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BREFS ET AUTRES
25 octobre 2023

OU DIABLE CET ESCALIER MENE-T-IL ?

OU DIABLE CET ESCALIER MENE-T-IL ?

1.
« … Tous ne s'appellent pas Klingsor, et tous ne sont pas fils de l'imagination exaspérée d'écrivains comme Hesse et Wolfram von Eschenbach, ni de musiciens comme Wagner... »
(Hugo Pratt traduit par Céline Frigau, « Les Helvétiques » [Klingsor])

Que puis-je baladiner de cette phrase ?
- qu'à la place de « exaspérée », j'aurais peut-être mis « exacerbée » mais je ne connais ni l'italien ni la version originale de cette planche.
- Que je me souviens de mes premières lectures des aventures de Corto Maltese dans Pif Gadget (when I was môme) : je n'y avais rien compris (je me souviens d'une planche où des gens se tiraient dessus dans un dédale de maisons blanches avec de grandes ombres noires partout et des crac pour onomatopéiser les coups de fusil). Je n'y avais rien compris mais ça m'avait fasciné.
- Que relire « Les Helvétiques » en écoutant le premier album des Stray Cats (ah ce bon vieux rock n' roll !), ça me flanque un coup d'nostalgie dans la neuronale.
- Qu'avec le temps, je tends à préférer le bon vieux rock n' roll (guitare, basse, batterie et du swing) à bien des prétentions psychédélico-progressives qui vous ont parfois un goût de vieille montre molle (quelques heureuses exceptions cependant chez les Beatles et Pink Floyd).
- Que j'avais bien aimé « Le Loup des steppes », de Hermann Hesse qui était assez à la mode chez les lycéens des sections littéraires du début des années 80.
- Que je n'ai pas lu Wolfram von Eschenbach ; qu'il faudrait que je le fasse, s'il reste assez de sable en mon sablier.
- Que je n'aime pas beaucoup la musique de Wagner – trop lourd trop long - (je préfère les opérettes d'Offenbach, ce qui swingue et ironise).

2.

« - Vous rendez-vous compte que votre incrédulité me chasse dans le monde de l'imaginaire et que je ne pourrai plus en sortir ? »
(Hugo Pratt traduit par Céline Frigau, « Les Helvétiques » [Klingsor])

Que puis-je caraveller de cette phrase ?
- que les personnages de fiction sont des fantômes, des exclus de ce monde des vivants que nous partageons comme si nous étions de ce monde ?
- Que notre incrédulité nourrit ces mondes parallèles qui, de moins en moins étanches, vont finir par envahir le réel et nous plonger dans une folie collective où nous nous exaltons déjà ?
- Que les étranges histoires de H.P. Lovecraft et de Hugo Pratt sont des prémonitions de cette invasion du réel par les fictions des mondes parallèles ?
- Que les albums de bande dessinée sont des synchronies dans lesquels les personnages sont condamnés, de case en case, à répéter sous nos yeux les mêmes gestes, à prononcer les mêmes paroles. Ils se révèlent à chaque lecture.
- Que c'est le propre des revenants de hanter un même lieu et de répéter les mêmes gestes, pris qu'ils sont dans une boucle, une boucle, boucle temporelle ?
- Que nous nous croyons les acteurs d'une diachronie que, prétentieusement, nous appelons Histoire et qu'en fait nous ne sommes que les spectres de la synchronie de l'éternel retour.

3.
« Des châteaux du Saint-Graal, on en trouve quelques-uns en France, en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et dans le Pays de Galles. »
(Hugo Pratt traduit par Céline Frigau, « Les Helvétiques » [Steiner])
Que puis-je kaamelotter de cette phrase ?
- que ça fait beaucoup de « châteaux du Saint-Graal » tout de même : - le Graal aurait-il le don d'ubiquité ?
- Que je m'étonne (mais c'est parce que je suis très ignorant) que Steiner de mentionne pas l'Irlande. Allant quêter sur Wikipédia (la technologie nous évite bien des départs), j'y trouve mention du « Saumon de la sagesse », lequel, d'abord saumon aussi ordinaire que vous et moi, ayant mangé « les neuf glands tombés de l'arbre du savoir dans le fleuve Boyne – ou parfois le Shannon », devint énorme car il était plein du savoir du monde.
- Que la matière de Bretagne, la légende arthurienne, le mythe du Saint-Graal ont nourri l'imaginaire occidental aussi bien que le « Cogito » de Descartes a fondé l'usage moderne de la raison et que Molière et Shakespeare nous ont donné le goût du théâtre.

4.
Corto Maltese , dans « Les Helvétiques », échappe à l'universelle Faucheuse, dont le manteau d'ombre couvre la majeure partie de la case 1 de la planche. Corto s'enfuit, effrayé cependant que la Mort, en ses mouvements de faucheuse, courbe herbes et plantes. Au bout de sa course, une tour. « Où diable cet escalier mène-t-il ? » qu'il dit, le personnage de Hugo Pratt ?
- à la cuisine où Corto pourra se faire cuire un œuf ?
- À la bibliothèque de Babel dont il est issu, comme tous les personnages de fiction, hein quand on y songe, qu'au fond, Corto Maltese, dans la bibliothèque qui n'en finit pas, il est chez lui, n'est-ce pas ?
- A trois lettres de l'alphabet hébreu ?
- Au fumoir, où Corto pourra s'en griller une en buvant un whisky. Il l'a bien mérité, allez !
- Dans son lit, cause que Corto Maltese, c'est un grand rêveur, et un gros mytho itou ; qu'en fait, il n'a jamais quitté sa chambre d'étudiant quelque part dans une ville universitaire d'Italie, même que tout le reste n'est que littérature et fables pour littéraires ?

5.
Ah tiens, une allitération dans la bouche de la fée Kundry (cf « Les Helvétiques », de Hugo Pratt). Citons cette présentation de Kundry la rousse par Kundry aux yeux verts : « Je suis pucelle et magicienne, et avec mes servantes nous façonnons des rêves fabuleux, fantastiques, fatals et funestes pour faire prisonniers ces chevaliers du Saint-Graal chastes et assommants. » J'aime bien. C'est amusant.

Patrice Houzeau
Malo, le 25 octobre 2023.

 

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