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BREFS ET AUTRES
lunaires
28 juillet 2020

VIRER LA MIRETTE

VIRER LA MIRETTE

 

 

  1. Défois on argarde en arrière qu'on se dit ah qu'on fut ah qu'on fut ah qu'on fut con mais zon a tort car défois on est quand même sans argarder en arrière tout aussi tout aussi tout aussi con.

  2. En général les morts ne reviennent pas ou alors c'est que les morts ne sont pas morts mais si jamais les morts sont vraiment morts et qu'ils reviennent quand même c'est qu'ils avaient des jumeaux ou que vous êtes plus dans votre dimension habituelle.

  3. Défois on lit dans un poème « les cadavres de mes jours » genre un poème d'Apollinaire même que ça veut dire que les jours sont morts comme s'ils avaient été aussi vivants que vous et tous mes gens qui sont morts et qui sont eux aussi des genres de cadavres de mes jours.

  4. Si vous avez lu tout ce que je n'ai pas lu, eh beh vous en avez lu des livres.

  5. Jadis y avait des bals on les disait champêtres vu que des bals urbains je crois pas qu'ça s'dit mais pourquoi pas qu'des bals pourraient pas être urbains qu'après tout il n'y a pas qu'les vaches et les bœufs qu'auraient l'droit de guincher au clair de la lune des dames d'antan.

  6. Il est rare qu'une morte s'assoye sur un banc du coup je fus tout surpris de voir qu'sur le banc elle était assise que j'ai dû illico virer la mirette changer d'yeux mais c'est que défois les choses elles sont pas ce que les gens ont l'air d'être et un verre seulement.

  7. J'aime bien le mot « sphingerie » je lis ça dans un vers d'Apollinaire : « J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries » que moi sphingerie ou pas j'aimerais mieux nuit et jour être riche comme si je n'avais jamais manqué d'sous pas pire que Pierre r'marquez qu'avait même pas assez d'sous pour met' de l'eau chaude dans sa soupière.

  8. Le problème avec les autres c'est que justement ce sont des autres mais que si tous les autres étaient comme moi j'les aimerais pas quand même.

  9. J'entends à la radio le fantôme de Sartre parler du fantôme de Flaubert. On le reconnaît bien, il nasille comme Bob Dylan avant même que Bob Dylan soit né. La radio prouve sans contestation possible l'existence des fantômes bavards.

  10. « Puis les marmitons apportèrent les viandes
    Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau
    Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes »
    (Apollinaire, « Palais »)

    1. Défois on s'balade qu'on a une boucherie dans la tête qu'on a la pensée rouge ou qu'on pense qu'on mangerait bien un tartare un filet américain ou qu'on pense à la Révolution avec ses règlements de justice là bien sanglants qu'on entend à mort machon à mort darmachin qu'les gens disent des sottises en attendant d'en faire le jour où zéliront leur mort à eux.

    2. J'aime bien la série policière « Astrid et Raphaëlle » (avec Sara Mortensen et Lola Dewaere) dont j'ai regardé la saison 1 en replay. Le ton un peu décalé (en raison du personnage de documentaliste criminaliste autiste d'Astrid Nielsen) et le côté énigme à parfum d'paranormal des intrigues me plaisent bien.

      Patrice Houzeau
      Malo, le 28 juillet 2020.

 

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27 juillet 2020

NOTES SUR LA SCIENCE DES OMBRES

NOTES SUR LA SCIENCE DES OMBRES

 

 

  1. Le fait que nous percevons le réel non pas tel qu'il pourrait exister mais comme il nous apparaît implique que nous ne vivons pas dans le réel en soi mais dans un être spécifique du réel.

  2. Ce n'est pas que le réel n'existe pas, mais qu'il est apparence. En ce sens, l'humain est voué à la caverne. Et toute sa science est une science des ombres.

  3. Si je suppose que l'univers dans lequel j'ai conscience d'exister est un parmi un nombre indéterminé d'univers parallèles (le nombre de ces univers est-il nécessairement fini?) et que ma conscience ne perçoit pas le réel tel qu'il est, je peux supposer qu'il en est de même pour les habitants des autres univers.

