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BREFS ET AUTRES
notes de lecture
18 mai 2023

DE LA PROSE QUI PERTURBE AH AH AH

DE LA PROSE QUI PERTURBE AH AH AH

1.
Luis Sepulveda traduit par François Gaudry, « Le Neveu d'Amérique » (« Points »). Notes, souvenirs. Parfois terrible quand il évoque la dictature et le Chili con carnage de Pinochet (« Le pire arrivait, à peu près tous les quinze jours, quand on nous emmenait au régiment Tucapel pour les interrogatoires »), parfois mélancolique et plein d'un humour souvent anarchisant. Chapitres souvent courts, livre bref et tonique. L'histoire de l'enfant au dauphin (chapitre 6 de la 3ème partie) est particulièrement émouvante. Le productivisme fait aussi le malheur des gens.

2.
Stephen King traduit par Michèle Pressé et Serge Quaddruppani, « L'image de la Faucheuse » in «  Brume (La Faucheuse) », J'ai Lu n°2579. Variation sur le thème du miroir maudit. Une scène et son double. Le présent doublon du passé ? J'aime bien les trouvailles d’expression qu'on y trouve, dans la prose de Stephen King :

« M. Carlin gloussa, c'était un son sec comme si des os avaient cliqueté dans la soupente de l'escalier. »

La progression du recueil fait succéder au classique « L'image de la Faucheuse » par « Nona ». Impressionnant. Itinéraire à la première personne d'un tueur halluciné. Frustrations et violence, sexe, rats, possession, crypte, crime sadique... Pensées décalées :

« La vigne sporulée se contente peut-être de rêver qu'elle fornique, mais je suis sûr que la Vénus gobe-mouches déguste cette mouche, savoure sa lutte faiblissante alors que ses mâchoires se referment sur elle. » ([le narrateur]).

Après ces soixante pages horrifiques, une poésie ? Un texte de chanson surréaliste ? « Pour Owen ». Ça se passe « rue des Fruits ». Le narrateur conduit son fils à l'école et c'est amusant ces variations sur les élèves et les fruits ; mélancolique aussi, et se finissant sur une note psychédélique plutôt sympathique :

« je me garerais sous une pluie de feuilles d'octobre
et nous regarderions une banane aider la dernière
pastèque en retard à franchir ces hautes portes. »

3.
A la fin des années 70, dans les collèges et les lycées, nos professeurs regardaient avec le grand mépris très inculte dont ils étaient capables le film « Grease » ainsi que la plupart des films de divertissement américains. Les romans de Stephen King étaient très mal vus eux aussi, et l'on parlait sans rire d'impérialisme culturel et d'abrutissement des masses. Cinquante ans plus tard, « Grease » n'est certes pas considéré comme un chef d’œuvre, mais comme un film bien ficelé et agréable à regarder. Quant à Stephen King, certains de ses textes sont en passe de devenir des classiques.

4.
Ce qui sans doute fascine les lecteurs de Stephen King, c'est la variété de ses atmosphères. Il semble que l'auteur tente d'épuiser tous les thèmes de l'épouvante : des plus classiques (pouvoirs psychiques inconnus, objets, gens, animaux hantés, miroir maudit, malédictions et possessions diverses et avariées...) aux plus baroques et repoussants. Une nouvelle comme « Le goût de vivre » permet de comprendre pourquoi certains lecteurs reculent, et que d'autres se détournent de cet univers si violent pour n'y plus revenir, à la prose qui perturbe (« Ah ! Ah ! Ah ! » dit le narrateur).

5.
Henri James traduit par Jean Pavans, « Le Tour d'écrou » (Librio n°200) : Chef d’œuvre de la littérature de hantise et d’ambiguïté. Le lecteur face aux étrangetés narratives précises et fascinantes. La narratrice est-elle folle ? Ces spectres sont-ils réels, aux frontières du réel et de l'être ? Flora et Miles mentent-ils à leur préceptrice ? De quoi parle exactement Mrs Grose quand elle évoque les « horreurs » échappées de la bouche de la petite Flora ? Et évidemment que l'on pense à des abus de toutes sortes, y compris sexuels – et si la narratrice mentait ? Jusqu'à quel point les enfants peuvent-ils savoir ? A se fasciner par ce huis-clos hanté aux apparitions de plus en plus rapprochées, jusqu'à l'inéluctable que permet la langue.

