SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT
SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT
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La fenêtre sale laisse passer un jour verdâtre dans la pièce étroite et tapissée d'araignées plus ou moins véloces ; à la table encombrée d'assiettes sales, de bouteilles vides, au bout d'un verre plein, une main tremblotante et si peu de corps.
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Avec ses cheveux courts (ce jour-là, elle avait les cheveux courts), Zut regarde par la fenêtre l'autre Zut qui marche sur le chemin, de l'autre côté de la grille et des chardons et qui regarde les lèvres entr'ouvertes Zut derrière la fenêtre. Qu'est-ce que je fais là ? se dirent-elles.
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Les bords de la pièce sinuent juste en dessous des cheveux coupés par les ténèbres, continuent en zigzagant à travers les yeux verts et descendent sur les joues, longeant l'arête du nez, fendant les lèvres. J'ai au moins reconstitué son visage, se dit-il.
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Tchoc après tchoc, la pierre se déplace sur le tablier, esquissant des figures, projetant des frontières, créant des yeux. C'est toujours la même pierre, mais si multiple.
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Le baron barbu et assez bourru se barbant au bal des imberbes se barra tout bougonnant pour un bar où il but quelques bourbons.
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La terre sur laquelle il penche son corps voûté est noire ; de cet humus jonché de feuilles sortent des mains aussi squelettiques que lui même, s'agrippent à ses chevilles qu'il laisse là, sauvé soulevé soudain par des mains de lumière d'ange tombées des arbres.
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Maintenant, champ, pré, route, ferme, tout baigne dans le silence et une lumière brune sans éclats. Dans la grande pièce, le fusil armé, il scrute de ses yeux inquiets la respiration des murs. Sa tignasse poivre et sel, sa chemise à carreaux et son pantalon de toile bleue furent seuls retrouvés.
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« Un Chinois de Chinatown est-il aussi chinois qu'un Chinois de Chine ? » se demandait l'homme au chapeau blanc dans un chouette polar intitulé « Chinoiseries de choix pour Charly ».
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D'abord imperceptibles, les fissures s'élargirent, se multiplièrent. Les écailles de peinture tombaient en minuscules archipels sur le sol. Ailleurs, le papier peint gonflait, se déchirait. Cela se vit sur le visage des gens. On commença à parler d'émiettement du monde.
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Lorsque la pandémie du Covid sera terminée, se fera certainement entendre de plus en plus nettement la thèse encore assez sourde que le coronavirus est le fruit d'un complot international et qu'il a été créé en laboratoire afin de réduire drastiquement la population mondiale.
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Il ne manquera certainement ni de zozos, ni de complotistes professionnels pour faire circuler, pseudo-preuves et vidéos bidouillées à l'appui, l'idée que le Covid a été créé, qui par une Asie expansionniste, qui par une Amérique impérialiste, qui par une secte malthusienne, qui par Israël, qui par les Islamistes, qui par les Illuminati, qui par les extra-terrestres, qui par le Majestic 12, qui par le groupe Bildelberg, qui par l'extrême-droite, qui par l'extrême-gauche, qui par les Satanistes, qui par le Grand Remplacement, qui par les Admirateurs du Grand Pangolin.
Patrice Houzeau
Malo, le 25 juillet 2020