  4. Puis-je appeler Réel l'ensemble des perceptions du réel telles qu'elles se manifestent dans chaque univers parallèle ? Comment appeler un tel ensemble qui suppose un nombre indéterminé de sous-ensembles distincts et a priori clos ?

  5. Peut-on supposer qu'il puisse exister des univers parallèles vides de toute conscience, des « no man's land » ? Lorsque nous évoquons les univers parallèles, nous les pensons immédiatement peuplés de consciences. L'humain semble éprouver le besoin de peupler le désert.

  6. Evoquer des univers parallèles en termes d'univers peuplés a-t-il un sens en mathématiques ? Et en physique ?

  7. Nous tenons pour acquis que les lois de la physique sont absolues et nous en tirons (à mon avis, par naïveté) une vision linéaire des civilisations, lesquelles, par définition, se développeraient nécessairement dans le sens d'une technologie toujours plus avancée.

  8. Certains pensent même que le développement des civilisations est nécessairement accompagné par un respect toujours plus grand des valeurs du Vrai, du Bien et du Beau. Au mythe du « bon sauvage » s'est substitué le mythe de « l'extra-terrestre bienveillant ».

  9. Le nombre de manifestations d'OVNIS, nous dit-on, serait en forte augmentation depuis 1947 et suivrait même une courbe ascendante basée sur des vagues (on nous annonce même la prochaine vague pour 2035 !). Ce qui est intéressant dans ce phénomène est moins le fait en soi que la façon dont il se développe dans ce que, depuis Guy Debord, nous appelons « la société du spectacle ».

  10. Les pays libéraux surtout font du phénomène OVNI un objet de publications de tout ordre. Cela va de la brochure animée par quelques écrivaillons plus ou moins exaltés au documentaire soigneusement préparé, avec témoignages dits « sérieux » et avis d'experts reconnus.

  11. Lorsqu'ils frappent en nos murs, les poltergeists, étrangetés qui elles aussi ont fait couler beaucoup d'encre, ne serait-ce pas par hasard parce que nos voisins des univers parallèles trouveraient que nous sommes décidément bien trop bruyants ?

Patrice Houzeau
Malo, le 27 juillet 2020.

25 juillet 2020

SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT

SCENES ET APERÇUS DE L'EMIETTEMENT

 

 

  1. La fenêtre sale laisse passer un jour verdâtre dans la pièce étroite et tapissée d'araignées plus ou moins véloces ; à la table encombrée d'assiettes sales, de bouteilles vides, au bout d'un verre plein, une main tremblotante et si peu de corps.

  2. Avec ses cheveux courts (ce jour-là, elle avait les cheveux courts), Zut regarde par la fenêtre l'autre Zut qui marche sur le chemin, de l'autre côté de la grille et des chardons et qui regarde les lèvres entr'ouvertes Zut derrière la fenêtre. Qu'est-ce que je fais là ? se dirent-elles.

  3. Les bords de la pièce sinuent juste en dessous des cheveux coupés par les ténèbres, continuent en zigzagant à travers les yeux verts et descendent sur les joues, longeant l'arête du nez, fendant les lèvres. J'ai au moins reconstitué son visage, se dit-il.

  4. Tchoc après tchoc, la pierre se déplace sur le tablier, esquissant des figures, projetant des frontières, créant des yeux. C'est toujours la même pierre, mais si multiple.

  5. Le baron barbu et assez bourru se barbant au bal des imberbes se barra tout bougonnant pour un bar où il but quelques bourbons.

  6. La terre sur laquelle il penche son corps voûté est noire ; de cet humus jonché de feuilles sortent des mains aussi squelettiques que lui même, s'agrippent à ses chevilles qu'il laisse là, sauvé soulevé soudain par des mains de lumière d'ange tombées des arbres.

  7. Maintenant, champ, pré, route, ferme, tout baigne dans le silence et une lumière brune sans éclats. Dans la grande pièce, le fusil armé, il scrute de ses yeux inquiets la respiration des murs. Sa tignasse poivre et sel, sa chemise à carreaux et son pantalon de toile bleue furent seuls retrouvés.

  8. « Un Chinois de Chinatown est-il aussi chinois qu'un Chinois de Chine ? » se demandait l'homme au chapeau blanc dans un chouette polar intitulé « Chinoiseries de choix pour Charly ».