Citation :

« Mais rien d'autre n'avait changé dans la nature, à moins bien sûr que l'étrange intensification de mon regard n'ait été un changement. L'or était toujours dans le ciel, la limpidité dans l'air, et l'homme qui me regardait du haut des remparts était aussi net qu'un tableau dans son cadre. » (chapitre III [la narratrice])

 

Patrice Houzeau
Malo, le 18 mai 2023.

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15 mai 2023

DERRIERE CERTAINES PORTES

DERRIERE CERTAINES PORTES

1.
Pierre Schoendoerffer, « Le Crabe-tambour », (Grasset, 1976).
Schoendoerffer parle de la vie militaire (ici, la marine), mais c'est surtout des heurs et des malheurs des hommes dont parle ce roman. Progrès de la maladie, affaires d'honneur, légendes et alcool (le « gwin ru » qui revient sans cesse dans les histoires de l'officier des pêches), le portrait d'un absent, le capitaine Willsdorff, rebelle dans l'âme, - un « Fou la Tête » lui aussi ? - ses chats, les souvenirs de l'Indochine et de l'Algérie, figures de disparus, de surgis du passé, de moribonds, la dernière rencontre entre celui que le narrateur appelle « le commandant » (c'est son grade) et un revenant, bien vivant encore (et certains disent que c'est un miracle). Le film est beau ; le roman tout autant.

Citation :
« Willsdorff l'a regardé fixement : « Pourquoi croyez-vous que j'aie fait fait ce que j'ai fait ? lui a-t-il dit, pour m'amuser ? » Je vous promets qu'il ne riait pas. Comme l'autre insistait, Willsdorff s'est levé. « Imbécile », a-t-il dit encore et il est sorti. Je ne l'ai plus jamais revu. »
(chapitre XXIII [le nouveau commandant au narrateur])

2.
René Char, « L'instituteur révoqué » in « Le Marteau sans maître » (Poésie/Gallimard). Évocation d'une conversation d'un groupe de trois « personnages » : le décor est « indifférent », les « échos » inconnus. Le narrateur évoque le « sang secret » et la « pierre catastrophique ». Le poème date de 1931 ; il aurait pu être daté de 1945. Prémonition ? « Je ne vous laisse rien à penser » est la dernière phrase du fragment.

Les gens échangent des phrases banales. Derrière ce rideau de syllabes, des enjeux qu'ignore la machine.

3.
Jean-Patrick Manchette, « La Position du tireur couché », Carré noir n°562. Roman noir à froid. C'est qu'on y refroidit beaucoup. Glaçant, fascinant, humain. Prose objective, behavioriste, pas de psychologisme, les faits, le réel, celui qui assassine. Tentative de portrait d'un tueur à gages en proie à un réel masqué.

Citation :
« Je n'ai jamais vu des êtres pareils, observa-t-elle. Mais tu es comme eux ? Ou bien non ? (Soudain sa voix et son regard étaient redevenus incertains.) »
(chapitre 12, [Anne à Terrier])

4.
Stephen King traduit par Michèle Pressé et Serge Quadruppani,« Mémé », in « Brume (La Faucheuse) », J'ai Lu n°2579. Horreur domestique, puisque l'on sait que derrière certaines portes... Pas pour rien que le recueil s'appelle « La Faucheuse ». Aussi de ce qui se passe dans les têtes qu'elle cause, la prose d'épouvante de Stephen King, aussi des livres cachés, des enfants qui naissent quand même, de sorcellerie, du môme George et de la vieille femme qui va mourir, qui meurt, et...

Citation :
« George demanda à sa mère pourquoi et elle répondit :
« Je crois que la possession de ces livres était devenue aussi importante pour elle que d'avoir des enfants. »

Le lecteur notera que ce n'est pas parce que l'on a un polichinelle dans le tiroir que l'on ne peut pas avoir un cadavre dans le placard.

5.
Stephen King, « Sables », in « Brume (La Faucheuse) », Nouvelle de science-fiction. Dévoration. C'est que les sables bouffent tout. Les sables du temps aussi – tout est « plein de sable », tout est « atteint de la fièvre des Beach Boys ». J’extrapole le Shapiro. Reviennent d'anciennes images et des noms d'il y a des lunes. A noter, cet art de la parenthèse en italiques qui rend compte de la pensée soudaine du personnage :

« A ce moment même, il vit un délicat ruisselet de sable glisser le long du flanc de l'une d'entre elles [des dunes]. Comme si elle avait entendu.
(entendu ce que je pensais). »

Patrice Houzeau
Malo, le 15 mai 2023.

