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BREFS ET AUTRES
lunaires
1 juillet 2020

CE QUI ME PASSE PAR LA TÊTE

CE QUI ME PASSE PAR LA TETE

 

  1. Ce qui me passe par la tête n'est pas comète dans l'espace. Baudelaire appelait cela « fusées » ; c'est juste du jus qu'on a dans l'citron qu'toute la journée, ça nous fait des bouts d'pensées, des analogies, des impressions qu'on croit qu'on pense qu'on fait juste que fonctionner du carafon.

  2. Ce qui me passe par la tête qu'il fait beau ; je bois de la limonade très fraîche ; aujourd'hui, c'est un second tour d'élections municipales. De toute façon, les gens râlent. Hier, j'ai acheté des tomates séchées. J'me sens un peu fatigué. Les gens votent peu. On s'fait cuire des œufs.

  3. En juin 2020, en France, il ne se passait guère de jours sans que, sous un prétexte ou un autre, des incidents éclatent entre l'une ou l'autre partie de la population et les forces de police. On commençait à douter de l'efficacité de certaines de nos institutions.

  4. En achetant chaussettes, short, tee-shirt, j'ai aussi acheté tomates séchées, saucisses sèches, choux, chicons, chorizo, chablis, mais pas de serpent sifflant sur vos têtes ; je n'en avais nul besoin.

  5. Je n'aurais jamais pensé entendre cette phrase un jour d'élections municipales : « Masque obligatoire et gel hydroalcoolique partout dans les bureaux de vote ».

  6. Ce matin, j'ai lavé du linge. Dans le ciel, on sait bien qu'il n'y a pas d'anges. Quand je pense aux anges, je pense aux oranges. Je les aime sucrées. Chacun d'entre nous pense à sa liberté, et se demande à quel point elle pourrait être menacée.

  7. J'aime beaucoup le poème « Nuit rhénane » d'Apollinaire ; je le savais par cœur jadis, même quand je buvais trop de bière. « Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme ». Défois on s'fascine pour quelque femme. Plus tard, on trouve ça sot, sot, sot, si sot.

  8. Jadis, je savais quelques poèmes par cœur, comme on sait aussi des chansons : « Ecoutez la chanson lente d'un batelier » ; j'avais l'impression d'en avoir l'esprit délié ; ça ne m'empêchait pas d'être aussi bête que les pieds de n'importe qui.

  9. « Ecoutez la chanson lente d'un batelier / Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes », c'est de l'Apollinaire. Ce qui me fait penser au limonaire ; les rues en étaient jadis, dit-on, acidulées. De mon frigidaire, je sors de la limonade et songe par dedans moi Pourquoi sept ?

  10. Les femmes de la Nuit rhénane d'Apollinaire tordent « leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds ». Défois vif, défois très niais qu'on est. Sont-ce des sorcières ? Des vouivres aux yeux verts qui glissent dans les rivières et aimantent les jeunes gens ?

  11. « Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
      
    Ecoutez la chanson d'un batelier
      
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
      
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds »
      
    (Apollinaire, « Nuit rhénane »)

Patrice Houzeau
Malo, le 1er juillet 2020.

 

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22 juin 2020

CONVENTION DE LA SYNCHRONIE

CONVENTION DE LA SYNCHRONIE

 

 

  1. « Philosophie Magazine » a la bonne idée de consacrer le « cahier central » de sa livraison de Juillet 2020 à quelques extraits de « Notes de chevet » de Dame Sei Shônagon, femme de lettres du XIème siècle.

  2. « Choses qui égayent le cœur » : « Beaucoup d'images de femmes, habilement dessinées, avec de jolies légendes. »
    (...)
    « De l'eau qu'on boit quand on se réveille la nuit. »
    (Dame Sei Shônagon, « Notes de chevet », traduit par André Beaujard)

  3. Cette phrase aussi, surprenante petite énigme :

    « Pour les Indiens, quand un jaguar se voit dans le miroir, il voit un homme. » (Eduardo Viveiros de Castro, in « Philosophie Magazine », juillet 2020, p.69)

  4. Quand il me semble que j'écris et que je raisonne correctement, je suis heureux. Le reste du monde étant gorgé de phrases épouvantables et de raisonnements de casseroles, je ne suis heureux que par intermittence.

