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BREFS ET AUTRES
curiosites
25 juillet 2020

SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT

SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT

 

 

  1. La fenêtre sale laisse passer un jour verdâtre dans la pièce étroite et tapissée d'araignées plus ou moins véloces ; à la table encombrée d'assiettes sales, de bouteilles vides, au bout d'un verre plein, une main tremblotante et si peu de corps.

  2. Avec ses cheveux courts (ce jour-là, elle avait les cheveux courts), Zut regarde par la fenêtre l'autre Zut qui marche sur le chemin, de l'autre côté de la grille et des chardons et qui regarde les lèvres entr'ouvertes Zut derrière la fenêtre. Qu'est-ce que je fais là ? se dirent-elles.

  3. Les bords de la pièce sinuent juste en dessous des cheveux coupés par les ténèbres, continuent en zigzagant à travers les yeux verts et descendent sur les joues, longeant l'arête du nez, fendant les lèvres. J'ai au moins reconstitué son visage, se dit-il.

  4. Tchoc après tchoc, la pierre se déplace sur le tablier, esquissant des figures, projetant des frontières, créant des yeux. C'est toujours la même pierre, mais si multiple.

  5. Le baron barbu et assez bourru se barbant au bal des imberbes se barra tout bougonnant pour un bar où il but quelques bourbons.

  6. La terre sur laquelle il penche son corps voûté est noire ; de cet humus jonché de feuilles sortent des mains aussi squelettiques que lui même, s'agrippent à ses chevilles qu'il laisse là, sauvé soulevé soudain par des mains de lumière d'ange tombées des arbres.

  7. Maintenant, champ, pré, route, ferme, tout baigne dans le silence et une lumière brune sans éclats. Dans la grande pièce, le fusil armé, il scrute de ses yeux inquiets la respiration des murs. Sa tignasse poivre et sel, sa chemise à carreaux et son pantalon de toile bleue furent seuls retrouvés.

  8. « Un Chinois de Chinatown est-il aussi chinois qu'un Chinois de Chine ? » se demandait l'homme au chapeau blanc dans un chouette polar intitulé « Chinoiseries de choix pour Charly ».

  9. D'abord imperceptibles, les fissures s'élargirent, se multiplièrent. Les écailles de peinture tombaient en minuscules archipels sur le sol. Ailleurs, le papier peint gonflait, se déchirait. Cela se vit sur le visage des gens. On commença à parler d'émiettement du monde.

  10. Lorsque la pandémie du Covid sera terminée, se fera certainement entendre de plus en plus nettement la thèse encore assez sourde que le coronavirus est le fruit d'un complot international et qu'il a été créé en laboratoire afin de réduire drastiquement la population mondiale.

  11. Il ne manquera certainement ni de zozos, ni de complotistes professionnels pour faire circuler, pseudo-preuves et vidéos bidouillées à l'appui, l'idée que le Covid a été créé, qui par une Asie expansionniste, qui par une Amérique impérialiste, qui par une secte malthusienne, qui par Israël, qui par les Islamistes, qui par les Illuminati, qui par les extra-terrestres, qui par le Majestic 12, qui par le groupe Bildelberg, qui par l'extrême-droite, qui par l'extrême-gauche, qui par les Satanistes, qui par le Grand Remplacement, qui par les Admirateurs du Grand Pangolin.

    Patrice Houzeau
    Malo, le 25 juillet 2020

     

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13 juillet 2020

AVANT D'PASSER A L'ACTE LE LUTIN

AVANT D'PASSER A L'ACTE LE LUTIN

 

 

 

  1. Lu l'album « Sigurd », tome VI de la
    série « Les Tours de Bois-Maury » de
    Hermann qu'ça débute par d'la vision
    d'apparitions chauve-souris barge ça
    va sur la mer ça la barge pis cheval
    blanc portant joyau sur son front je
    m'dis qu'le passé c'est du retour de
    revenances qu'le présent leur permet
    encor d'se manifester dans l'bizarre

  2. « Les idées, comme des boucs étaient dressées les unes contre les autres. »
    (Henri Michaux, « La marche dans le tunnel »)

  3. « Les idées, comme des boucs étaient
    dressées les unes contre les autres»
    dit dans La marche dans le tunnel le
    poète Henri Michaux que les boucs oh
    oui qu'ça vous fonce dessus qu'si on
    i songe c'est politique en diable ça
    les boucs dans le genre radical même

  4. Les idées mèneraient-elles le monde?
    Ou alors les idées les alibis de nos
    intérêts qu'elles sont les idées que
    je me pensais en penchant la tête et
    me disant comme elle est bien pleine
    la poubelle faut qu'j'la vide tandis
    qu'elles sortent des murs les ombres

