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BREFS ET AUTRES
notes de lecture
31 juillet 2023

NOTE SUR L'HOMME DE HARLEM DE GUIDO CREPAX

NOTE SUR L'HOMME DE HARLEM DE GUIDO CREPAX

Guido Crépax. « L'Homme de Harlem » (Dargaud, 1979). C'est du polar, assez noir, bien qu'en couleurs, d'un humanisme lucide aussi. L'intrigue est assez mince, mais on s'en fiche. Ça commence symboliquement par un match de boxe : le 19 juin 1946, le combat entre le blanc Billy Conn et le noir Joe Louis, et ça se poursuit dans une atmosphère de clubs de jazz et de règlements de comptes entre gangsters. Au milieu de tout ça, le contrebassiste Little Johnny Lincoln (pas un hasard, ce nom) va tenter de protéger Polly, dont la vie est menacée depuis qu'elle a été témoin d'un meurtre. Il est noir et jazzman ; elle est blanche et prostituée. Tout va donc devenir très vite compliqué.

Ce qui fait l'intérêt de l'album, ce n'est pas tant l'histoire que le travail du dessinateur Guido Crépax : par exemple, le haut de la planche 3 (page 7) : C''est dans un trapèze rectangle que Joe Louis met Billy Conn KO au 8ème round, mettant ainsi en évidence la vitesse, la puissance de la « bombe noire » Joe Louis, l'ascendant pris sur Billy Conn qui, dans la case suivante, est horizontal de tout son long cependant que l'arbitre égrène le décompte.

Découpage des planches rapide, rappelle les films policiers ; beaucoup de plans resserrés : ainsi, le corps de Polly aux pages 26 et 27 ; en contrepoint, un strip vertical de cinq cases en noir et blanc, un saxophoniste jouant ironiquement « Lover Man ».

Contrepoint est le mot. En parallèle des scènes d'action liées à l'intrigue, des planches entières montrent la formation de jazz dans laquelle travaille Litlle Johnny Lincoln. Traits parfois très vifs et cadrages expriment l'intensité du jeu, donnent le rythme, l'accompagnement musical du drame, les titres des morceaux sont d'ailleurs donnés comme autant de références pour l'amateur de jazz hot. L'album commence par un match de boxe et se finit par un concert de jazz. Entre les deux, des gens sont morts. La vie est violente.

Note : j'écris plus haut que l'intrigue de « L'Homme de Harlem » est assez mince. Personnellement, j'aime autant. J'apprécie peu d'être obligé de me creuser la cervelle pour essayer de piger une histoire dont je me fiche assez royalement. Je lis moins les bédés pour les histoires que pour la virtuosité du trait, l'intelligence et l'humour des répliques, l'atmosphère qui se dégage des planches. Je reconnais du talent à beaucoup de mangakas, mais souvent que j'y pige que couic (vous me direz, c'est parce que je ne suis pas très futé non plus, c'est possible, et peu m'importe).

Patrice Houzeau
Malo, le 31 juillet 2023.

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29 juillet 2023

IPHIGENIE EST-ELLE UNE TRUITE UNE VACHE UN ANDROGYNE ?

IPHIGENIE EST-ELLE UNE TRUITE UNE VACHE UN ANDROGYNE ?

1.
Lacome et Marcelé. « Iphigénie » in « Un Après-midi au cirque » (Dargaud, coll. Pilote, 1982). C'est une histoire courte, 21 planches.

C'est de la sorcellerie, et ce n'en est pas puisque c'est de la bande dessinée. Des vaches, du gris, des ombres, des trognes, et « là... il y avait une drôle de dame !... » Y a le « bon dieu » des jurons et le « diable » des mauvaises choses, des qu'on n’explique pas ; il y a le crucifix dans la chambre à coucher, et « Par sainte Eulalie, faites que je ne sois pas prise ».

Il y a des mots qu'on n'entend pas dans nos villes hyper-connectées, en voie de macronisation : on parle de vaches « amouillantes », de « guérisseux », de « panseux », de « désempommeux », de « désensorceleuse », toutes activités qui existent toujours, en dépit de la zététique. Et jusque dans les centres de nos villes que ça magnétise, que ça hypnotise...

Ça n'empêche pas les drôles de dames.

Que faire quand tout commence à aller mal : les vaches ne donnent plus de lait, la maladie frappe les bêtes comme les gens. « C'est de l'eau, de la terre et de la lune... c'est de la nuit ! », dit la vieille femme.
Alors quoi, le couteau planté dans le cœur de bœuf ?
Ça n'empêche pas les drôles de dames et la sécheresse.
Il faut donc avoir recours à « l'homme de la vallée », celui dont on ne dit pas le nom.
Trognes, trognes et chat, le chat qui renverse le bol. Les dames dansent.
Viendra l'épreuve ultime. Iphigénie est-elle une truite ou une vache ? » du vivant va passer et tout rentrera dans l'ordre. « C'est rien... c'est des vérités qu'on sait... ».

D'ailleurs, on ne voit plus les drôles de dames.