  5. Le masque parle bien, mais dessous, certainement qu'il grimace, ce visage.

  6. Il y a dans l'expression « faire tomber le masque » l'idée de la vérité révélée par le visage, et il arrive que ce ne soit pas le masque qui tombe mais la tête de l'homme qui le porta.

  7. « mais, alors que l'ignorance les fait vivre dans une grande guerre,
      
    ils donnent à de tels maux le nom de paix ! »
    (La Bible de Jérusalem, « Sagesse », 14, 22)

  8. Quelque chose de l'état de guerre dans l'état d'urgence sanitaire dont nous ne sommes d'ailleurs pas tout à fait sortis. Cet état d'alerte révèle maintenant que les maux induits par « l'horreur économique » seront d'autant plus violents que la crise fut aiguë.

  9. Le présent est ce qui vient d'arriver. Un infinitésimal décalage. La durée est la persistance de l'événement. La synchronie, une convention.

  10. Il y eut le faire : la Création ; l'être : l'humain ; l'avoir conscience.

  11. « Le canard sauvage me charme quand je pense qu'il balaie, à ce que l'on dit, la gelée blanche sur ses plumes. »
    (Sei Shônagon traduit par André Beaujard, « Notes de chevet »)

  12. Parce qu'il raisonne en utilisant son imagination, l'humain est un être essentiellement imaginaire. L'extraordinaire est ce que c'est en manipulant les clés que forge son imagination qu'il ouvre toujours plus de portes dans un palais de plus en plus complexe.

Patrice Houzeau
Malo, le 22 juin 2020

18 juin 2020

SI SI SI

SI SI SI

 

 

  1. Si les fenêtres avaient des yeux (mais si ça se trouve hein), elles pleureraient quand il pleut et cligneraient quand il fait du soleil. La nuit elles fermeraient leurs paupières et rêveraient de jours heureux dans des rues heureuses.

  2. Si les pigeons ronronnaient, ils chasseraient les chats, lesquels s'enfuiraient à tire-d'aile en emportant nos langues.

  3. Si les étoiles avaient de longs bras élastiques, sans doute certains d'entre nous seraient ravis par ces longs filaments lumineux parcourant le monde.

  4. Si les chiens avaient des ailes, il y aurait vite des chiens de garde postés sur les toits, les tours de contrôle, et ils feraient, sous la conduite de leurs anges gardiens cynophiles, d'un bâtiment l'autre des bonds fantastiques.

  5. « Si je n'étais pas moi, je me jalouserais », dit, non sans malice, Zut.

  6. Si les livres de philosophie pouvaient parler, on ne pourrait plus s'entendre dans les bibliothèques.

  7. « If I were a rule I would bend », dit la chanson « If » de Pink Floyd. « Si j'étais une règle, je me plierais ». Et au fond, c'est ce que nous sommes, à nous-mêmes une servitude volontaire.

  8. Le présent est un passant, et parfois impatient, pressé qu'il est de passer à ce qu'il croit être l'avenir et qui n'est que lui-même toujours repris, revu, corrigé, repris, revu, corrigé, repris, revu, corrigé. Le présent travaille à la chaîne.

  9. « Les mots permettent tout », a écrit le philosophe Alain. C'est ainsi que le réel est permis par le langage. Dès lors, le présent ne cesse de nous interpeller, de nous interroger, et c'est ainsi que nous passons.

  10. Si j'étais le Covid, je dirais bien des choses au politique, et pas poliment encore.

  11. Si j'étais quelques-uns de nos politiques pendant la crise du Covid, je ne serais quand même pas très fier, mais bon, en politique, la dignité est une vertu assez rare.

  12. Si j'étais le Temps, je ne me presserais pas tant quand je suis heureux et me ferais rapide comme la flèche quand je ne le suis pas.

  13. Serait-il que nous ayons chacun notre serpent portatif et toutefois lunatique, qui, la nuit, pendant que nous dormons, s'échappe de nous pour aller étouffer nos ennemis.

