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6 mai 2023

HURRAH !... ET LE FOSSÉ DERRIERE...

HURRAH !... ET LE FOSSÉ DERRIERE...

(Notes de lecture)

1.
Ira Levin : « Les Femmes de Stepford » (J'ai Lu SF, 1993, illustration de Caza, traduction : Tanette Prigent et Noman Gritz). Science-fiction proche de nos actualités. Roman féministe ? Pose le problème de la distinction entre robot et humain. Roman court (c'est appréciable).

2.
André Breton : « Arcane 17 » (10/18, 1975). Prose très travaillée, poétique, parfois aux limites de la préciosité et de l'emphase. Entre autres considérations, pose le problème de l'enseignement de l'Histoire et du roman national (par exemple, ce qu'on conta aux écoliers de Robespierre et de Louis XVI, aussi de Napoléon). Évoque les querelles concernant, - l'auteur ne s'étant pas encore fait connaître -, le statut du « Silence de la mer », de Vercors : propagande allemande ou chef d’œuvre de littérature résistante ? Ailleurs, Breton alambique sur la présence de la tradition occultiste chez certains auteurs (il y tenait, Breton, apparemment, aux sources ésotériques de l’œuvre de Rimbaud) et aussi d'étranges « incidents » que Breton présente comme authentiques. Surréalisme et merveilleux.

3.
J. Oriano, « B comme Baptiste » (1981, réédition en « Carré noir » d'un « Série noire » de 1971). Polar. Style imagé avec verve et gouaille, façon Frédéric Dard, Michel Audiard, Léo Malet. La France de la fin des années 60. Amusant. Ironique. Réaliste. J'aime bien, pour le style et l'intrigue type « coup monté » avec chantage, jolie fille, pigeons. Le narrateur patauge dans le bizarre, et le brouillard ne se lève pas tout de suite.

Citation : « D'habitude on n'ouvrait pas à cause du bruit, mais ça m'était égal, cette nuit. Je me relevai et poussai fenêtres, volets et tout. La lune cavala dans la chambre, toute blanche, comme en chemise. »
(J. Oriano, « B comme Baptiste », chapitre X [le narrateur])

4.
Khalil Gibran, « Le Prophète » (Pocket, traduit par Didier Sénécal). Texte bref du genre à avoir dans ses affaires si l'on aime la poésie à visée philosophique. Suite de préceptes qui rappellent quant à la forme « Ainsi parlait Zarathoustra », en moins hermétique. Peut agacer ; peut fasciner. Intéressant.

5.
Michel Audiard, « La nuit, le jour et toutes les autres nuits » (Denoël, 1978). Célinien. A garder et relire. Un genre d'ironie vacharde et mélancolique, parfois très amère, parfois émouvante, et que l'on ne publierait sans doute plus aujourd'hui, (c'est qu'il est revenant, le temps des hypocrisies). Roman ça se dit, mais se pourrait que le narrateur en dise beaucoup sur l'auteur. Peut mettre mal à l'aise à cause des évocations de la Libération. A dû choquer lors de sa publication.

Aux pages 154-155, Audiard évoque la maison de Céline : « Rien qu'une bicoque sans passé, ni avenir, construite sur l'autre, la maudite, celle partie en fumée avec les manuscrits, les lettres, toute la paperasse et les pinces à linge. Une gentille apocalypse tout à fait conforme au répertoire. »

6.
Tristan Corbière, « A ma jument Souris » (in « Les Amours jaunes »). La poésie, c'est le style, et le contenu n'est que prétexte à virtuosité. J'aime les petites pièces des poètes dits « mineurs » (Corbière, Laforgue, Fourest,...) qui ne prétendent pas au De rerum natura, mais qui vous retiennent la cafetière à l'ironie. « A ma jument Souris » est de ces petits bijoux... mêle les images de l'amante et de la jument... Choquant ? Bah oui, pour ceux qui prennent la littérature pour un réservoir d'idées à préparer des révolutions qui commencent toujours par des coups d'éclat pour finir par des cous coupés... J'en apprécie l'autodérision du premier quatrain :

« Pas d'éperon ni de cravache,
N'est-ce pas, Maîtresse à poil gris...
C'est bon à pousser une vache,
Pas une petite Souris. »

Pré-surréaliste aussi, si l'on considère :

« J'agace, du bout de ma botte,
Ta patte d'acier fin qui trotte.
Va : je ne suis pas cavalier... »

Cette « jument à poil gris » et « patte d'acier fin » me laisse songeur...

J'aime aussi ce « Hurrah ! » qui ponctue les deux derniers quatrains, car j'aime le swing et la clameur du virtuose à son métier... Et l'usage des trois petits points... Pré-célinien, tu crois ?

« Hurrah ! c'est à nous la barrière !
Je suis emballé : tu me tiens -
Hurrah !... et le fossé derrière...
Et la culbute !... - Femme, tiens !! »
(Tristan Corbière, « A ma jument Souris »)

Patrice Houzeau
Malo, le 6 mai 2023.

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