  9. D'abord imperceptibles, les fissures s'élargirent, se multiplièrent. Les écailles de peinture tombaient en minuscules archipels sur le sol. Ailleurs, le papier peint gonflait, se déchirait. Cela se vit sur le visage des gens. On commença à parler d'émiettement du monde.

  10. Lorsque la pandémie du Covid sera terminée, se fera certainement entendre de plus en plus nettement la thèse encore assez sourde que le coronavirus est le fruit d'un complot international et qu'il a été créé en laboratoire afin de réduire drastiquement la population mondiale.

  11. Il ne manquera certainement ni de zozos, ni de complotistes professionnels pour faire circuler, pseudo-preuves et vidéos bidouillées à l'appui, l'idée que le Covid a été créé, qui par une Asie expansionniste, qui par une Amérique impérialiste, qui par une secte malthusienne, qui par Israël, qui par les Islamistes, qui par les Illuminati, qui par les extra-terrestres, qui par le Majestic 12, qui par le groupe Bildelberg, qui par l'extrême-droite, qui par l'extrême-gauche, qui par les Satanistes, qui par le Grand Remplacement, qui par les Admirateurs du Grand Pangolin.

    Patrice Houzeau
    Malo, le 25 juillet 2020

     

20 juillet 2020

CHAPITRE DANS UN FAUTEUIL ET FUMANT LA PIPE

CHAPITRE DANS UN FAUTEUIL ET FUMANT LA PIPE

 

« Ces yeux immenses qui le regardaient, que disaient-ils ? »
(Agatha Christie traduit par Michel le Houbie, « Cinq petits cochons »)

 

  1. Dans un fauteil, pates croisées, un chat fume la pipe ; ses yeux perçans scrutent par la fenêtre la mer dérolant ses chevlures amêlées. Le soir cligne ses escrimes la lune semble déjà visage rond tâché de rousseurs Y a aussi la mort (en plus des noyés je dis ça à cause des chevelures).

  2. Comme il avait une voix sourde, il murmura :
    - Elle était si jeune !
    Oui, vraiment si dommage d'être si jeune et de se retrouver si vite squelette dans son placard. Son esprit planait-il encore au moins, ou fust-elle déjà dans le puis sans fon et sans parois ?

3. Il approuva. Le chat dans le fauteil scrutait toujour la mer de moins en moins visible à mesure qu'ombres la mangeoient genre on mange un plateau de fruits de mer que c'est exactement un genre à me boutonner la face pis à m'vaguer l'existant que j'me dis Ah tiens ça va pas.

4. Il songea que « si jeune » était bien gentil qu'il y avait plein d'innocence et de naïveté, et d'enthousiasme encore dans ce mot. Alors entrèrent dans la pièce kelkes jouvenceaux et jouvencelles très énervés brailleurs débraillés exigeant du vin et des danses et jouant à couteau.

5. Comme il, le sceptique (c'était son métier de remettre tout en doute, le réel ne se ressemblant jamais) le suivit. Il se réjoïst à l'idée de, tout en se demandant ce qu'était devenue la fillette prodigieuse et superbe et aussi les roses oiseaux qui oiselaient jadis emmi les roseaux.

6. Comme s'il avait entendu la voix dans la nuit qui murmure mystérieusement le prénom d'une adolescente vouée à l'hémoglobine des films d'horreur, il se retourna sur la Beauté, qu'il trouva amère et qu'il injuria, mais à voix muette afin de n'offusquer nul spectre d'esthète.

7. Après s'être retourné sur la Beauté, il se retourna sur le tableau, « une dernière fois »,pensa-t-il parce qu'il savait (il avait lu le scénario) que l'assassin des tableaux viendrait cette nuit même et lacérerait le beau et énigmatique visage de la Dame du temps des Dames du temps jadis.

8. Il contempla l’œil immense (elle était borgne) qui, come font tous yeux, le regardait, - du coup, s'était muni depuis longtemps d'un détourneur de regards, afin de passer inaperçu quan son scepticisme professionnel l'obligeait à pénétrer dans une histoire qui n'était pas la sienne.

