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13 février 2022

PASSAGE

PASSAGE

 

Je me trouvai dans une page de Philip K. Dick et le télépathe me répondit : « Je ne peux plus lire dans les esprits ». Vaguement désolé, je me dis moi pareil, pouvais plus lire dans les esprits. Ma table tournante m'avait lâché et je ne devinais plus.

Je m'aperçus que je n'étais pas seul et que je passais un examen. Mon examinateur, lui aussi du Philip K. Dick, d'une voix sourde observa : « A mon avis, vous avez le goût de l'échec. » Je lui trouvai un air d'acteur américain et fus honteux de ma négligence.

Je lui trouvai un air d'acteur américain, dont le nom ne me revenait pas, et honteux de mon ignorance, restai cloué sur ma chaise. Dans le couloir, j'y étais tout à l'heure - je m'en souvenais maintenant - avec la jeune femme aux cheveux courts et son amie lycéenne.

Dans le couloir, la jeune jeune femme aux cheveux courts disait à la lycéenne au visage lisse que c'était à cause de la réforme qu'il y avait tant de canards étonnés dans le couloir. C'est sur cet étonnement que je fondai la raison de leur silence.

Je finis pour moi-même la citation (citer du Philip K. Dick en songe n'est certes pas la pire chose) : « On ne peut rien y changer, même dans les circonstances présentes. » Je vis le temps changer. Un vent à faire valser les bœufs.

Que pouvais-je faire ? Dehors le vent m'empêchait de sortir (je vis quand même passer des gens dans ce vent) et l’examinateur semblait attendre des réponses que j'étais incapable de lui donner. Il y avait du silence, bientôt saturé par le souffle du vent de plus en plus puissant.

L’examinateur, avançant ses yeux et son visage, me demanda de lui dire la vérité. A ce mot, j'entendis rire dans le couloir et pensai que la jeune femme aux cheveux courts se moquait de moi. Des canards cancanèrent.

« La vérité », c'est ce qu'il faut dire, me dis-je, même quand on ment, puisque nous mentons pour sauver ce que nous pensons être notre vérité. L'homme qui ment à sa femme sur un assassinat. Les mensonges que nous faisons à nous-mêmes.

Je me dis que ce que je me disais, c'est ce que je devais lui dire, à l’examinateur, mais au moment où j'ouvris la bouche, il avait disparu.

A sa place, il n'y avait plus que des yeux s'enfonçant « comme des grains de raisin ratatinés ». Je reconnus cette comparaison ; elle était de Philip K. Dick et me demandai pourquoi il y avait tant de phrases sorties de « Ubik » partout.

« Non tu n'es pas là », me dit la jeune femme aux cheveux courts et j'étais revenu dans le couloir dans lequel le vent s'engouffrait, faisant flotter une succession de rideaux blancs.

« Non tu n'es pas là. » Je tentai de protester de ma présence mais elle ne m'écoutait pas, continuant à citer l'auteur de « Le Maître du Haut Château ». Je pensai que ce vent dans le couloir n'était pas ordinaire, peut-être le souffle d'une explosion ? Nous étions debout pourtant.

Dans le couloir, la jeune femme aux cheveux courts continuait à citer du Philip K. Dick : « L'enchaînement de formes qui normalement se déroule... cet enchaînement a été interrompu. » La lycéenne au visage lisse applaudissait.

La lycéenne au visage lisse applaudissait et moi, tout vieux, que faisais-je dans cette bibliothèque ? A la place des livres convoités, je trouvai un cercueil, dont je m'approchai me disant : « Ah, « Les Mémoires d'outre-tombe ! ».

Comme je me penchai sur le cercueil, j'y vis un « crâne couleur de parchemin » et une citation de Philip K. Dick, où il était question « d'ossements roussis et desséchés », de « regard torve » (je pensai à mon examinateur), de « grains de raisin ratatinés ».

Comme retentit l’explosion, je compris qu'on frappait à ma porte. Avant de me laisser au réel, la jeune femme aux cheveux courts me dit dans un souffle : « Elle n'a pas – je dis bien elle n'a pas – cherché à utiliser son pouvoir après l’explosion. »

Pourquoi toujours Philip K. Dick ?, me dis-je ouvrant mes yeux sur le da-sein.

Patrice Houzeau
Malo, le 13 février 2022.

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