  14. Si je n'étais pas si lunatique, sans doute serais-je plus solaire.

  15. Si Sissi n'était pas si sotte, sûrement apprécierais-je Sissi autant que j'apprécie Suzette, laquelle n'est assurément point aussi sotte que Sissi et qui, de plus, sait faire de délicieuses crêpes.

    Patrice Houzeau
    Malo, le 18 juin 2020.

13 juin 2020

DONC QUI VEUT DIRE QUELQUE CHOSE

DONC QUI VEUT DIRE QUELQUE CHOSE

 

 

  1. « Donc qui veut dire quelque chose, doit aussi posséder une langue ; et pourtant il est clair que le fait de vouloir parler ne l'oblige pas de parler. »
    (Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 338)

  2. Le réel signifie par ce que l'humain veut dire.

  3. L'univers est un malentendu. Les dieux sont trop loin. Ils n'entendent que des échos, qu'ils prennent pour des prières, alors que ce sont des imprécations.

  4. « Il y avait certaines habitudes qui constituaient la vie et voilà qu'il n'y a plus rien du tout »
    (Michel Houellebecq, « Les insectes courent entre les pierres »)

  5. Apprendre à vivre revient-il à donner du sens, malgré tout, à une suite d'habitudes ?

  6. La publication est une habitude. Chaque rentrée littéraire apporte son lot de livres qui n'ont qu'un seul but : affirmer que la littérature n'est pas morte et que l'humain est donc toujours aussi habile dans l'art de se raconter des histoires.

  7. Le langage donne raison et affole, et l'esprit devient ce qu'il est : une toupie.

  8. « Je n'entends pas que dans le cas de l'expression de l'intention « j'absorberai des comprimés » la prédiction soit la cause et son accomplissement l'effet. »
    (Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 632)

  9. La prédiction n'est pas la cause mais un commentaire de la cause. Parler, c'est enquêter sur le réel.

  10. Le livre en ce qu'il raconte une histoire est un mensonge. La vérité est dans le style. Je me fiche de Julien Sorel tandis que la rapidité stendhalienne renvoie à la nécessaire rapidité du monde.

  11. Les habiles scénarios de Tarantino ne seraient rien sans sa virtuosité de cinéaste. La construction scénaristique n'est pas au service d'une vérité de l'histoire (ce ne sont que des bêtises) mais au service d'une vérité du style. Tarantino nous est donc très précieux qui ne prétend pas révéler on ne sait quelle vérité profonde de l'histoire du monde, mais nous rappelle que le style fascine.

  12. A contrario, les auteurs engagés tissent des leurres qui prétendent nous apprendre quelque chose mais ne font jamais que nous engluer dans le politique.

  13. La littérature ? Un malentendu : les gens croient lire des histoires alors qu'ils ne lisent que du style.

  14. Lorsque les gens se rendent compte à quel point les livres leur mentent, leur racontent des histoires, il arrive qu'alors l'imprimé les déprime.

  15. Le professeur qui affirme que « Le Rouge et le Noir » apprend aux élèves quelque chose sur l'amour est soit un sot, soit un menteur.

  16. Il y a derrière chaque toile narrative une araignée téléologique : lisez ce roman et vous comprendrez pourquoi la peine de mort, c'est pas bien. Fichaise. J'aime beaucoup « L'Etranger » de Camus et je suis pour la peine de mort.

  17. La littérature n'apprend rien que sur la fascination. En ce sens, « Don Quichotte » est un chef d’œuvre : si vous prenez pour argent comptant ce que racontent les romans, les ailes des moulins à vent vous perdront.

  18. La politique est sans doute la plus dangereuse des fictions, à laquelle nous sommes contraints d'adhérer sous peine de chuter dans le réel.

  19. « Kill Bill » de Tarantino est en effet très précieux : par quoi exactement sommes-nous fascinés lorsque nous contemplons cette suite de combats au sabre, cette hécatombe chorégraphiée ?

  20. La parodie, la dérision, l'hyperbole sont autant de manières de déjouer les pièges de la littérature engagée. Rire à San-Antonio peut éviter de niaiser avec Hugo.