9. Il lui sembla que cet œil immense (elle était borgne) avait quelque chose à dire. Il attendit un instant. Puis comme rien ne vint que le bourdonnement ennuyé d'une mouche passant parci-parlà, il haussa les épaules et sortit.

10. Le petit boogie-woogie dans sa tête alluma quelques lampions qu'il se dit que ce qu'il avait à lui dire, l’œil immense (elle était borgne), pourrait-il le comprendre depuis le coup de lune que lui avait assené la lune dessus s'tiête un jour qu'il était encore plus sot que d'habitude.

11. Comme il ne comprenait rien de ce que l’œil immense (et bleu comme l'immense bleu du ciel quand il accepte d'être bleu) voulait lui dire et ne lui disait pas de sorte qu'il comprenait encore moins, il sortit s'acheter une baguette de pain et un recueil d'arguments platoniciens.

12. C'est en traversant la rue qu'un tremblement de trottoir le bouleversa tant qu'il en mourut, emportant dans la tombe le secret de ce que l’œil immense ne lui avait pas dit. Le chat et quelques dénoyés vinrent à l'enterrement. Au loin la mer enrolait.

 

Patrice Houzeau
Malo, le 20 juillet 2020.

19 juillet 2020

I NOUS SCRUTENT

I NOUS SCRUTENT

 

  1. « Comme il s'avançait pour la saluer, il remarqua qu'elle le regardait avec une attention inhabituelle. Ces beaux yeux sombres l'étudiaient. Examen sérieux et qui se prolongeait. »
    (Agatha Christie traduit par Michel Le Houbie, « Cinq petits cochons »)

    Défois, des yeux, i nous scrutent comme s'ils voulaient voir à quel réel ils avaient affaire.

  2. Comme il, il remarqua qu'elle, alors il et s'prit une gifle. Bien fait pensa Zut.

  3. « Allais-je me trouver face à face avec une effroyable réalité, ou bien m'apercevoir que je rêvais ? »
    (Lovecraft traduit par Jacques Papy, « L'abîme du temps » [le narrateur])

    Et si je rêvais, allais-je me réveiller ?

  4. Si ça se trouve, les personnages de fiction étaient peut-être aussi réels que vous et moi, avant de tomber dans le rêve d'un auteur.

  5. Puisque les mathématiques relèvent du présent de vérité absolue, elles régissent aussi bien notre univers que tous ceux qui lui sont parallèles.

    « Des souvenirs confus se mêlaient à ses connaissances mathématiques ; il lui sembla qu'il détenait dans son subconscient les angles dont il avait besoin pour regagner le monde normal par ses propres moyens. »
    (Lovecraft traduit par Jacques Papy, « La maison de la sorcière »)

  6. Je me souviens d'un bouquiniste qui regrettait d'avoir à vendre tant de livres inutiles : soudainement, la matérialité de la littérature, cette vanité imprimée, cet infini d'histoires toutes plus invraisemblables les unes que les autres le saisissait dans son espace menacé par l'engorgement.

  7. Jadis, nos maîtres d'école nous mirent en garde contre la littérature de genre, la mauvaise littérature selon eux et nous moquions leurs préjugés et leur ignorance. Maintenant que les créatures envahissent et contaminent le réel, il est que nous rions de moins en moins.

  8. Que la plupart des gouvernements se soient laissé surprendre par la pandémie du Covid-19 pourrait relever d'une politique de l'acte manqué et l'inconscient des Etats exprimerait ainsi quelque volonté de contraindre toujours un peu plus l'individu.

  9. La tentation est une réification. On devient « tout chose » devant quelque chose dont le « charme » fait de vous « sa chose ».

    « Quelle singulière chose que la tentation ! On regarde un objet et, peu à peu, il vous séduit, vous trouble, vous envahit comme ferait un visage de femme. Son charme entre en vous,... »
    (Maupassant, « La Chevelure »)

  10. Le langage éveille des mondes oubliés et soudainement éclaire le passé d'une autre lumière.

    « Mais, il y a deux ans, comme j'assistais à la représentation d'une revue, elle me revint et j'en fus si surprise que je m'écriai à haute voix : « Oh ! Maintenant, je comprends ce qu'il y avait de drôle dans cette histoire de gâteau de riz ! »
    (Agatha Christie traduit par Michel Le Houbie, « Cinq petits cochons », [miss Warren])

  11. « Le peuple doit combattre pour sa loi comme pour ses remparts. » (Héraclite)
    « Si vis pacem, para bellum. »
    Et n'oublie pas de commander des masques à la Chine.

