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« Le concept du devoir dans toute sa pureté » : dans ce début de phrase, Kant (traduit par Guillermit) rappelle que la qualité d'un concept est dans sa pureté.
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Si l'on désigne le concept par A et si l'on désigne par « x » la pureté de A, nous dirons donc que « x » est inhérent à A, ou que « x » est la condition de A, mais si « x » est la condition de A, A est-il la condition de « x » ? Il y a-t-il concept dès qu'il y a pureté ?
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Y a-t-il concept dès qu'il y a pureté ? Lorsque je parle par exemple de la « pureté d'une phrase » ou « de la pureté de la langue d'un auteur », à quoi fais-je référence sinon au concept de pureté du langage, cependant que l'emploi de ce concept suppose un jugement esthétique : ce que l'on appelle ici « pureté » peut-elle être simplement « pauvreté d'expression », « degré zéro de l'écriture » ?
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La mort est-elle un concept ? Ou n'est-elle jamais qu'un état ? Parler de la pureté de la mort n'a-t-il de sens qu'en poésie, cependant que je puis désespérément affirmer une « pureté de la mort » face aux compromissions du réel. C'est sans doute ainsi que raisonne Antigone.
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La pureté est-elle la manifestation du concept ? Ainsi, la violence d'un meurtre, la violence pure, dans laquelle n'apparaît aucun signe d'empathie, d'hésitation éthique, est-elle la manifestation du concept de Mal qui serait ici compris au sens de « Mal absolu » ?
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L'on voit que le terme « pureté » pourrait aisément se substituer au terme de « concept ». Autrement dit, « x » étant la condition nécessaire et suffisante de A, « x » serait employé pour A. Ce tour de passe-passe logique est fort utile aux sectaires, qui encouragent leurs disciples à commettre des meurtres en fonction de la pureté de leur foi.
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Si je désigne par F le concept de la foi et si j'attribue à F la qualité nécessaire et suffisante « y » de « l'obéissance absolue à F », il devient dès lors aisé de convaincre le croyant de, par exemple, commettre un crime au nom de cette foi, puisque dès lors « y » se confond avec F de telle sorte que qui n'obéirait pas aveuglément trahirait sa foi.
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Comment empêcher cette substitution du concept par le nécessaire et le suffisant ? Comment empêcher que « x » n'oblitère A ? Probablement faut-il chercher dans l'emploi quotidien que nous faisons des concepts. Autrement dit, utilisons-nous toujours les concepts de façon pure ?
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Je note que les mathématiques, ou encore la musique, se caractérisent par la pureté de leurs systèmes de notation. Puis-je dire que mathématiques et musique sont de purs arts conceptuels ? Est-ce que cela a un sens en mathématiques de dire que « x » oblitère A et que la condition nécessaire et suffisante se substitue au concept ?
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Puis-je dire que l'ensemble des signes qui constituent le langage mathématique participe de sa définition de telle sorte que la condition nécessaire et suffisante du langage mathématique est l'emploi logico-mathématique de l'ensemble de ces signes ? Autrement dit, le concept de mathématiques n'existe-t-il que parce qu'il existe un ensemble ouvert de signes qui le définissent ?
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Je note qu'il en est de même pour les codes et les langages informatiques, lesquels n'existent en tant que concepts qu'en raison de la création d'ensembles de signes (pourrait-on parler aussi de processus?) qui permettent codage et utilisation des langages informatiques. Autrement dit, le concept est ici l'ensemble des signes du code.
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Je note aussi qu'il me semble que cette possibilité conceptuelle est l'apanage de l'humain. Peut-on parler de « code » en parlant du langage des animaux ? Intuitivement, on serait tenté de répondre par l'affirmative si l'on considère que les animaux se manifestent les uns aux autres par des signaux. Mais ces signaux semblent innés et ne correspondent donc pas à la notion de système ouvert créé par les humains : l'humain peut toujours ajouter de nouveaux signes, de nouvelles conventions d'écriture à tel ou tel code.
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Utilisons-nous toujours les concepts de façon pure ? Certes, il existe bien un « code pénal » et la philosophie du droit ne cesse d'affiner les définitions caractérisant la façon dont on doit juger des conflits humains. En ce sens, la Justice apparaît comme un concept dont la pureté ne cesse d'être convoquée, mais il est aussi que l'humain, si rationnel et raisonnable soit-il, vit aussi en réagissant.
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Les réactions humaines sont-elles les conditions d'un concept spécifique ? Serait-ce se montrer essentialiste que d'affirmer que les réactions de l'humain définissent le concept d'humanité ?
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Deux conceptions dès lors s'affrontent : une conception relativiste qui voit en l'humain une infinité de réactions de tous ordres (des plus admirables aux plus « inhumaines ») face à une conception positiviste (ou encore humaniste, ou universaliste) qui verrait en l'humain un ensemble de réactions à conditionner par l'éducation, la raison, la science, la politique etc...
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Utilisons-nous toujours les concepts de façon pure ? Vivons-nous en respectant scrupuleusement les conditions nécessaires et suffisantes des concepts qui définissent notre humanité (le Vrai, le Bien, le Beau, le Juste) ? Qu'en 1797, Kant se soit posé la question du mensonge dans un ouvrage intitulé « Sur un prétendu devoir de mentir par humanité » indique que la question mérite d'être posée.
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Vivons-nous en relativistes ou en positivistes ? Cette question permet-elle de rendre compte, ne serait-ce qu'en partie, des affrontements politiques actuels ? Lesquels, comme on voit, semblent de plus en plus âpres.