    Patrice Houzeau
    Malo, le 13 juin 2020.

9 juin 2020

C'EST EN S'CAUSANT QU'ON S'APPARAÎT

C'EST EN S'CAUSANT QU'ON S'APPARAÎT

 

 

  1. Défois le passé nous palpite dans la machine à souvenances ; quelques spectres agitent de lointains reflets ; ça nous fait parfois des regrets et d'la nostalgie et sans doute est-ce en parlant à ces fantômes qu'on les fait apparaître.

  2. J'ai lavavassé tout à l'heure mon sol. N'ai trouvé nul trésor. Jamais carrelage lavavassé ne donne trésor. Le lavavassage domestique ne rapporte guère que la satisfaction de la propreté.

  3. Il pensa que Couteline était un joli nom pour une fille. Il pensa qu'elle aurait sans doute l'adolescence incisive, rythmique et littéraire. Et bien sûr, si c'est un garçon, on l'appellera Coutelas.

  4. Lorsqu'on lavavouille les tassakawas, on ne trouve point non plus de Pérou au fond des tasses. C'est un fait : le Pérou se fait rare dans les tassakawas.

  5. Il ne faut pas confondre tassakawa et tassathé, ces dernières étant souvent de mauvaise foi et royalistes comme ce n'est plus permis au pays où le café est noir au fond des tassakawas.

  6. « sans doute ne fait-on paraître le Soi qu'en parlant à soi. »
    (Alain, « De la connaissance discursive »)

  7. Même que des fois on lui tourne le dos, au Soi, on se fait la gueule, on se traite de soi-disant, on a le quant-à-soi boudeur pis quand on rit, on dit que le Soi rit (c'est parfois précieux).

  8. Le matin faut se leverédérêver car faut aller travavailler, aller jouer au jeu du réel que défois c'est périlleux qu'il y en a qui en reviennent tout morts que plus jamais ils n'iront hanter leur lit avec l'autre dedans.

  9. « Les enfants des morts vont jouer
      
    Dans le cimetière »
      
    (Apollinaire, « Rhénane d'automne »)

  10. Alors il dit que nous étions comme ces « enfants des morts » qui « vont jouer dans le cimetière », que nous hantions les morts et qu'il y aurait de plus en plus de morts et de plus en plus de vivants pour échapper aux morts et cela jusqu'à ce que le temps referme ses ailes.

  11. C'est avec la fin des lois que s'accomplira la fin des temps. Ainsi sera le chaos, qui est déjà et qui a toujours été, sans loi ni principe d'identité. Le chaos n'est jamais le chaos et toujours le chaos.

Patrice Houzeau
Malo, le 9 juin 2020.

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6 juin 2020

UN TEMPS VIENDRA OU IL SERAIT TU

UN TEMPS VIENDRA OU IL SERAIT TU

 

  1. En juin 2020, beaucoup d'établissements scolaires avaient l'air de coquilles vides hantés de quelques élèves plus ou moins épatés de la tournure des événements, de pédagogues masqués et de procédures administratives auxquelles il semble nécessaire de donner un sens.

  2. Il but un, deux, trois cafés assez lentement pour laisser aux cigarettes le temps de se fumer, tout en écoutant une émission sur Wittgenstein ; il avait lu aussi quelques feux mal éteints sur Twitter, éprouva l'envie d'écrire (ça le prenait souvent).

  3. « Qu'importe ma sagesse égale
      
    Celle des constellations
      
    Car c'est moi seul nuit qui t'étoile »
      
    (Apollinaire, « Lul de Faltenin »)

  4. Alors il nomma les choses et parmi les choses, certaines s'échappèrent du troupeau.
    Il sait leurs noms et sait les rappeler mais ne peut toutes les maîtriser.
    Ainsi la foudre peut le frapper et l'ombre l'engloutir.

  5. Alors il dénombra et nomma les astres et parmi les astres, certains brillèrent d'un étrange éclat.
    Il sait leurs noms et sait les évoquer mais ne peut tous les comprendre.
    Pourrait-il les comprendre, que cela n'empêcherait pas le bolide de l'anéantir ni le temps de refermer ses ailes.