2.
Avec la deuxième histoire de l'album, « Un après-midi au cirque », le dessinateur Marcelé passe à la couleur qu'on dirait bien du pinceau. Les trois premières planches en sont superbes, parade fantasque d'un cirque en ville : nains à tambourins, attelage à bœuf monté par une écuyère rousse, longues femmes dédaigneuses montrant parfois un sein, basse-cour, cochon rose, tête de bélier, bêtes d'une élégance de fable folle, parées de guirlandes et de plumes, escargot.

Ce n'est pas tout à fait un cirque, c'est un bordel, un bordel ambulant, avec son nain mystique qui cite les Écritures et s'appelle Gabriel. Trognes et monstruosités. On pense aux tableaux et affiches de Toulouse-Lautrec, version féroce, lorgnant sur le grotesque de James Ensor. Il y en a pour tous les goûts, il y en a pour tous les vices.

Au milieu de tout ça, il y a Marie, l'hermaphrodite (« L'ange pur, la toujours vierge, la Marie-Janus ! », clame la mère maquerelle), Marie qui rêve d'avoir un enfant... Impossible, et pourtant... mais chut... Le miracle aura peut-être lieu, mais comme tout est truqué, évidemment. D'autant que le nain Gabriel avait prévenu : « Marie, tu seras mère, mais que de douleurs... Oh ! Non, la douleur, c'est plus tard... Tu recevras et tu perdras... »

Restent les hommes, les hommes et leur mépris, les hommes, les singes et les porcs.

Patrice Houzeau
Malo, le 29 juillet 2023.

28 juillet 2023

SIGURD PUIS WESTERN CIRCUS

SIGURD PUIS WESTERN CIRCUS

1.
Hermann. « Les Tours de Bois-Maury », tome VI, « Sigurd » (1990, Glénat). Bande dessinée dont l'action se déroule au moyen-âge et ici, dans une Normandie où persistent des restes des croyances scandinaves. Le personnage principal de la série, Aymar de Bois-Maury et son écuyer Olivier font halte dans un château. Dès les premières planches, atmosphère fantastique... barge risquant de se fracasser sur les rochers et qui disparaît (« La mer est vide », constate Olivier), cheval blanc, joyau au front, et qui ne laisse nulle trace de son passage sur le sable, chauve-souris hantant la tempête...
De très belles planches dans cet album : la planche 12, muette et dans des tons gris qui rappellent les gravures des illustrations du dix -neuvième siècle. Muette ? pas tout à fait, il y a le Rhooooo de la corne de Yan et le Tooooooo de la barge fantôme qui lui répond... Les planches 30 et 31, muettes aussi et, entre brumes et passages de nuées de chauve-souris, l'étonnement de Bois-Maury devant l'apparition des ruines d'une tour fortifiée.... Les planches 40 et 41, scène d'action ; Bois-Maury et Sigurd sont en proie à des maléfices divers (créature griffue, flammes tombées d'un récipient renversé par le cheval blanc, le « cheval d'Hervör ») ; les couleurs éclatent et semblent se tordre vives : rouge, vert, gris, ombres et mauve clair.

Citation :
« - Eloignez votre main. Je sens la froidure d'hiver me passer de travers le bras...
- Que savez-vous de la froidure ?... d'un hiver long de plus de cent années... »
(Hermann, « Sigurd », planche 34, [Bois-Maury et Sigurd])

2.
Morris et Goscinny, les aventures de Luky Luke, « Western Circus » (Dargaud, 1970). « …le même âge qu'aurait l'amiral de nos jours », je suppose l'âge qu'il avait à Trafalgar, il est borgne et « comme lui, il n'est pas mangeable », dit le capitaine Erasmus Mulligan en présentant son lion à Luky Luke et devinez donc comment qu'il s'appelle. Un éléphant. Un directeur de cirque alcoolique, joueur invétéré, avec une tête à la W.C Fields, celui qui disait, nous écuyère-à-café Wikipédia, : « Je n'ai pas de préjugés. Je déteste pareillement tout le monde. ». Un monstre « avec une grande queue devant et une petite derrière » disent les Indiens (et indien vaut mieux que pas d'petits pains au chocolat). Vanessa, la trapéziste et Mrs Mulligan aussi, Daphné, l'écuyère et lanceuse de couteaux, fille du capitaine Mulligan, Zippy le clown et Zip Kilroy, mari de Daphné. Un éléphant. Un chapiteau tout rapiécé. Une attaque d'Indiens tout orange puis tout verts. Un lion apathique. « Pop corn, cacahuètes ». Un éléphant. Un âne bleu étoilé avec un clown dessus. Des Indiens. Un éléphant. L'arrivée de la cavalerie (« Tariiiii Taraaaa Tariiii... »). Un saloon à Fort-Coyote. Un homme très riche et entreprenant ; on l'appelle « dent-de-diamant ». Un éléphant. Il n'y a pas le groupe de rock que j'aime assez, « Wet Leg », formé par les musiciennes Rhian Teasdale et Hester Chambers et qui chantent « On the chaise longue, on the chaise longue, on the chaise longue, all day long, on the chaise longue ». Une bagarre au saloon. Un éléphant. Une écuyère qui joue du trombone. Un éléphant rancunier. Un tueur à gages tout en noir. Un lion végétarien. Un éléphant dans un couloir. Une dépression. Jolly Jumper en équilibriste. Un spectacle de cirque. Une attaque d'Indiens. Des cases rouges quand le chapiteau brûle. Un retard de cavalerie. Un coup de fatigue. Un éléphant consterné (dans le fond de la case). Un rodéo. Lulu Carabine et ses girls (cabaret). Monsieur Jules Framboise « de Paris, France, en Europe ». Hot dogs et cola. Rodéo qui vire au cirque. Un éléphant. Un triomphe. Un imprésario. Une tournée « dans toute l'Europe ». Une affiche. Un bon album. Une citation :