11 mai 2023

S'AGIT DE RETROUVER UN RYTHME

S'AGIT DE RETROUVER UN RYTHME

1.
Robert-Louis Stevenson, « L'île au trésor » traduit par Déodat Serval (1885). L'enfant et la violence. Romanesque ici. Je me demande comment Stevenson s'y prend pour, en ce début désespérant de 21ème siècle, nous intéresser encore à une histoire de marins, de pirates et de chasse au trésor. Archétype ? Efficacité d'un style à la fois fluide et dépaysant (termes de marine, dialogues nourris d'expressions imagées,...) ? Intelligence de la construction narrative ? Nostalgie des stéréotypes (ah ça, Long John Silver, sa béquille et son perroquet sur l'épaule, quelle trouvaille!) ? complexité des personnages ? Je ne sais pas, mais sur moi, en tout cas, cette histoire pleine de bateaux, de combats, de blessés, de morts, d'honneur et de trahisons, fonctionne et continue à me plaire.

Citation :
« - Jim, dit-il enfin, tu as vu ce marin de tantôt ?
- Chien-Noir ?
- Oui ! Chien-Noir !... C'en est un mauvais, mais ceux qui l'ont envoyé sont pires. Voilà. Si je ne parviens pas à m'en aller, et qu'ils me flanquent la tache noire, rappelle-toi qu'ils en veulent à mon vieux coffre de mer. »
(Stevenson, « L'île au trésor », chapitre III [Billy Bones])

Et bien sûr, le fameux bout d'chanson qui revient :

« Nous étions quinze sur le coffre du mort !...
Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !
La boisson et le diable ont expédié les autres,
Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum ! »

L'original dit :

« Fifteen men on the dead man's chest -
Yo-ho-ho and a bottle of rum !
Drink and the devil had done for the rest -
Yo-ho-ho and a bottle of rum ! »

2.
Frank Le Gall : « La Maison dans l’île » (1994, Dupuis). Bande dessinée. Récit onirique. La ligne claire est propice à l'évocation du rêve qui se présente d'abord sous forme d'énigmes. L'enchaînement des réflexions du personnage principal (Tintin dans « L’Étoile mystérieuse », Théodore Poussin dans « La Maison dans l'île ») donne une apparence de logique à cette suite d'étrangetés. Tout est dans l'atmosphère. J'apprécie l'univers des aventures de Théodore Poussin : Mystère, action, tout ça très fluide et lisible. La mouette est amusante.

3.
James Cain, « Le Facteur sonne toujours deux fois », traduit par Sabine Berritz. (Le Livre de Poche). Roman noir. Efficace. L'itinéraire d'un loser du type vagabond dangereux raconté à la première personne. Rédemption impossible. Aussi bref que coup-de-poing. Il est aussi question de chameau, de chat et de puma.

« - Encore une fois, écoute-moi bien. Ce que je veux, c'est partir. Je veux m'en aller loin d'ici. Je ne veux plus voir, à chaque instant, l'ombre de ce sacré Grec qui me saute dessus, j'entends l'écho de sa voix dans mes rêves et je tressaille chaque fois qu'à la T.S.F. j'entends une guitare. Il faut que je parte, comprends-tu ? Je veux partir, sinon je deviens timbré. »
(chapitre XIII [le narrateur])

4.
André Hardellet, « Poème », in « La Cité Montgol » (Poésie/Gallimard n°324). Le poème se relit comme on réécoute une musique. S'agit de retrouver un rythme, une image, le parfum d'une fille en noir, l'énigme de la chambre perdue...

Quelques phrases constituent ce « Poème » de André Hardellet, associations rêveuses (Rimbaud en eut de fameuses).

« Le mystère – c'est la voix étouffée des ramoneurs derrière les murs et le parcours de la Grange-Batelière sous l'Opéra. »

Je causais tantôt de L'île au trésor, roman d'initiation (si l'on veut) ; celle-ci amuse :
« L'Île-au-Trésor – c'est la touffe de parfums entre tes cuisses – salées. »

Et bien sûr, l'ironie légère :

« La plus belle récompense de l'homme – c'est encore son sommeil.

Et le mien tarde bien à venir. »

Patrice Houzeau
Malo, le 11 mai 2023.

9 mai 2023

LES MOTS EMBELLISSENT (C'est où ?)