  6. « Et tous les arbres de la campagne sauront que c'est moi, Yahvé,
    qui abaisse l'arbre élevé et qui élève l'arbre abaissé,
    qui fais sécher l'arbre vert et fleurir l'arbre sec.
    Moi, Yahvé, j'ai dit et je fais. »
    (La Bible de Jérusalem, Ezéchiel, 17, 24)

  7. Ce ne sont pas les arbres qui savent mais celui qui dénombre, nomme et fait prospérer la forêt.
    C'est ainsi qu'il dit et c'est ainsi qu'il fait.
    Celui qui sait dire et sait faire s'appelle l'humain, et la nature n'est douée que par l'humain et le Nom de l'être qui s'exprime en lui.

  8. Au monde, les lois du monde ; à Dieu, les lois de Dieu.
    « Alors il leur dit : « Eh bien ! Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (La Bible de Jérusalem, Luc, 20, 25)

  9. Les procédures administratives ont aussi leur dieu caché, qui n'est pas un dieu, mais un gardien de chair et d'os, un gardien tenté parfois par la domination de la procédure sur le libre-arbitre.

  10. Que les Ecritures inspirent les lois du monde est une bonne chose ; qu'elles se substituent aux lois du monde, c'est renier l'esprit et la liberté du Verbe qui parcourt l'humain, c'est mal nommer le Nom de l'être.

  11. Qu'on laisse courir, se répandre et enfler les lois du monde et au Verbe se substituera une norme aussi asservissante que l'imposture de celui qui croit juger au nom de Dieu.

  12. Il pensa à la jeune fille et que le nom de la jeune fille était un noyau sur lequel poussait la chair.
    Si le nom était signe, la chair, elle, était bien réelle.
    Le nom ne vieillirait pas. Un temps viendra où il serait tu.

  13. Bonjour monsieur je ne sais pas du tout je ne pense pas je ne sais pas du tout. Merci !

    Patrice Houzeau
    Malo, le 6 juin 2020.

27 mai 2020

QUELQUE CHOSE DU RETOUR DU SPHINX

QUELQUE CHOSE DU RETOUR DU SPHINX

 

 

  1. Le narrateur apollinarien i cause de « tous les regards tous les regards de tous les yeux » qu'on remarque qu'il a mis trois fois le mot « tout » que ça fait beaucoup de « tout » tout ça qu'ça fait du rythme avec l'accent toutes les quatre syllabes et qu'ça regarde aussi beaucoup chais pas pourquoi.

  2. « Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
      
    Tous les regards tous les regards de tous les yeux »
      
    (Apollinaire, « Le Voyageur » in « Alcools »)

  3. J'aime bien les vers nocturnes Je veux dire les vers avec de la nuit mélancolique dedans, où passe un vent façon nuit du nord et fantasque, ou alors nuit d'été, claire lune et dame blanche jolie, qu'elle est pas souvent jolie la dame blanche mais bon moi je dis jolie.

  4. « Il est des nuits où la chouette
      
    crie sans désir et sans regret dans l'arbre mort. »
      
    (Jean-Paul de Dadelsen, « Crépuscule »)

  5. Le narrateur houellebecquien use des mots du quotidien nous dirons donc que c'est un poète de la quotidienneté (soulignez en rouge) et j'aime bien car ça change de tous ces poèmes à âme et intérieur où l'on entend de vertigineux trombones appeler le troupeau des grands mots.

  6. Il y a un poème de Michel Houellebecq où le narrateur a « acheté du pain et du fromage en tranches » que « ça devrait [lui] éviter de crever [s]on œil droit » qu'il y a d'la chose mystérieusement effrayante genre biblique, rituel antique dans c't'histoire de fromage et d'œil point crevé.

  7. « J'ai acheté du pain et du fromage en tranches,
      
    Ça devrait m'éviter de crever mon œil droit »
      
    (Michel Houellebecq, « Il est vingt et une heures... »)

  8. Cette histoire de « pain et de fromage en tranches » et d’œil droit épargné me rappelle qu'on disait fin des années 2010, que certains étudiants étaient tellement pauvres qu'il y avait eu des cas de prostitution Je ne sais pas dans quelle mesure mais bon, si c'est vrai, voilà qui me fait regarder les belles âmes réformatrices de l'éducation nationale avec un regard peu amène je vous le dis.