« - Non, il est trop nerveux, je risque de ne pas le rater... »
(Morris et Goscinny, « Western Circus », pl.22A, [Daphné, la lanceuse de couteaux]).

Une note de philosophie politique. Dans l'abum « Western Circus », de Morris et Goscinny, lors d'une représentation du cirque, Old Timer, sur son fauteuil roulant, se moque à voix haute du juge Sockett, présent lui aussi. Soudain, par enthousiasme, Old Timer tire un coup de tromblon en l'air, ce qui pousse le juge Sockett à le convoquer pour le lendemain au tribunal « pour port d'arme prohibée ». Comme on sait, suite à une attaque d'Indiens, le chapiteau prend feu, et « tous les spectateurs quittent » précipitamment « le chapiteau en flammes ». Le juge Sockett aide alors Old Timer en poussant son fauteuil roulant : « Merci, Juge... », dit piteusement Old Timer. Réponse du juge Sockett : « Ne me remercie pas ! Je t'aurais laissé griller avec plaisir, mais je tiens à te voir demain devant mon tribunal ! » (cf pl.35B). L’exercice du droit rend nécessaire la protection du justiciable.

Patrice Houzeau
Malo, le 28 juillet 2023.

17 juillet 2023

DU JAZZ ET DES FANTÔMES

DU JAZZ ET DES FANTÔMES

Ernest Borneman. « Tremolo » traduit de l'américain par Henri Robillot. Gallimard, « Série Blême », 1951. Polar qui tend au suspense psychologique, mais sans tension extrême ; pas de palpitations intempestives à craindre, et pas non plus cette impression que l'on a parfois de se faire avoir par la trop grande habileté de l'auteur lorsque que l'on se plonge dans les thrillers de Mary Higgins Clark.

Mike Sommerville, l'homme, c'est le personnage sympathique par excellence, bon vivant (solide fourchette et, à l'occasion, ne refusant pas un verre) sans que cela nuise vraiment à sa détermination à faire les choses correctement : diriger correctement son entreprise, on est en Amérique, Mike est un entrepreneur ; jouer correctement du jazz, c'est un passionné de jazz dixieland, New Orleans, de Louis Armstrong, de Leon Roppolo (ou Rappolo, 1902-1943), clarinettiste de jazz connu pour avoir joué au sein des New Orleans Rhythm Kings ; passionné, Mike, de rythmes vifs avec trompettes, clarinettes, de pétillant, de l'entraînant, du fringant flamboyant, de swing. Le roman donne envie d'écouter du jazz, du bon vieux jazz. Mike semble aussi déterminé à mener une vie de couple heureuse (il est amoureux et assez sentimental) et à élever correctement son fils.

Ernerst Borneman (Berlin 1915- Scharten (Autriche) 1995) fut auteur de romans policiers, musicien de jazz, critique de jazz, psychanalyste, usw... C'est pour ça que.

Marge, la femme, semble trouble et troublée, amoureuse. Il y a du subconscient car il y a des fantômes. Psychopathologie de la vie conjugale. Et si...

Incidents du sucre, des livraisons envolées, du pick-up qui se met en marche tout seul dans la nuit et joue des disques, incidents des disques cassés, de la clarinette volée, de la montre volée, la bizarrerie d'un couac dans la logique de l'intrigue, je ne vous dis pas quoi ; vous verrez en lisant ; du reste, on s'en débaloufre vite (du verbe « s'en débaloufrer », s'en fiche complétement ou quasi), cause que c'est pas l'essentiel.

Mary-Anne, la mère de Mike, veuve, lit le « New Yorker ». Rationnelle, rassurante Mary-Anne. Evoque le subconscient. Psychopathologie de la vie de mère, d'épouse, de belle-mère, de grand-mère, et si...

Spirale.

Pete, le fils. Sera un adulte probablement aussi sympathique que son père, aide au dénouement. Je lève le doute : le môme n'est pas coupable.

« Tremolo » relève du roman de complot. « Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire », dit la Phèdre de Racine. Machine infernale tic-toc-tic-tac-tic-toc-tic-tac...

Spirale et lutte pour le contrôle de cette spirale.

Martha et Joe Washburn, la femme de ménage et l'homme à tout faire, honnêtes et de bonne volonté. Et si...