  5. « Le poste de machin semble très convoité
    à la tête de » que j'entends à la radio &
    moi entendant cela je me dis la politique
    c'est pareil que la vie d'pousse-toi-d'là
    -que-j'm'y-mets qu'il y a partout qu'donc
    ça doit être pour ça qu'on vote pour tant
    de gens aussi idéalement menteurs qu'nous

  6. Entendu dire que parfois pendant ses cours
    ce grand philosophe de la Logique aussi du
    Langage disait défois qu'idiot i s'sentait
    C'est que défois la machine a patine kelle
    se met à chantonner des comptines é défois
    qu'c'est juste une présence bouche bée pis
    qu'rien qu'en sort qu'on est juste là nul.

  7. Défois moi aussi j'me sens stupide même que
    je me relis que je me dis qu'c'est pas bien
    écrit cé koi toutes ces conneries et j'm'en
    veux j'me dis qu'j'devrais faire mieux puis
    là en général m'arrive dans la caboche c'te
    troupe de gnomes qui chantent des comptines
    bavaroises qu'j'ai envie d'boire d'la bière

  8. « Mais vous êtes aussi réel que je le suis, lui disais-je. O Simon, pourquoi êtes-vous mort avant d'avoir pu me dire de quoi il s'agit ? Simon, à quoi cela ressemble-t-il, d'être mort ? »
    (Leonora Carrington traduit par Henri Parisot, « Le Cornet acoustique » [la narratrice])

  9. Mais vous êtes aussi réel que je le suis,
    lui disais-je.O Simon, pourquoi êtes-vous
    mort avant que d'avoir pu me dire de quoi
    il s'agit? » qu'elle demande dans l'roman
    étonnant à Leonora Carrington « Le Cornet
    acoustique » que si ça s'trouve les Morts
    si on leur demandait quoiquesse d'l'autre
    côté i s'gondoleraient d'l'ectoplasme pis
    s'frottant le vide orbital i répondraient
    Tu crois quoi toi je te dis moi k'tout ça
    pour ça L'au-delà c'est de l'escroquerie.

  10. Moi je pense que le lutin armé d'un couteau
    qu'y a parfois dans la tête des gens bin il
    n'y a pas qu'le lutin aussi du labyrinthe y
    a et qu'c'est même pour ça qu'le lutin faut
    qu'il le retrouve son chemin dans le dédale
    & sans s'faire bouffer par l'aut' Minotaure
    là qu'en fin de compte il en met parfois du
    long temps le lutin avant d'passer à l'acte

Patrice Houzeau
Malo, le 13 juillet 2020.

11 juillet 2020

QUI EST DONC CE DRAGON QUI NOUS ASPHYXIE

QUI EST DONC CE DRAGON QUI NOUS ASPHYXIE ?

 

 

  1. Nos imaginaires vivent avec nous. Nos cités sont hantées d'êtres ailés, nos demeures de dieux aux noms cachés, et d'étranges philosophes parlent par nos discours.

  2. Les anciens dieux, ceux que l'Unique a chassés, se raccrochent au réel. D'où ces murmures dans la nuit, ces coups dans les murs, ces visions fugitives, l'étrangeté de nos musiques et de nos légendes, ces énigmes qui tissent nos poèmes.

  3. « Les maisons sont comme des corps. Nous sommes reliés aux murs, aux toits et aux meubles, tout comme nous dépendons de nos foies, de nos squelettes, de notre chair et du flux de notre sang. »
    (Leonora Carrington traduit par Henri Parisot, « Le Cornet acoustique »)

  4. Se pourrait-il que, croyant vivre en nos maisons, ce soient nos maisons qui nous hantent ?

  5. L'Absolu est-il l'hybris de la conscience ? Les philosophes qui ont argumenté des cités idéales, et les politiques qui sur ces architectures impalpables ont bâti programmes et systèmes seraient donc très périlleux, à moins qu'ils fussent comédiens.

  6. Se pourrait-il que certaines créatures des ténèbres tentent de persister dans l'être en usurpant la langue des politiques ? Ou les ténèbres elles-mêmes ne sont-elles qu'une farce que le langage nous joue pour se moquer de nos prétentions à l'humain ?

  7. Je ne crois pas que l'empire des ténèbres soit une farce. Les Ténèbres sont bien trop puissantes et l'Histoire nous apprend qu'Elles ont pris bien des masques et inspiré à la crédule humanité bien des horreurs.