LES MOTS EMBELLISSENT (C'est où?)

1.
Agatha Christie, « La Maison du péril » (Club des masques n°152, traduit par Louis Postif). Ce « Peril at End House » de 1932 est un de mes Agatha Christie préférés, pour la personnalité de Nick Buckley, qui, - j'étais alors adolescent niais -, me parut si délicieusement moderne et attrayante. Il est question d'attachement à une vieille maison, d'aviateur disparu, de châle fatal, d'un testament introuvable, de l'ironie d'une boîte de chocolats et de son double, d'une séance de spiritisme. L'épisode de la série « Les Petits Meurtres d'Agatha Christie » qui en fut tiré (avec Antoine Duléry et Marius Colucci) est pas mal lui aussi, mais en nettement moins machiavélique.

Citation :
«  - Poirot ! m'écriai-je, j'ai réfléchi.
- Félicitations, mon cher ; c'est un excellent exercice, je ne saurais trop vous engager à continuer. »
(« La Maison du péril », début du chapitre II [Hastings])

2.
Jacques Martin, « Le Dieu sauvage » (Alix, #9, 1970). Bande dessinée, Un bon album de péplum. Où l'on comprend que le dieu en soi n'a rien de surnaturel et que c'est l'image qu'on en donne qui fait la force des croyances. Atmosphère à mystère donc à cause de la statue de « l'étrange idole » qui, page 18 (édition Casterman) « fait son entrée dans le temple ». Page 14, Alix la trouve « insolite », cette statue, au « corps fait d'un alliage » qu'il ne connaît pas et qui, page 26, s'illumine d'une « étrange lueur ». Il est question aussi de miracles, de mauvais augure, d'une tempête de sable, de la résistance des Cyrénéens à la colonisation romaine, de tragédie, de la mort d'une reine, de la ruine d'une cité, et d'un « sourire indéfinissable ».

3.
Bien joli, ce récit du « Madame Chrysanthème » de Pierre Loti (1888). Joli et d'une singulière profondeur. Chapitres très brefs (de deux à six pages), poème en prose ; journalisme d'art ; beaucoup d'humour et de mélancolie. Ce livre autobiographique (sur Wikipédia, à la notice « Madame Chrysanthème », on trouve une photo qu'ayant lu le livre, on peut trouver émouvante) se situe au Japon. Mariage arrangé et provisoire (le temps du séjour de l'officier français à Nagasaki). Multitude de détails sur la vie quotidienne des Japonais de la fin du 19ème siècle vue par un Français.

« Ici, au contraire, les mots, justes cependant, sont trop grands, trop vibrants toujours : les mots embellissent. Je me fais l'effet de jouer pour moi-même quelque comédie bien piètre, bien banale, et, quand, j'essaie de prendre au sérieux mon ménage, je vois se dresser en dérision devant moi la figure de M. Kangourou, agent matrimonial, à qui je dois mon bonheur. »
(Pierre Loti, « Madame Chrysanthème », chapitre VIII)

Autre citation :
« On vend aussi toute sorte d'instruments de musique ; beaucoup de ces trompettes en cristal dont le son est si étrange, mais d'énormes, ce soir : deux mètres de long pour le moins : le bruit qu'elles font ne ressemble plus à rien de connu ; on croirait entendre au milieu de la foule des dindons gigantesques, gloussant pour faire peur. »
(Pierre Loti, « Madame Chrysanthème », chapitre XXXIV)

4.
Apollinaire, « Clotilde », in « Alcools ». Pour sa brièveté, trois quatrains en vers de 7 syllabes, et parce qu'il évoque la mélancolie, « entre l'amour et le dédain », du marcheur amoureux, du marcheur, du marcheur, du passant, j'aime bien le « Clotilde » d'Apollinaire.

« L'anémone et l'ancolie
Ont poussé dans le jardin
Où dort la mélancolie
Entre l'amour et le dédain »

J'aime aussi cette notation de rien, le passage de nos ombres qui ne tiennent qu'au soleil, et qui, comme lui, sont vouées à disparaître.

« Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaîtra »

Cette image aussi : cheveux des nymphes... font des lignes... ce sont les « eaux vives » tandis que siffle à la rime le son « v ».

« Les déités des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux ».

Patrice Houzeau
Malo, le 9 mai 2023.