Jeannie, la chanteuse de jazz, jeune et tentation possible, représente la liberté d'une vie consacrée au jazz, aux boîtes enfumées, aux jam-sessions qui font le pont entre la nuit et le petit jour, aux amitiés entre musiciens, entre hommes autour d'une table, d'une bouteille, d'une passion partagée (la musique), tentation peut-être, la jeune et vive Jeannie, nostalgie d'une vie plus ou moins de bohème pour un Mike plus ou moins rangé des trompettes, ayant quitté les aléas d'une vie de musicien pour une vie bourgeoise de citoyen respecté.

Vous l'aurez compris, le dénouement n'est pas le plus important dans ce roman, qui n'est pas un chef d’œuvre, mais un livre attachant, surtout si l'on aime le jazz et les fantômes.

Citation :
« Puis, sans préambule, la voix de Jeannie s'éleva, grave, un peu rauque, une voix qui ne semblait destinée qu'à vous. Et pourtant, elle chantait aussi gaiement et aussi naturellement qu'un enfant qui se fredonne une chanson pour lui-même. »
(Ernest Borneman. « Tremolo », chapitre III).

Patrice Houzeau
Malo, le 17 juillet 2023.

10 juillet 2023

A PROPOS DE SUCRE DE PASTEQUE ET DES POULETS RÔTIS

A PROPOS DE SUCRE DE PASTEQUE ET DES POULETS RÔTIS

La surpopulation est le mal du siècle. Après la phobie scolaire, bien sûr.

La poésie, c'est ce que je préfère, avec la crème glacée à la pistache et les fesses de Carole. La
Surpopulation, par contre, voyez, j'en suis pas fan. Les gens se reproduisent et ils appellent cela l'humanité. C'est effrayant comme un poulet rôti. Il y a ce livre que je viens de lire et qui
Est très bon, « Sucre de pastèque », de Richard Brautigan. C'est très curieux. C'est un court roman surréaliste composé en fragments. Moi je dis que ce sont plutôt des cycles de poèmes en prose qu'un roman, même qu'il y en a trois (« Sucre de pastèque », « Inboil », « Margaret »), mais les spécialistes de la spécialité, à ces mots, peut-être qu'ils se rengorgeraient comme des poulets rôtis juste avant de débiter un discours électoral et de me traiter d'enseignant de base.
Le « Sucre de pastèque » là, ça rappelle certains romans de Boris Vian. Ça parle de Pauline, de Margaret, d'une usine oubliée, des tigres sur le pont, de Charley, de Fred, d'une bande de mauvais gars menée par un certain Inboil, (le
Mal), et de la sagesse des truites (le bien), aussi de l'utilité
Du sucre de pastèque. C'est un roman du
Siècle passé, il a été composé en 1964, publié en 1968 aux Etats-Unis, et en 1974 en France (dans une traduction de Michel Doury) et
Après, il y eut tant d'autres livres publiés partout, tant de poulets rôtis et de discours électoraux, tant de dangereux qui assassinèrent tant de gens que je me dis que ce serait cool de lire « Sucre de pastèque » avec un fond sonore de vieux jazz, de country-rock, de blues genre ça s'balade nonchalant sous le soleil.
La poésie, c'est ce que je préfère, avec la tarte aux abricots et la nuque de Fabienne. La
Phobie scolaire, j'en pense trop rien, qu'il me semble que le
Scolaire, quand j'étais collégien, il fallait que je me concentre drôlement pour empêcher mes jambes de fuir lorsque j'allais en cours et qu'il y avait des choses à faire.
Bien entendu, à l'époque, il n'y avait pas autant de cas de phobie scolaire et
Sûr que la phobie scolaire, c'était plutôt paresse, flemme, et fainéantise qu'on l'appelait, hein, la trouille des gens.

Patrice Houzeau
Malo, le 10 juillet 2023.

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5 juillet 2023

UNE GRANDE VAGUE DE SENTIMENT ET PLOUF

UNE GRANDE VAGUE DE SENTIMENT ET PLOUF

Je n'en parle pour ainsi dire jamais, mais l'un des auteurs que je mets très haut dans la liste des auteurs que je mets très hauts, est Francis Scott Fitzgerald. Je viens d'achever la lecture de « L'Envers du paradis » (« This Side of Paradise », 1920), premier et drôle de roman de l'auteur de « Tendre est la nuit », lecture finie donc avec dans les oreilles l'infernale fanfare, la parade sauvage qui clôt le dernier épisode de la série de Bruno Dumont, « Coincoin et les Z'inhumains » (2018), à penser que, comme on le sait depuis Bernanos, c'est dans la langue française et le vent du Nord que le Diable a élevé ses clochers. Tiens, puisqu'elle revenue, « la chanteuse qui chantait des chansons, puis qu'elle avait été dévorée par les cochons », je me demande si la suite des aventures de Coincoin, elle s'appellerait pas défois « Le Retour d'ches morts-vivants ».
Vous me direz : quel est le rapport avec Fizgerald ?, que je vous répondrai que là où il y a de la bonne littérature, le diable n'est jamais très loin, tant on fait des livres plus avec l'ironie des virtuoses qu'avec la girouette des bons sentiments.