Patrice Houzeau
Malo, le 19 juillet 2020.

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18 juillet 2020

EN CETTE BATAILLE

EN CETTE BATAILLE

 

 

  1. Je ne comprends pas pourquoi le président Macron ne procède pas à la dissolution de l'Assemblée. Il en résulterait une majorité probable des Républicains. Malgré un gouvernement de droite, il resterait Président, ce qui lui permettrait d'adopter une posture de sphinx (plus ou moins jupitérien). Il planerait au-dessus des partis et des basses contingences de la vie ordinaire des gouvernements. De quoi attendre sa réélection (il passe bien à l'international) en jouant les juges de paix.

  2. « Plusieurs se sont imaginé des républiques et des Principautés qui n'ont jamais existé », écrit Machiavel traduit par Barincou. Ces Républiques exemplaires, ces Principautés merveilleuses, certains en rêvent encore, pour le plus grand malheur de l'humanité.

  3. « Mais il y a un tel écart entre la façon dont on vit et celle dont on devrait vivre, que celui qui abandonnera ce qui se fait pour cela qui devrait se faire, il apprend plutôt à se perdre qu'à se conserver », a écrit Machiavel. Dans cette bataille infinie là, celle des désirs, la chimère de l'utopie dévore bien des rêveurs.

  4. Défois, la porte, elle est fermée, on comprend pas pourquoi : « Un flot de jour entra. Je m'élançai sur la porte par où cet être était parti. Je la trouvai fermée et inébranlable. » (Maupassant, « Apparition » [le narrateur])

  5. Ce que nous cherchons, ce dont nous avons la nostalgie, c'est ce fugace moment d'exaltation qui précède l'hybris.

  6. Quand on prend des vers pour des larmes, on pleure pour un rien, vaut mieux pas s'adonner à la poésie : « Et les vers de Villon me montèrent aux lèvres, ainsi qu'un sanglot » (Maupassant, « La Chevelure » [le narrateur])

  7. Défois les gens i rient de choses qu'on comprend pas et plus i comprennent qu'on comprend pas, plus i s'marrent : « Quand je relevai les yeux après avoir lu ce message énigmatique, je vis Holmes glousser de joie. » (Conan Doyle traduit par Bernard Tourville, « Le Gloria Scott » [Watson])

  8. Tiens, c'est amusant, dans cette phrase d'Exbrayat, tous les prénoms commencent par « F » : « Félicité marchait en tête suivie de Fabienne et Florence allant côte à côte, Fulvie ensuite et Fanny fermait la marche en compagnie de François. » (Exbrayat, « Félicité de la Crois-Rousse »)

  9. Défois les parfums vous revenant à l'esprit sont si forts qu'on croirait sentir des fantômes.

  10. Défois les gens ont des sourires de cadeau empoisonné. On dirait des politiques, ou des banquiers.

  11. « L'Etat, c'est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l'Etat, je suis le Peuple. » Chaque fois que je lis cette phrase de Nietzsche, je me vois dans la tête la massive statuette, forgée dans un métal inconnu et sombre, de quelque dieu ancien et maléfique (ça s'voit à la gueule qu'il fait) d'une nouvelle de Lovecraft.

  12. Les mathématiques sont une stratégie, qu'on peut compter les morts avec : « - Statuerons-nous, alors, dis-je, en disant que c'est un enseignement des plus nécessaires à l'homme de guerre que de pouvoir calculer et compter ? » (Platon traduit par Georges Leroux, « La République », VII)

    Patrice Houzeau
    Malo, le 18 juillet 2020.

15 juillet 2020

UNE POIGNEE DE PETITES HANTISES

UNE POIGNEE DE PETITES HANTISES

 

 

  1. Qu'une porte soit fermée clôt l'espace et signifie que nul n'entre s'il n'est déjà entré ou plus tard, à moins que n'entre l'invisible traversant la matière.