  9. Les crises révèlent le singulier. Je n'irai pas jusqu'à dire que les crises ouvrent la porte aux monstres et aux saints, mais quand même, il y a du décalé, du pas tout à fait dans l'ordre administratif des choses dans une crise, et quelque retour du Sphinx.

  10. J'entends un écrivain expliquer un truc chaipaquoi sur ce qu'il voudrait (ou pas, chais déjà plus) « couper les racines de ses tentacules » : ça donne grandement calamar à penser.

  11. René Char poétisant dit qu'il « suffirait que le doigt majeur se séparât de la main » qu'alors on dit qu'on s'a coupé le doigt mais sinon c'est que le doigt i va faire des choses je n'saizoùchéki que euh je songe à Zut et à son grand Ordre des doigts d'honneur un peu partout.

  12. « Il suffirait que le doigt majeur se séparât de la main et, à la première mousse entre deux tuiles glissantes, innocemment le passage s'ouvrirait. » (René Char, « Le doigt majeur »)

    Patrice Houzeau
    Zone rouge, le 27 mai 2020.

     

24 mai 2020

ZOZOTISES ET AUTRES BRICOLES

  • ZOZOTISES ET AUTRES BRICOLES

  •  

    1. Semblerait qu'au mot « décroissance » (négativement connoté à cause de son préfixe privatif), certains opteraient maintenant pour le terme « post-croissance » (uh!). A quand le ridicule d'une « croissance résiliente » ? A mon avis, ça ne saurait tarder.

  • 2. « Aimer son prochain comme soi-même » Ah c'est beau ! Mais soyons lucides et contentons-nous de vivre en évitant d'ennuyer les autres. Du reste, ce n'est même pas là de la morale, mais de la prudence.

  • 3. « Sous une pluie de pierres, nous nous en tiendrons à... » (René Char) à rien du tout oui, qu'on s'met à filer, et vite !

  • 4. Je n'ai jamais entendu un chat exprimer le moindre doute sur sa félinité, et c'est sans doute pour en désespérer que l'humain a inventé l'humanité.

  • 5. Ce qu'il y a de difficile avec la langue de bois, surtout quand elle est teintée d'une apparente bienveillance, c'est que ne disant rien, on ne peut lui reprocher qu'une chose, c'est d'esquiver le débat sur les chiffres et le contenu des textes. On vous répondra alors que tout ça est bien trop technique pour l'électeur moyen ou mieux, on contestera vos chiffres et pour ce qui est des textes, on vous rappellera que les députés en discuteront le moment venu.

  • 6. Grand Zozo va-t-au cimetière oùsqu'il voit passer un chat dans les ères et come c'étot un chat noir Grand Zozo se ditalor « Môvais présage ! Fais gafe tes zo, Grand Zozo ! mes il continue son chemain car il ma pas dit pourquoi il talai-t-au cimetière.

  • 7. Grand Zozo va-t-au cimetière Soudain des morts (pas bocoup mes quand meme) sorte de leurs tombe Alors Grand Zozo sort son paramort qu'avec paramort les morts meurent encor mes il marche sur des cadavres et continu son chemin sandire pourquoi il talai-t-au cimetière.

  • 8. Grand Zozo va-t-au cimetière où il la trouve pas sa tombe qu'il cherchait Que Titine elle tété tossi parmi les os et les croix que fais tu là Grand Zozo ele lui dit Je cherche ma tombe il lui dit Alors Titine ele rigole alor le monsieur du cimetière i vient et tout le monde s'engueule.

  • 9. Jean-John i lé baite ossi il pensét qu'on pouvé acater des osses au cimetière (il en avé besoin pour fere une danse macabre avec Camille), mes come il s'a fét arcevoir il est rentré pas contan du coup qu'il a bu de (bis)tro il l'a fete à s'maison la danse mes c'été la valse à gifles.

  • 10. Chaipa squi s'est passé mes depuis que Grand Zozo il a commandé un pangolin sur le dark tou l'monde est bien t'emmellassé.