Citation :
« Pendant quinze jours, Amory et Rosalind furent profondément, passionnément amoureux. L'esprit critique qui leur avait gâté une douzaine d'idylles à chacun était balayé par la grande vague de sentiment qui les emportait.
- C'est peut-être une aventure déraisonnable, disait-elle à sa mère alarmée, mais ce n'est pas une aventure idiote. »
(F. Scott Fitzgerald traduit par Suzanne Mayoux, « L'Envers du paradis », Gallimard, coll. l'Imaginaire, p. 197).

« L'Envers du paradis » est un roman d'initiation, avec beaucoup d'échecs et de lucidité, comme le souligne l'emploi récurrent du terme « égotiste » que l'auteur emploie pour qualifier le personnage d'Amory Baine, dont les exégètes disent qu'il aurait plus d'un point commun avec l'auteur.
Échecs sentimentaux, échecs universitaires, évocation parfois dérisoire, parfois profonde, amusante ou tragique de l'Amérique de la jeunesse dorée de l'université de Princeton au début du 20ème siècle (flirts, conversations oiseuses, virées alcoolisées, incidents divers...), la chronique se situant au moment où la première guerre mondiale déchire le continent européen, c'est surtout par sa fantaisie, sa désinvolture inquiète, son amertume blasée, les fragments de poèmes qui le ponctuent, et ce ton si particulier d'adolescent sur la défensive, qui annonce certains coups de griffe du célèbre « Attrape-coeur » de Salinger (1951), que le texte nous retient.

Citation d'une étonnante lucidité si l'on se souvient que le roman a été publié en 1920 :
« - La vie moderne, reprit Amory, ne se modifie plus d'un siècle sur l'autre, mais d'une année sur l'autre, dix fois plus vite qu'elle ne l'a jamais fait – les populations doublent, les civilisations s'unissent plus étroitement à d'autres civilisations ; il y a l'interdépendance économique, les questions raciales ; et... » (p.280).

Patrice Houzeau
Malo, le 5 juillet 2023.

1 juillet 2023

PAS DE FANTÔME DONC MAIS BIEN DES GENS

PAS DE FANTÔME DONC MAIS BIEN DES GENS

1.
Dans le « Prologue » de "L'Assassin habite au 21", de Stanislas-André Steeman (publié en 1939), il n'y a pas un « cri » mais on entend le « floc » que « fit en giflant le trottoir » la serviette du passant assassiné. Le son f me fait penser à la girafe mais dans ce fog, nulle girafe.

2.
Un homme « perché sur un réverbère » dit des horreurs au constable Henry Beecham. Il les dit en anglais bien que le roman soit composé en français. C'est que ça se passe à Londres aussi et puis, ça dépayse le lecteur et puis ça altère un peu la violence des propos genre :

« Pimple nosed pig » (« groin à pustules » ? ou chaipas en tout cas c'est pas « saluez le tout nouveau jour », parce que ça c'est dans la chanson « Dear Prudence » des Beatles, et ça se dit « Greet the brand new day ». Dans le Chapitre premier donc, « Henry Beecham se fâche ».

J'apprends un peu plus loin que l'homme du réverbère s'appelle Toby Marsh et qu'il ironise sur le vol qu'on pourrait lui imputer de « l'aiguille de Cléopâtre » et donc je vas sur wikipédia qui me small-pointed-nose que sont appelés « aiguille de Cléopâtre » deux obélisques égyptiens, dont l'un est à Londres et l'autre à New York.

3.
Le chapitre II est consacré à la présentation du petit monde du 21, Russel Square (c'est une « pension de famille »), là où se cacherait l'assassin. Il y a plein de gens que je ne vous présenterai pas parce que j'ai la flemme bien qu'il y ait Mrs Hobson « (Valérie) », Daphné la cuisinière, et que « la petite femme de chambre » s'appelle Mary, Miss Pawler, Mr Crabtree, le Dr Hyde (il boite) et Mr Collins (il bégaie), Mrs Crabtree, Mr Andreyew dont je dirais qu'il a l'air « sémillant » si « sémillant » signifie bien ce que je pense que « sémillant » veut dire. Il y a aussi le major Fairchild, Mrs Holland (qui écrit des « contes de fées »), et le Pr Lalla-Poor mais il n'y a aucun D'Artagnan-Athos-Aramis-Porthos ni aucune jument verte, quoique que l'on sait que les juments vertes se dissimulent parfois derrière les apparences les plus anodines.

4.
Lorsque certains traits culturels s'effacent, que le monde moderne balaie ce qui est considéré comme obsolète jusqu'à ce que nous le reconnaissions de moins en moins, ce monde qui nous semblait si familier, et que l'avenir semble étrange et effrayant, ce qui reste, c'est la matrice : la langue. Aussi, c'est avec consternation que je vois disparaître bien des mots de notre vocabulaire au profit d'un français simplifié et abâtardi de globish novlangue. Le président Macron s'en montre parfois friand. Ce n'est pas rassurant.