7 mai 2023

POUR MOI UN MYSTERE EN SOI

POUR MOI UN MYSTERE EN SOI

1.
Hervé Le Tellier, « L’Anomalie » (Gallimard, 2020). Littéraire qu’au début, je me suis dit : c’est quoi, ces nouvelles avortées aux airs de travail appliqué d’auteur consciencieux, et puis, au milieu du roman, « l’Anomalie » vous rattrape. Et c’est marrant et vite intéressant (le chapitre des hypothèses et celui des réactions religieuses sont remarquables). Il est question de faille spatio-temporelle, de double et de beaucoup de koikis’passe là. « L'Anomalie » de Hervé Le Tellier, à mon sens, est déjà un classique, de la SF, de la littérature, de l'intelligence. Foisonnant, impressionnant, lucide.

Citation : 
« - Aspirant Wayne, votre mission consiste à capturer ce fauve, sans le blesser...
Le grand blond ouvre la chemise et de larges yeux étonnés.
- Mais... c'est une grenouille ?
- C'est un crapaud. Il s'appelle Betty, comme tout le monde. Ramenez-le-nous dans son vivarium. »
(Hervé Le Tellier, « L’Anomalie », p.236)

2.
Je ne sais pas si « Me semble que c’est facile » de Lisa Leblanc est la plus belle chanson d’amour de je ne sais où des quatre coins, mais me semble que c’est facile une très honnête et émouvante.

Citation :
« J’aime ben la personne que chu
Quand j’suis avec toi
Pi j’aime ben la personne que t’es
Quand t’es avec moi. »
Rangez vos orchestres, suffit d’une guitare.

3.
Simenon, « Les Scrupules de Maigret ». Un huis-clos de 1957. Il y est question de neurasthénie, de femmes, d'amants, de poison, de revolver, de petits trains électriques. Efficace. Bref. Professionnel.

« Ce qu'il avait à faire, cette fois, c'était, non pas reconstituer les faits et gestes d'un être humain, mais prévoir son comportement, ce qui était autrement difficile. »
(Simenon, « Les Scrupules de Maigret », chapitre VI)

4.
Philippe Sollers, « Légende » (folio n°7053) : Brillant carnet de notes. Vif, court (et c’est appréciable). Des considérations sur la pensée chinoise (personnellement, je m'en fous), sur l'alchimie (Breton, et aussi le fameux « Mystère des cathédrales », jadis évoqué par Pauwels et Bergier dans « Le Matin des magiciens »), Hugo (de belles pages), Rimbaud, les femmes, l'avenir du monde, la peinture, Mozart, l'Histoire, les changements sociétaux, d'autres choses encore et des indiscrétions, tout ça non sans élégance, ironie, provocation. Pas mal de citations. Je ne sais pas si elles sont exactes. Peu importe : personne ne demande à un livre de Sollers de dire la vérité.

Citation : « Et, d'ailleurs que faisait Rimbaud en Italie, à Milan, chez cette veuve charmante (« vedova ») qui a eu la gentillesse de l'accueillir, et à qui il enverra un exemplaire d'Une Saison en enfer ? »
(Philippe Sollers, « Légende », p.95)

Réponse du chroniqueur (ma servitude) : Chaipas, - des escalopes ?

Note : Ai cru percevoir quelque ironie à propos des étranges coups dans les murs que Victor Hugo prétend avoir parfois entendus. Sollers a tort : ces coups inexpliqués dans les murs, ces pas sans personne dans le couloir, sans personne dans les escaliers, ces petites anomalies du réel, je les ai connues aussi.

5.
La Neuvième Symphonie de Beethoven, épaté je suis chaque fois que je l'entends. Incomparable. Les musicologues expliquent sans doute de quoi est fait le génie de cette œuvre qui me semble échapper à toute classification. J'en suis, étant très poutre en tout, parfaitement incapable. Et peu m'importe. Cette œuvre prodigieuse est pour moi un mystère en soi.

Patrice Houzeau
Malo, le 7 mai 2023.

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6 mai 2023

HURRAH !... ET LE FOSSÉ DERRIERE...

HURRAH !... ET LE FOSSÉ DERRIERE...

(Notes de lecture)

1.
Ira Levin : « Les Femmes de Stepford » (J'ai Lu SF, 1993, illustration de Caza, traduction : Tanette Prigent et Noman Gritz). Science-fiction proche de nos actualités. Roman féministe ? Pose le problème de la distinction entre robot et humain. Roman court (c'est appréciable).