  • 11. Le présidan né pas tro aimé qu'on dit qu'c'est acause des crasses qu'il a fai aux petits, aux infirmiers, aux enseignants, aux retraités du futur mes lui il di qu'il aime la France qu'il va se réinvanté qon le regarde quan meme d'un œil mi-foudre, mi-raison.

 

Patrice Houzeau
Les (dé-)Confins, le 24 mai 2020.

2 mai 2020

PASSAGE DE LA MEDUSE

PASSAGE DE LA MEDUSE

1. « Sombre. Mais l'espace plus vaste.
Moins de gens. Le sentier dans l'obscurité
mène-t-il vers une solitude plus vraie ? »
(Jean-Paul de Dadelsen, « Dépassé. Provisoirement »)

2. Elle se demandait si l'enquête du mélancolique inspecteur progressait. Elle aussi avait entendu parler de ces formes ressemblant à des visages humains cruellement décharnés. Mais après tout, ce n'est pas lui qui avait ouvert le gaz.

3. Je ne m'écoute pas s'ouvrir mon espace intérieur. Je n'ai pas d'espace intérieur. Parmi toutes ces viscères, ces organes, toute cette biologie transitoire, comment voulez-vous que j'installe un espace intérieur ? Et puis qu'est ce que j'y mettrais ?

4.« Dieu créa l'homme à son image,
      
à l'image de Dieu il le créa,
      
homme et femme il les créa. »
     
(Genèse 1.27)

C'est là le sens de l'infini car l'humain étant plutôt gratiné dans le genre n'importe quoi, s'il est à l'image de Dieu, c'est que l'est pas fini l'Eternel, mais il y travaille infiniment.

Jean-Paul de Dadelsen en était arrivé à la conclusion que c'est l'homme qui n'existe pas. Au sens où l'humain serait toujours à conquérir, où l'humain est l'être en quête de l'humain, on peut dire, en effet, que nous n'existons pas encore.

5. « Et dans l'arbre qui dort sans rêves »
(Jean-Paul de Dadelsen, « Un chant de Salomon »)

C'est vrai qu'il ne me semble pas dans la nature des arbres de rêver. Par contre, je ne vois pas pourquoi « la brise » y chuchoterait « le nom de la patrie spirituelle ». Non, elle fait comme tout le monde, la brise, elle reste chez elle à se faire cuire des œufs.

6. « L'ange apparut comme je languissais à la nuit sur le toit »
       
(Jean-Paul de Dadelsen)
C'est sûr qu'à force des confins là, va y avoir crise de lune dans les cafetières, qu'ça va languir pis gémir sur les toits qu'la nuée, va y neiger de l'ange ou d'la flying saucer...

7. « Dieu nous traverse / Comme la mer une méduse »
      
(Jean-Paul de Dadelsen, « Bach en automne »)
J'vois ça assez torpille d'la révélation, l'épiphanie fusante, mais c'est plutôt comme une pulsation qu'il nous renseigne Dadelsen, « d'un même mouvement qui tour à tour se gonfle / Et se creuse ».
Baladeuse lenteur, la méduse, noble et sentimentale comme la valse qu'c'est pas la vraie alors, qu'c'est que le fantôme de la méduse qui me plane dans la songeuse.

8. « Les religieuses à grosses joues
       
rouges, à gros mollets, à gros
       
derrière le dimanche descendent chez
       
l'oncle vigneron manger la tarte aux prunes. »
       
(Jean-Paul de Dadelsen, « Femmes de la plaine »)

Voilà du poétique, qu'il me plaît : du concret, un brin grotesque, burlesque même, farcesque. Le bref, le croquis et foin des trombones Amour, Eternité, Infini, Résilience et tout l'hermétique toutim.

9. « Le docteur a prescrit un tonique pour le cœur
       
pour faire durer l'agonisante jusqu'à l'arrivée d'une fille distraite
       
d'un fils longtemps aimé de loin. »
       
(Jean-Paul de Dadelsen, « Mort de la femme du percepteur »)

On dirait le résumé d'une page de Simenon, une de ces rapides notes explicatives par lesquelles le grand Georges savait si bien nous mettre dans l'ambiance des quotidiennetés où il promenait son commissaire à pipe.