5.
« Ce qu'il faudrait, c'est un observateur dans la place », dit le commissaire-adjoint au chapitre III (qui ne lui répondit pas). L'observateur du petit monde avec un assassin dedans du 21, Russel Square, c'est le lecteur. Il y aurait donc maintenant deux observateurs, sans compter le fantôme que je sais pas s'il y en a un dans le roman, mais ce serait un troisième œil tout à fait intéressant pour l'atmosphère, mais ma tartine de confiture me susurre qu'il n'y en a pas. Ah. Nous verrons bien.

Patrice Houzeau
Malo, le 1er juillet 2023.

27 juin 2023

EVIDEMMENT C'ETAIT ÇA

EVIDEMMENT C'ETAIT ÇA

1.
« Ressouvenirs »: Le mot apparaît dès les premières lignes du très beau « Le Roman d'un enfant », de Pierre Loti (1890). Il est mystérieusement suivi de l'adverbe « mystérieusement » et du participe « transmis ». Réminiscences de quelque vie antérieure ? Souvenirs réinventés ?

2.
« Ah ! Mon Dieu, mais qu'est-ce qu'il a ce petit, ce soir ? ». Question posée par la grand'tante Berthe au spectacle du bambin faisant ses premiers sauts sur le tapis (« pouf, pouf, en faisant beaucoup de bruit par terre, et en sentant dans ma tête un petit vertige particulier très agréable... »).

3.
« Forêt vierge ». C'est ainsi que le narrateur du « Roman d'un enfant » désigne un « jardin très grand qu'on n'entretenait guère et où les arbres fruitiers mouraient de vieillesse », jardin qu'enfant en vacances à la campagne, il fréquenta et qui appartenait à des amis de la famille. Il évoque aussi des « surprises », des « mystères », « l’expression de figure d'un petit Peau-Rouge dans la joie de ses forêts retrouvées. », « le petit ton moqueur » de Lucette D.

4.
« Évidemment c'était ça » : Découvrant la mer (cf chapitre IV), l'enfant se rend à l'évidence de la brutalité de la nature en-soi : « instable, perfide, engloutissant ; ça remuait et ça se démenait partout à la fois,  avec un air de méchanceté sinistre. » Étonnant, ironique peut-être, quand on sait que Julien Viaud, dit Pierre Loti, fut tout autant écrivain qu'officier de marine.

Loti l'a-t-il fait exprès ? Les premiers mots qui suivent l'évocation de la « mer » aux « grandes étendues vertes et profondes ») sont au chapitre V : « ma mère », la maman vue d'abord comme un « refuge naturel, l'asile contre toutes les frayeurs de l'inconnu ».

5.
Ce que je retrouve en lisant Pierre Loti : le fantôme de cette énergie vitale qui anime l'esprit et le corps durant les 40 premières années et puis, inéluctablement, petit à petit, décline et se dégrade ; je dis bien « fantôme », et qui dit fantôme, dit manifestations.

Échos du fantôme d'une énergie vitale : l'intelligence et la sensibilité de Pierre Loti, les romans de Simenon, les vers de Baudelaire, de Michaux, d'Apollinaire, les images surréalistes, les musiques des Beatles, des Stones, d'Adriano Celentano, les chansons de Charlebois, de Brel, les expressions et les situations de la série « Coin Coin et les Z'inhumains » de Bruno Dumont, amours, fascinations et amitiés féminines d'il y a quarante et trente ans, les rêves où remue mon passé, le retour de certaines odeurs, la puissance de certains parfums, des phrases dans ma tête, mêlées à des bouts de chansons (pour l'heure, les riffs électriques et les premiers mots de « Black Magic Woman » par Santana), des visages, des ébauches de scènes, répétitions, boucles ...

Peut-être que le sujet de certains films de Godard et de Luis Bunuel, du « Providence », d'Alain Resnais, des livres de Claude Simon, des « Vers nouveaux » de Rimbaud, des « Petits poèmes en prose », de Baudelaire, est cette vie confuse de l'esprit et des sens ; peut-être que cette vivacité de l'énergie vitale est-elle si commune (les passants dans les rues portent-ils tous, ou presque tous et toute la journée ce fatras dans la tête et leurs itinéraires?) que Rimbaud a fini par s'en désintéresser comme on se désintéresse des sottises des enfants et des adolescents attardés.

6.
« Une fois, une petite fille... en ouvrant un fruit des colonies très gros... il en était sorti une bête, une bête verte... qui l'avait piquée... et puis ça l'avait fait mourir. » : histoire dont le narrateur se rappelle et qui lui a été dite alors qu'il avait sept ans par une autre petite fille de six ans. La petite musique de cette histoire permet d'évoquer l'amitié enfantine mais surtout la puissance des mots (celui du mot « colonies » notamment).

Patrice Houzeau
Malo, le 27 juin 2023.