  8. Lorsque j'étais enfant, soudain nos maîtres d'école se mirent à parler une langue étrange où il n'était plus question de répartir des parts de tarte ou de compter des billes, mais de définir l'identité de « x » et de « y » à l'aide de formules qui me semblèrent tout à fait martiennes.

  9. Lovecraft, on le sait, n'a point vécu raisonnablement. Cependant, rien de plus rationnel que l'esprit de l'auteur de « L'appel de Cthulhu ». C'est tout à fait rationnellement – et peut-être sans même s'en douter - qu'il a préparé le surgissement des Autres Dieux dans nos modernes réalités.

  10. Dans « Le Cornet acoustique » de Leonora Carrington, le « manuscrit du confesseur de l'Abbesse » mentionne que « des rumeurs souterraines nous parviennent encore ». Les partisans de la théorie de la « Terre creuse » y devineraient quelque peuple ancien et hermétique.

  11. En juillet 2020, il semble de plus en plus clair que nous ne sommes pas débarrassés du Covid et on nous avertit chaque jour d'un probable regain de vigueur du tueur invisible. Qui est donc ce dragon qui nous asphyxie ?

  12. Je me demande parfois si le réchauffement climatique et la fonte des glaces ne vont pas finir par libérer quelque virus d'un autre temps, quelque chose d'inimaginable qui s'abattra sur l'humanité comme les créatures visqueuses de l'autre côté des murs s'emparent de nos demeures.

Patrice Houzeau
Malo, le 11 juillet 2020.

10 juillet 2020

QUE DANS LA PENSEE CELA SE PASSE DIFFEREMMENT

QUE DANS LA PENSEE CELA SE PASSE DIFFEREMMENT

 

 

  1. Lorsque Wittgenstein se demande quelle est la « différence entre les deux processus : Désirer que quelque chose arrive - et désirer que cette même chose n'arrive pas », le « et » de la traduction de Pierre Klossowski nous semble essentiel.

  2. Dans la même conscience deux désirs contraires : « Désirer que quelque chose arrive – et désirer que cette même chose n'arrive pas ». C'est exactement ce qui doit hanter la conscience de l'extraterrestre infiltré parmi nous et tombé amoureux d'une belle terrienne.

  3. Au paragraphe 548 de ses « Investigations philosophiques », cette remarque de Wittgenstein : « On entend que dans la pensée cela se passe différemment » indique assez l'existence d'un monde parallèle qui coïncide avec la pensée et se développe hors du réel commun.

  4. Chacun connaît l'énigme de la dernière proposition du Tractatus logico-philosophicus » de Wittgenstein : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » La phrase semble banale mais elle signifie évidemment que le réel en soi est aussi incommunicable que les noms des autres dieux.

  5. Un dieu vint et s'affirma comme le « Il n'y a qu'un seul dieu ». Dès lors, de par le monde, quelques maisons furent dépositaires de lourds secrets et d'événements inimaginables pour le commun des mortels. Jean Ray révéla une de ces maisons tourmentées dans un livre intitulé « Malpertuis ».

  6. Les morts ont-ils encore un nom ? C'est leur présence dans nos mémoires qui est encore nommée. Sinon, les morts oubliés ne sont même plus ombres en leur royaume ; ils ne sont plus que poussière que le vent sème dans l'infini de ce qui n'a plus de temps.

  7. « Mais dès lors que « Excalibur » est le nom d'un objet, cet objet n'existe plus, si « Excalibur » est brisée ; et, puisque alors aucun objet ne correspondrait au nom, ce nom même n'aurait point de signification. »
    (Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 39)

  8. Qu'une langue puisse être contaminée, jusqu'à en tomber malade, jusqu'à s'anémier, jusqu'à en mourir et disparaître, prouve sans nul doute que l'être se manifeste dans la langue comme les dieux perdus se manifestent dans leurs dernières demeures.

  9. Les humains tendent à l'universalité du code. C'est ainsi que certains espèrent se débarrasser des autres dieux qui ont fait demeure de la langue. Mais il semble que la hantise persiste dans l'être et contamine les machines.

  10. Wittgenstein fait souvent usage de ces propositions qui nous sont familières telles que : « Tandis que je lui parlais, je ne savais trop ce qui se passait dans sa tête. » (cf Investigations philosophiques, 427). Ce qui revient à évoquer ce monde de la pensée en soi, labyrinthique et parallèle.

  11. C'est de ce monde de la pensée en soi, labyrinthique et parallèle que nous viennent légendes, fantômes et autres dieux, lesquels pétrissent nos réels de leurs mains sans doigts, ni paume, ni poignet.

Patrice Houzeau
Malo, le 10 juillet 2020.

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