10. « ce qui l'intéresse, c'est ce bout de chanson transfiguré et l'espace autour » (Jean-Paul de Dadelsen, « La fin du jour »)

C'est dans un passage sur le vieux Ludwig qu'on peut comprendre que c'est Beethoven « à fredonner pour lui seul » de la mélodie que plus tard il va vous la transcender, la chanson, en vous en fiche épatance et frisson, qu'ça va vous remplir d'un coup l'espace du tout seul.

11. Bon, allez, à mes copies : Sainte Syntaxe, Sainte Orthographe, Saint Style, pardonnez leur leurs offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui commencent quand même à nous les casser.

Patrice Houzeau
Les Confins, le 2 mai 2020.

 

27 avril 2020

UN PEU DE TOUT BEAUCOUP DE RIEN

UN PEU DE TOUT BEAUCOUP DE RIEN

1. La jeune femme qui m'a appelé Je m'en réjouis mais c'était plein d'pressentiments J'avais l'impression si je dormais ou si j'étais comme d'habitude dans ces confins là les autres les appels le réel.

2. Sur ce qui s'était passé pendant la semaine Comment lui aurais-je expliqué Le temps qui court Les choses n'iraient pas très bien si J'ai pensé je ne vais pas très Sur ce qui s'était passé Comment lui aurais-je expliqué.

3. Si vous toussez si vous avez de la fièvre si vous postillonnez si vous ne portez pas de masque si vous fumez si vous buvez si vous n'avez pas votre attestation si vous parlez trop fort si vous sentez que ou si vous ne sentez plus rien du tout c'est peut-être que le réel à tête d'Ubuvirus vous traque rattrape pour vous flanquer à la trappe.

4. Sur l'épaule de ma sœur mais je n'ai pas de sœur pensai-je en me Cette remarque ne devait pas l'adoucir Elle me tourna le dos Mais il ne m'arrivait plus de penser à Voyant les autres Puis nous dînâmes, ensuite nous dansâmes c'était dans une vieille traduction.

5. L'inéluctabilité de toute action suffisamment motivée oblige le social à inventer toujours plus de motifs pour nourrir la production en série d'actions toujours plus normalisées, utiles, contrôlées.

6. La massification de l'enseignement supérieur n'est qu'un toujours plus que l'on fait passer pour un toujours mieux. De ce toujours plus, certains font leurs choux gras, et cela aux dépens de beaucoup d'autres que l'on flatte par des promesses de diplômes aux titres ronflants.

7. « Nous songions tous les deux, et tu me regardais. »
     
(Victor Hugo)
     
J'ai fait un geste, je voulais te dissiper,
     
Ombre, fumée, reflet de moi-même le spectre,
     
J'ai fait un geste, pis c'est moi qu'a disparu.

8. C'est la répétition qui fait l'apprentissage, et ce n'est pas en faisant un peu de tout et beaucoup de rien qu'on va leur apprendre un métier.

9. Défois, à force de varier, on finit par avarier. Le trop d'machins à étudier, ça la rend indigeste, l'apprenance là, qu'à force on finit par bienveiller des sottises pis qu'le formatif il en est tout bizarre le camembert, impropre à la consommation.

10. « Sommes-nous prêts à être surveillés via nos smartphones ? » J'entends cette question posée sur France Inter. Le journaliste donne lui-même la réponse : c'est oui, évidemment oui, puisque ça fait un bout d'temps maint'nant que l'électronique a des yeux pour mieux te voir, mon enfant.

11. Alors j'ai enlevé mes ch'veux
      
Alors j'ai enlevé mon nez
      
Et puis mes oreilles et mes yeux
      
Pis mes dents ma langue ma bouche
      
Du coup ah qu'c'est ballot
      
J'ai pas pu crier Coucou c'est moi que v'là.

12. Forcément qu'il y a des « si », et beaucoup même hein des « si », et bien sûr, c'est sans condition.

Patrice Houzeau
Les Confins, le 27 avril 2020.

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