25 juin 2023

COLETTE EVIDEMMENT

COLETTE EVIDEMMENT

1.
Colette. « Gigi ». Petite merveille que cette grande nouvelle de 1944, écrit tardif donc. Vous me direz : elle avait pas autre chose à publier, Colette, après les horreurs de la deuxième des épouvantes. C'est que la littérature, la vraie, est hors du temps. Du reste, en quoi le portrait d'une jeune fille, d'une grande didine plus proche des asperges qu'on trouve dans les romans de la fin du 19ème, tout début du 20ème, en quoi le portrait de Gilberte, dite Gigi, vive et fraîche comme on s'attend à les trouver dans les pages de Colette, nous intéresse-t-il encore ? C'est qu'elle amuse. Dans la vie réelle, on s'en fiche de Gigi, et on lui dirait bien des choses, et des pas polies encore, à miss je-vas-me-marier sinon je m'en sortirai pas vu que je sais rien faire de mes dix doigts. Par contre, elle dispose de « jambes héronnières de quinze ans ». C'est qu'elle en a bientôt seize et rappelle la citation de Michel Audiard dans un film marrant qu'on regarde pour se poiler et passer le temps petit avant que le grand Cric vienne nous craquer le cœur et croquer l'âme :

« Une fille qui fait 95 de tour de poitrine et 32 de tour de tête ne peut pas être vraiment mauvaise. Elle peut seulement être légèrement sotte. »
(Qui dit ça, c'est le personnage de la « tante Léontine » interprété par Françoise Rosay dans le film d'Audiard : « Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » (1968). Léontine, c'est la tante à Rita, une Gigi d'un autre genre, et il me semble qu'elle dit « 85 » et pas « 95 »).

Elle va se fiancer, Gigi, avec un « homme mondial », un roi du sucre, qui brasse des milliards, un Gaston richard à moustaches. Ça arrange bien sa grand-mère, Mme Alvarez, et aussi tante Alicia, parce que Colette était assez lucide pour savoir que derrière les sentiments, il y a aussi, il y a surtout, les nécessités de se caser. Ce point de vue, les jeunes filles actuelles feraient bien de le méditer, d'autant que l'Etat providence et le « quoi qu'il en coûte » à Macron ne dureront pas. Pourquoi ? Parce que le monde est surpeuplé, et que si l'on veut éviter que les bipèdes s'entr'égorgent mondialement et sous les prétextes les plus divers, il faudra bien consentir à partager les richesses, lesquelles ne dépendent jamais que de la rareté naturelle.

Donc, ce n'est pas pour les petites libertés que revendique Gigi, ni pour son apparente désinvolture, ce n'est pas pour les conseils d'hygiène et de maintien que lui prodiguent tante et grand-mère (comment s'habiller quand on ne veut pas paraître plus que son âge, comment manger des ortolans, éviter la charcuterie et les bijoux « artistiques », veiller à la fraîcheur de son haleine, etc...), ce n'est pas pour cette suite de conseils anciens et de considérations désuètes que le texte tient. Eh non, parce qu'on s'en fiche de Gigi, cette grande « cavale » et de Gaston, çui-là qu'a trop d'ronds. Par contre, le style, l'art du dialogue de Colette, voilà qui tient la route.

Citation :
« - Si tu me gardais ici, grand-mère. J'irais voir tante Alicia dimanche prochain ?
- Vraiment ! dit Mme Alvarez avec hauteur. Tu n'as pas d'autre sujétion à me faire ?
- Si, dit Gilberte. Qu'on me fasse des jupes un peu plus courtes que je ne sois pas tout le temps pliée en Z dès que je m'assois. Tu comprends, grand-mère, tout le temps il faut que je pense à mon ce-que-je-pense, avec mes jupes trop courtes. »

2. 
Dans le même volume, la très belle nouvelle « L'enfant malade » qui rappelle au lecteur de la fin du 20ème siècle la manière dont, dans « Stupeur et tremblements » d'Amélie Nothomb, la narratrice prend l'habitude de se jeter dans le vide par la pensée. L'enfant du texte de Colette ne se jette pas dans le vide, mais se crée mentalement un espace où il a bien des aventures, où un « immense coupe-papier nickelé, si grand qu'au lieu de deux m, il lui en fallait trois et souvent quatre pour son qualificatif », devient « la Grande-Patinoire ». Colette connaissait-elle l'univers onirique des bandes dessinées de Winsor McCay, les rêves de Little Nemo (un môme lui aussi) et leurs grandes cases délirantes ? Le réel aussi s'y mêle, à cet espace surréaliste : « une autre fois, il vit une main. (…) La petite main faible luttait ; tous ses doigts écartés, et les zébrures parallèles commençaient à se distendre, à diverger et ployer comme des barreaux mous. » Dessin animé. Le dernier paragraphe du texte s'ouvre sur un octosyllabe (c'est bien son droit) : « Un temps veut qu'on s'applique à vivre. » De la littérature, je vous dis, et de la bonne.

3.
« La dame du photographe » est une jolie évocation d'une personne ordinaire qui vient de rater son suicide. Pas de misérabilisme, pas de sentimentalisme, juste l'évocation de la vie ordinaire de gens qui parfois.

4.
« Flore et Pomone » clôt le volume. Poème en prose d'un peu plus de 30 pages consacré aux jardins et vergers, aux fruits, fleurs, plantes qu'aima tant Colette. Poésie des noms : « J'aurai bien d'autres verveines en rosaces, aristoloches en pipes, gazon d'Espagne en houppes, croix-de-Jérusalem en croix, lupins en épis et belles-de-nuit insomnieuses, agrostides en nébuleuses et mignardises en vanille. » Que voulez-vous que je vous dise ? Colette, évidemment.

