nous nous réjouissons, « comme un fol enfant à la vue des fruits dont l’écorce dorée cache un venin mortel. »

Le réel est piégé, trappé, et ne se présente jamais comme il est vraiment. Et ce qu’il est vraiment, pouvons-nous le savoir ? Sans doute pouvons-nous le calculer, mais que calculons-nous réellement ?

4.
Clara évoque « le sentiment d’une puissance ennemie qui agit d’une manière funeste ». Le sentiment qui anime ceux qui croient aux complots universels, les anti-vaccins, les sceptiques quant à l’existence du covid, les pro-Poutine, les populistes, ceux qui s’imaginent des sociétés secrètes gouvernant le monde.

Clara débusque l’ennemi : ce n’est pas une « puissance occulte » qui « plonge » en nous « ses griffes ennemies », mais un « ennemi intérieur ». Les complotistes projettent dans le réel ce qui leur mine l’âme et qui dépend de leur mode d’être au monde.

Le complotistes pense que le réel veut le piéger. Il n’a pas tort mais il se trompe sur la nature du piège.

5.
« un principe dévorant qui nous consume ».
« le fantôme de notre propre nous ».
Coppelius et Coppola ne sont que des fantasmes qu’il faut dissiper.
« et de bannir le hideux Coppola par un fou rire » : la dérision ruine les spectres.

6.
De nouveau « Nathanaël à Lothaire ». Des « fantômes » du « moi ». Une machine à sécréter du spectre. Une machine à sécréter de la représentation : le langage. Du reste, parfois, nous disons ça machinalement.

7.
Nathanaël évoque « l’esprit qui scintille de ses yeux clairs et touchants ».

La logique contre les fantômes. Si l’on agite le Tractatus Logico-Philosophicus de Wittgenstein devant un revenant, le fera-t-on reculer comme le crucifix fait reculer le vampire ?

8.
Coppola serait un véritable « mécanicien » italien comme Coppelius serait un véritable avocat allemand. Je viens de voir « Le Roi de cœur » (1966), de Philippe de Broca : jolie fantaisie sur l’échappement au réel implacable, avec musique mélancolico-drolatique de Georges Delerue.

Portrait du professeur de physique Spalanzani : un rond, « pommettes saillantes », nez pointu, yeux perçants. Hoffmann indique, via Nathanaël, sa source d’inspiration : « le portrait de Cagliostro, gravé par Chodowiecki ».

La fiction, soulignant par l’exemple sa référence au réel, est renforcée dans sa fonction mimétique.

9.
Nathanaël écrit « J’ignore moi-même comme je vins à regarder à travers la glace. » Acte manqué. Expression de l’inconscient.

Le spectacle de la femme mystérieuse. « figure ravissante ». « ses yeux paraissaient fixes », « comme si elle avait dormi les yeux ouverts ».

La fille derrière le rideau, puis derrière la glace, la vitre.  Un miroir sans tain ? Spectacle, songe, malaise de ce que l’on n’aurait pas dû voir, et que l’on voit pourtant : la fille du professeur de physique, la très réservée Olimpia.
Chez un spéculatif comme Nathanaël, la fascination guette.

Patrice Houzeau
Malo, le 1er janvier 2023.

Publicité
Publicité
Commentaires
BREFS ET AUTRES
  • Blogs de brefs, ça cause humeur du jour, ironie et politique, littérature parfois, un peu de tout en fait en tirant la langue aux grands pompeux et à leurs mots trombones, et puis zut alors!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité