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17 août 2022

QUE VOIS-JE QUAND JE M'EN SOUVIENS ?

QUE VOIS-JE QUAND JE M'EN SOUVIENS ?

 

1.

Je lis dans un tweet de l’excellent Thomas Arfeuille @IarthurPym que tout étant possible en physique quantique, il serait donc « concevable que ce soit le vase qui fasse déborder la goutte ».

Soit le vase tout agité de ses particules vaseuses – ô vertige !

Soit la goutte toute agitée de ses particules gouttières – ô glouglou !

Le vase qu'on ne peut voir que par le bout d'un microscope qui n’existe pas, il est tout agité, le vase, de ses particules vaseuses et qu'il se dilate la rate (la rate vaseuse), et qu'il se répand tout en se contractant, pis se rétracte et s'allonge et agite ses empires, ses confins, ses noyaux, ses pleins et déliés,

cependant que la goutte fait tout pareil que le vase, en se rhinocérisant bien aussi un peu, qu'alors soudain, à un moment « y », elle va se trouver, la goutte, dans un état paradoxal de sa matière goutteuse tel que le vase va illico la faire déborder, de telle sorte donc que la goutte va emporter le vase dans un flux, un flot, un flou et imbiber les précieuses équations notées sur un bout de papier, désespérant l'inspiré physicien qui se demande quel est le sagouin qui a laissé les robinets ouverts.

2.

Qui vole un bœuf ne fera pas d'omelette.

3.

« Qu'est-ce que me montre mon souvenir ? Qu'est-ce qu'il présente à mon esprit ? Mais s'il ne faisait rien que me suggérer ces paroles ! »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

 

Je me souviens, c'est-à-dire un souvenir me montre mentalement quelque chose.

Je réagis : je rougis (la honte), je souris (un petit bonheur), je m'interroge (un souci, un doute, un regret)...

C'est bien au présent que j'éprouve ces sensations, c'est donc la manière dont je me représente le passé, dont je l'actualise intellectuellement, qui agit sur moi.

La fille du lycée dont j'étais amoureux (seigneur, qu'on est sot) et qui est maintenant beaucoup plus vieille, c'est toujours comme la jeune fille dont j'étais amoureux qu'elle apparaît, jolie comme un cœur et souriante dans le cinéma que je me fais pour ne pas penser à ce à quoi je penserais si je ne songeais pas à Rose.

Mais cette jeune fille n’existe plus ; elle est sans doute grand-mère maintenant et ne se souvient plus de moi, ou se souvient d'un moi qui n'a jamais existé que pour elle, de même que le souvenir que j'en ai ne correspond pas à la manière dont je la voyais alors et à ce qu'elle était dans une réalité nécessairement inaccessible.

Cette jeune fille est un fantasme, un fantôme, une manifestation de l'être qui me lie à cette vie, et qui, bien que je sache pertinemment qu'elle ne correspond à l'étant en soi que par l’exercice de mon imagination, me maintient dans un désir de réel.

Après, si elle ne fait rien qu'à me suggérer ces paroles, eh bien, c'est certain, mais comme je ne la crois qu'à moitié...

4.

Les autres n'étant jamais que la représentation que je m'en fais, le cinéma est l'art de raconter des histoires fantasmatiques.

Les personnages sont des fantômes qui, afin d'assurer leur pérennité, prennent l'apparence des acteurs.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 17 août 2022.

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