  2. Qu'une porte soit ouverte ouvre l'espace et signifie que quelqu'un, peut-être, entre ou vient d'entrer ou sur le point, à moins que n'entre l'invisible pour lequel il importe nullement que porte soit fermée ou ouverte.

  3. Qu'une fenêtre se mette à penser et à révéler à haute et claire voix ce qu'elle voit n'implique pas que toutes les fenêtres soient dotées des mêmes facultés. On dira alors que cette fenêtre est envoûtée, ensorcelée, hantée.

  4. Pascal Quignard dans « L'Enfant d'Ingolstadt » écrit que « l'écrit met au silence la langue parlée ». On peut voir dans cette affirmation un écho à l'ancienne croyance selon laquelle les livres étaient faits de bouches cousues.

  5. Que l'écrit mette « au silence la langue parlée », comme le signale Pascal Quignard, relève d'un enchantement bien particulier. Certains croient que par l'intercession de sainte Parola ce charme peut être rompu et qu'un livre peut se mettre à parler aussi bien qu'une fenêtre.
    On notera cependant que ce recours est fort peu usité, car assez bruyant, d'autant que les auteurs ne sont pas toujours les bons lecteurs de leurs œuvres, et qu'il est un moyen moins surnaturel d'éveiller les syllabes et qui consiste à lire soi-même à voix haute.

  6. Dans le second intermède du deuxième acte de « La Balade du Grand Macabre » de Ghelderode, le Chœur dit : « Nous ne craignons pas d'être morts, nous redoutons de ne plus vivre. » C'est là propos de spectre, aussi étranger aux morts qu'il l'est aux vivants.

  7. « J'allai, entraîné par le squelette du hareng saur que j'avais grignoté peu à peu, devenant à mon tour un décharné ambulant qui faisait aboyer les chiens et frissonner les femmes enceintes. »
    (Michel de Ghelderode, « La Balade du Grand Macabre », [Nekrozotar])

  8. Il y eut quelques initiés pour représenter le Temps sous la forme d'un hareng saur se balançant au bout d'une ficelle. Charles Cros consacra un poème à cette croyance.

  9. Si ça se trouve, les extra-terrestres qui passent par chez nous ne nous voient que sous la forme d'ombres errantes dans les ruines de nos civilisations disparues depuis quelques antiquités déjà.

  10. Il arrive qu'un visage bien vivant apparaisse dans l'assiette. Si sa bouche s'ouvre, méfiez-vous, c'est qu'elle s'apprête à vomir les couleuvres que jadis vous lui avez fait avaler.

  11. Pascal Quignard dans « L'Enfant d'Ingolstadt » rappelle que « les hommes de l'Antiquité criaient très fort trois fois le nom du mort dans la chambre silencieuse où son corps avait été allongé. » C'est ainsi qu'il semble parfois que l'on nous appelle.

Patrice Houzeau
Malo, le 15 juillet 2020.

13 juillet 2020

AVANT D'PASSER A L'ACTE LE LUTIN

AVANT D'PASSER A L'ACTE LE LUTIN

 

 

 

  1. Lu l'album « Sigurd », tome VI de la
    série « Les Tours de Bois-Maury » de
    Hermann qu'ça débute par d'la vision
    d'apparitions chauve-souris barge ça
    va sur la mer ça la barge pis cheval
    blanc portant joyau sur son front je
    m'dis qu'le passé c'est du retour de
    revenances qu'le présent leur permet
    encor d'se manifester dans l'bizarre

  2. « Les idées, comme des boucs étaient dressées les unes contre les autres. »
    (Henri Michaux, « La marche dans le tunnel »)

  3. « Les idées, comme des boucs étaient
    dressées les unes contre les autres»
    dit dans La marche dans le tunnel le
    poète Henri Michaux que les boucs oh
    oui qu'ça vous fonce dessus qu'si on
    i songe c'est politique en diable ça
    les boucs dans le genre radical même

  4. Les idées mèneraient-elles le monde?
    Ou alors les idées les alibis de nos
    intérêts qu'elles sont les idées que
    je me pensais en penchant la tête et
    me disant comme elle est bien pleine
    la poubelle faut qu'j'la vide tandis
    qu'elles sortent des murs les ombres

