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24 juillet 2020

NOTES SUR UN VERS DE MICHEL HOUELLEBECQ

NOTES SUR UN VERS DE MICHEL HOUELLEBECQ

 

 

 

  1. « Ma sœur était très laide à l'âge de dix-sept ans, »
    (Michel Houellebecq, « La Poursuite du bonheur » [le narrateur])

  2. Que signifie « être très laide à l'âge de dix-sept ans » ? Ce vers de Michel Houellebecq suppose un monde d'illusions, de déceptions, de frustrations et il est notable que quelques mots simples donnent ainsi à songer. Je note aussi que les gens sont souvent plus forts qu'on croit.

  3. Que signifie qu'un narrateur écrive « ma sœur était très laide » ? Il s'agit de poésie et l'on fait donc facilement la confusion entre auteur et narrateur. Il n'en reste pas moins que la poésie ici se livre au discours de l'intime.

  4. En parlant des gens, qu'appelle-t-on laideur ? Qu'importe que l'on considère la beauté physique comme en soi ou relative aux conditionnements de notre programmation sociale, nous vivons en considérant que telle personne est agréable à regarder et que telle autre non.

  5. Je note qu'en matière d'esthétique nos goûts changent en même temps que change notre langue. Peut-on considérer que le français des classiques, le français du grand style des XVII et XVIIIème était porteur d'un goût supérieur à celui que sous-entend notre français moderne ?

  6. Le français du grand style est beau en l'usage qu'il fait des règles et des mots ; c'est une manière de jouer joliment des signifiants, cependant que les signifiés vivaient leur vie dans un réel dont nous sommes les héritiers et les critiques.

  7. Que le français du grand style soit beau est un jugement, je crois, largement répandu cependant que d'ici un siècle ou deux, il n'apparaîtra sans doute ni beau, ni laid mais « objet d'étude » à la manière dont nous lisons le français des romans de Chrétien de Troyes.

  8. On pourrait sans doute reprocher aux pouvoirs publics de laisser le français se dégrader ; écrivant cela, je pense à ce français des « éléments de langage » et des expressions anglo-saxonnes qui semble tant réjouir les veaux du pré politique.

  9. Que l'on reproche au gouvernement de ne plus se soucier du maintien d'un français de qualité, fait de la langue un enjeu politique et nous n'oublions pas que si le grand style fut la langue de la noblesse (du Roi comme de La Fronde), il fut aussi la langue de Voltaire et de Rousseau.

  10. Considérer la langue comme un enjeu politique ne légitime-t-il pas que soient étudiés de près la langue technocratique de Macron and Co, la novlangue tant pédagogiste que ministérielle ainsi que les pré-supposés et les connotations du lexique des extrêmes.

  11. Si la langue est un enjeu politique, le ministère de l'éducation nationale ne serait-il pas bien inspiré d'augmenter à tous les niveaux le nombre d'heures de français, au lieu d'en faire parfois un simple auxiliaire d'un enseignement qui n'a parfois que l'apparence d'être professionnel ?

  12. Le constat de cette dégradation du français explique-t-il la prudence de l'Académie française dans ses recommandations et sa défiance envers les différentes réformes de l'orthographe qui, étant donné l'appauvrissement des lexiques, nous semblent souvent malvenues ? L'usage ne précéderait-il plus la norme ?

     

Patrice Houzeau
Malo, le 24 juillet 2020.

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