Patrice Houzeau
Malo, le 25 juin 2023.

23 juin 2023

DE LA PESTE D'ABORD PUIS DE LA PESTE AUSSI

DE LA PESTE D'ABORD PUIS DE LA PESTE AUSSI

1.
J'ai longtemps reculé devant les livres de Fred Vargas. J'aime les livres courts et le format Simenon me convient parfaitement, ainsi que les 250 pages traditionnelles de la collection du « Masque ».

Il y a de cela bien des années (comme le temps court hein), le film « Pars vite et reviens tard », de régis Wargnier (2007) avecJosé Garcia dans le rôle du commissaire Adamsberg et Olivier Gourmet dans celui de Joss Le Guern, avait retenu mon attention. Je viens de lire le roman (J'ai Lu n°7461). Eblouissant. Histoire de peste et de vengeance, de faux-semblants aussi (vous me direz que c'est courant dans le genre du « rompol », comprenez « roman policier » et zaurez raison, mais on s'en fout, puisque je vous le dis). D'érudition (ah, on en apprend des choses sur la peste et sur le sens de l’expression latine « Cito, Longe, Tarde »), de mélancolie, et d'humour aussi (si, si).

Les personnages d'Adamsberg et de Danglard, celui du « Ar Bannour », le « Crieur » Joss Le Guern, et l'étonnante Clémentine Courbet alors, c'est qu'on s'y attache, à ces gens.

Une chose encore, qui me plaît : Fred Vargas privilégie l'intelligence et la sensibilité à la violence. Je n'apprécie guère la tendance du roman noir à multiplier les scènes de violence et de sexe plus ou moins glauque : je ne ne lis pas de romans policiers pour ça. Je lis des romans policiers parce qu'ils présentent des personnages ordinaires plongés dans des situations extraordinaires, parce qu'ils jouent sur le réel, parce qu'ils amusent ou intéressent par l'originalité et les fragilités de l'enquêteur, parce que les gouffres qu'ils révèlent fascinent. Heureusement pour moi, la violence pour la violence ne me fascine pas, et à moins d'en avoir l'étrange beauté de « l'Iliade », je n'en vois pas souvent l'intérêt.

Citation :
« - Bon, dit Adamsberg en continuant à aller et venir. Un prédicateur du IIIème millénaire ? Qui annonce quoi ? L'apocalypse ?
- La peste.
- Tiens, dit Adamsberg en marquant une pause. Ça change un peu. Et comment vous l'annonce-t-il ? Par courrier ? Par téléphone ?
- Par monsieur, dit Decambrais en désignant Joss d'un geste un peu cérémonieux. »
(Fred Vargas, « Pars vite et reviens tard », chapitre 12)

Note : On peut trouver ce genre de dialogue « un peu pâteux ». Affaire de goût. Je ne me pose pas la question. Je lis très vite, et même pas tous les paragraphes (loin de là). Dès que je pige, je tourne la page. Je déplore d'ailleurs que les enseignants continuent à assener aux élèves qu'un livre se lit de bout en bout et mot à mot (Seigneur, quel ennui ! Il y a tant d'autres choses à faire dans une journée!). Beaucoup ont applaudi lorsque Daniel Pennac a publié ses « dix droits du lecteur », et ils sont même affichés dans bien des CDI, mais j'ai l'impression que peu les appliquent en classe. Résultat : les élèves mettent ces dix droits en pratique lorsqu'ils consultent internet et les réseaux sociaux (ça galope) et regardent les livres comme des territoires réservés à quelques initiés des lycées généraux qui auraient le temps de s'y attarder.

2.
Stéphane Guillon (« Journal d'un infréquentable 2015-2017 », Grasset, 2018) Je ne sais pas ce que devient Stéphane Guillon et tant pis, et c'est comme ça, et voilà. Le livre se lit vite car il claque. Livre-chronique, livre coup-de-gueule et marrant parce que la marrance met de la distance. Livre que l'on ne prend pas au sérieux, parce que Stéphane Guillon est un humoriste, et que l'on prend au sérieux parce qu'il s'en prend aux politiques (Fillon, dont il évoque, dès 2017, l'étrange bienveillance pour Poutine ; Mélenchon, ah le grotesque, dis, qu'on lit là ; Dupont-Aignan – teigneux, apparemment ; Marine Le Pen la sulfureuse ; Macron – pas encore éclaboussé par toutes les péripéties à pieds nickelés que nous connaissons maintenant, Benalla, la sotte réforme Blanquer... mais dont Stéphane Guillon semble déjà pressentir les curieuses faiblesses...). Livre mélancolique aussi (l'évocation du talent gâché de Franck de Lapersonne ; d'autres choses, plus privées, que l'on devine). Livre consternant quand il évoque les milieux si frileux parfois et si cyniques aussi de l'audiovisuel. Il y a une jolie page qui rend hommage à l'intelligence de Jean Benguigui. Pas un chef d’œuvre, ce « Journal d'un infréquentable », pas une honte non plus. Intéressant.

Patrice Houzeau
Malo, le 23 juin 2023.

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