  5. « Le poste de machin semble très convoité
    à la tête de » que j'entends à la radio &
    moi entendant cela je me dis la politique
    c'est pareil que la vie d'pousse-toi-d'là
    -que-j'm'y-mets qu'il y a partout qu'donc
    ça doit être pour ça qu'on vote pour tant
    de gens aussi idéalement menteurs qu'nous

  6. Entendu dire que parfois pendant ses cours
    ce grand philosophe de la Logique aussi du
    Langage disait défois qu'idiot i s'sentait
    C'est que défois la machine a patine kelle
    se met à chantonner des comptines é défois
    qu'c'est juste une présence bouche bée pis
    qu'rien qu'en sort qu'on est juste là nul.

  7. Défois moi aussi j'me sens stupide même que
    je me relis que je me dis qu'c'est pas bien
    écrit cé koi toutes ces conneries et j'm'en
    veux j'me dis qu'j'devrais faire mieux puis
    là en général m'arrive dans la caboche c'te
    troupe de gnomes qui chantent des comptines
    bavaroises qu'j'ai envie d'boire d'la bière

  8. « Mais vous êtes aussi réel que je le suis, lui disais-je. O Simon, pourquoi êtes-vous mort avant d'avoir pu me dire de quoi il s'agit ? Simon, à quoi cela ressemble-t-il, d'être mort ? »
    (Leonora Carrington traduit par Henri Parisot, « Le Cornet acoustique » [la narratrice])

  9. Mais vous êtes aussi réel que je le suis,
    lui disais-je.O Simon, pourquoi êtes-vous
    mort avant que d'avoir pu me dire de quoi
    il s'agit? » qu'elle demande dans l'roman
    étonnant à Leonora Carrington « Le Cornet
    acoustique » que si ça s'trouve les Morts
    si on leur demandait quoiquesse d'l'autre
    côté i s'gondoleraient d'l'ectoplasme pis
    s'frottant le vide orbital i répondraient
    Tu crois quoi toi je te dis moi k'tout ça
    pour ça L'au-delà c'est de l'escroquerie.

  10. Moi je pense que le lutin armé d'un couteau
    qu'y a parfois dans la tête des gens bin il
    n'y a pas qu'le lutin aussi du labyrinthe y
    a et qu'c'est même pour ça qu'le lutin faut
    qu'il le retrouve son chemin dans le dédale
    & sans s'faire bouffer par l'aut' Minotaure
    là qu'en fin de compte il en met parfois du
    long temps le lutin avant d'passer à l'acte

Patrice Houzeau
Malo, le 13 juillet 2020.

12 juillet 2020

VERS LA CORNICHONIFICATION

VERS LA CORNICHONIFICATION

 

 

  1. Des fois on croit mais en fait non qu'on s'dit tant pis.

  2. Si le verbe « éléphanter » signifiait « adorer son dieu », à coup sûr, le Créateur aurait été représenté avec une trompe.

  3. Nous sommes soudain dans la considération. C'est le moment à soi des questions. Qui fut réellement ce cadavre ?

  4. L'être qui parle dans les poèmes de Henri Michaux imagine qu'aux « approches de la mort », il serait possible de « réduire » les « êtres » à « une sorte d'alphabet qui eût pu servir dans l'autre monde, dans n'importe quel monde. »

  5. Il y a aussi « le regard de mort » qu'elles ont les bêtes (surtout les « félins et les rapaces » écrit Pascal Quignard) que j'ajoute celui des cornichons sauvages à yeux vifs, les féroces cornichœils qui vous dévorent le jambon avant même que vous ayez sorti la moutarde.

  6. A force de beugler « Eye Of The Tiger », on finit par tomber dans le yaourt.

  7. Selon les disciples du culte du Livre-Labyrinthe, il arrive que dans certaines circonstances, certains lecteurs initiés chutent dans le livre ouvert. Devenus purs points de vue internes, ils errent sans fin dans le labyrinthe des lignes et des sens, découvrant ainsi les livres du Livre.

  8. Si j'en crois « le Maître de Ho » dont Henri Michaux rapporta les propos, si nous ignorons tout des gens de la « Terre creuse », c'est que :
    « Rien ne débouche nulle part
    Les siècles aussi vivent sous terre, dit le Maître de Ho. »
    (Henri Michaux, « Labyrinthe »)

  9. Si nous considérons que le réel est une suite de postures, la fin subjective du réel est donc la fin des postures, et la Mort une imposture.

  10. Non, je ne pense pas que certains romans policiers actuels, qui vous font leurs 836 pages comme vous faites du café, soient composés par des équipages d'extra-terrestres échoués sur Terre et réduits en esclavage par de grands gutturaux blonds aux yeux bleus.

  11. Je ne doute pas par contre, à voir la façon dont le grand Touci-touça évolue, que les cornichons à yeux vifs, les féroces cornichœils ne se contentent plus de jambon et en soient venus à parasiter les cervelles de bon nombre de nos frères humains.

  12. Alors, le Maître dit : « Nous allons vers la grande Cornichonification de toute chose, car il est écrit que dès que l'on commence un jeu de cornichon, il n'y a pas de raison pour que cela s'arrête. En vérité, je vous le dis, nous finirons dans le vinaigre. »

    Patrice Houzeau
    Malo, le 12 juillet 2020.

12 juillet 2020

DEJA LES FLAMMES DEVORENT THEBES

DEJA LES FLAMMES DEVORENT THEBES

 

 

  1. « Dans un camp à moi, je tiens prisonniers des nobles. Pourquoi ? En otages. Pourquoi en otages ? Parce que. »
    (Henri Michaux, « Dans mon camp »)

  2. Une boîte me tient enfermé. Personne ne la voit et tout le monde me croit aussi visible que l'homme de la rue. Mais parfois, je l'ouvre et tel un diable je jaillis. Personne ne m'en fait jamais la remarque.

  3. « Au contact mortel de ce regard de glace, tout ce qui n'est pas essentiel disparut. »
    (Henri Michaux, « Alphabet »)

  4. Il est certainement qu'au cours de l'existence, beaucoup rencontrent plusieurs fois le « regard de glace » du péril imminent. L'invisible se rappelant à nous, il abolit instantanément tout ce qui n'est pas essentiel jusqu'à parfois, notre présence sur terre.

  5. Il arrive que celui qui se croit justicier dans les ténèbres aille consulter. Henri Michaux rappelle quelque part que cela peut finir mal, je cite : « La tête dans ses tarots mes chiens dévorent la cartomancienne. »

  6. La rumeur publique dénonçait le sphinx comme s'étant rendu coupable d'avoir, lorsqu'il n'était encore que provincial, échangé contre son influence des faveurs sexuelles avec quelque créature des nuits fauves. On parla de « viol ». On contesta sa nomination.

  7. Eu égard aux fermetures annoncées, les gens restaient étrangement calmes. Le Duc se demandait combien de couteaux pouvaient en venir aux mains et si son peuple, déjà réfractaire, n'était pas en passe de lui devenir aussi étranger qu'une horde du Vème siècle.

  8. On s'attendait à un nombre plus élevé que prévu d'apprenants. On s'attendait à un nombre plus élevé d'arrivants. Une poignée de scribes remarqua que les Savoirs tournaient sur leurs socles et, ostensiblement, tournaient le dos à la foule empressée et inutile.

  9. On disait le Prince de Macronie sensible aux attraits de la canaille. Déjà les services avaient dû débarrasser le palais d'un garde du corps un peu trop dominant. Et voilà qu'il nommait à des postes-clés des hommes dont une partie du peuple dénonçait l'hybris, sinon la loucherie.

  10. Je me demande combien de fois ces dernières années on a assassiné César.

  11. « Tout tombe, dit le Maître de Ho. Tout tombe, déjà tu erres dans les ruines de demain. »
    (Henri Michaux, « Les sphinx »)

  12. Que sont les bibliothèques, sinon des sphingeries ? Nous y consultons oracles imprimés et sibylles d'encre qui ne cessent de nous dire que tout est écrit et que les flammes déjà dévorent Thèbes.

    Patrice Houzeau
    Malo, le 12 juillet 2020.

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