2.
André Breton : « Arcane 17 » (10/18, 1975). Prose très travaillée, poétique, parfois aux limites de la préciosité et de l'emphase. Entre autres considérations, pose le problème de l'enseignement de l'Histoire et du roman national (par exemple, ce qu'on conta aux écoliers de Robespierre et de Louis XVI, aussi de Napoléon). Évoque les querelles concernant, - l'auteur ne s'étant pas encore fait connaître -, le statut du « Silence de la mer », de Vercors : propagande allemande ou chef d’œuvre de littérature résistante ? Ailleurs, Breton alambique sur la présence de la tradition occultiste chez certains auteurs (il y tenait, Breton, apparemment, aux sources ésotériques de l’œuvre de Rimbaud) et aussi d'étranges « incidents » que Breton présente comme authentiques. Surréalisme et merveilleux.

3.
J. Oriano, « B comme Baptiste » (1981, réédition en « Carré noir » d'un « Série noire » de 1971). Polar. Style imagé avec verve et gouaille, façon Frédéric Dard, Michel Audiard, Léo Malet. La France de la fin des années 60. Amusant. Ironique. Réaliste. J'aime bien, pour le style et l'intrigue type « coup monté » avec chantage, jolie fille, pigeons. Le narrateur patauge dans le bizarre, et le brouillard ne se lève pas tout de suite.

Citation : « D'habitude on n'ouvrait pas à cause du bruit, mais ça m'était égal, cette nuit. Je me relevai et poussai fenêtres, volets et tout. La lune cavala dans la chambre, toute blanche, comme en chemise. »
(J. Oriano, « B comme Baptiste », chapitre X [le narrateur])

4.
Khalil Gibran, « Le Prophète » (Pocket, traduit par Didier Sénécal). Texte bref du genre à avoir dans ses affaires si l'on aime la poésie à visée philosophique. Suite de préceptes qui rappellent quant à la forme « Ainsi parlait Zarathoustra », en moins hermétique. Peut agacer ; peut fasciner. Intéressant.

5.
Michel Audiard, « La nuit, le jour et toutes les autres nuits » (Denoël, 1978). Célinien. A garder et relire. Un genre d'ironie vacharde et mélancolique, parfois très amère, parfois émouvante, et que l'on ne publierait sans doute plus aujourd'hui, (c'est qu'il est revenant, le temps des hypocrisies). Roman ça se dit, mais se pourrait que le narrateur en dise beaucoup sur l'auteur. Peut mettre mal à l'aise à cause des évocations de la Libération. A dû choquer lors de sa publication.

Aux pages 154-155, Audiard évoque la maison de Céline : « Rien qu'une bicoque sans passé, ni avenir, construite sur l'autre, la maudite, celle partie en fumée avec les manuscrits, les lettres, toute la paperasse et les pinces à linge. Une gentille apocalypse tout à fait conforme au répertoire. »

6.
Tristan Corbière, « A ma jument Souris » (in « Les Amours jaunes »). La poésie, c'est le style, et le contenu n'est que prétexte à virtuosité. J'aime les petites pièces des poètes dits « mineurs » (Corbière, Laforgue, Fourest,...) qui ne prétendent pas au De rerum natura, mais qui vous retiennent la cafetière à l'ironie. « A ma jument Souris » est de ces petits bijoux... mêle les images de l'amante et de la jument... Choquant ? Bah oui, pour ceux qui prennent la littérature pour un réservoir d'idées à préparer des révolutions qui commencent toujours par des coups d'éclat pour finir par des cous coupés... J'en apprécie l'autodérision du premier quatrain :

« Pas d'éperon ni de cravache,
N'est-ce pas, Maîtresse à poil gris...
C'est bon à pousser une vache,
Pas une petite Souris. »

Pré-surréaliste aussi, si l'on considère :

« J'agace, du bout de ma botte,
Ta patte d'acier fin qui trotte.
Va : je ne suis pas cavalier... »

Cette « jument à poil gris » et « patte d'acier fin » me laisse songeur...

J'aime aussi ce « Hurrah ! » qui ponctue les deux derniers quatrains, car j'aime le swing et la clameur du virtuose à son métier... Et l'usage des trois petits points... Pré-célinien, tu crois ?

« Hurrah ! c'est à nous la barrière !
Je suis emballé : tu me tiens -
Hurrah !... et le fossé derrière...
Et la culbute !... - Femme, tiens !! »
(Tristan Corbière, « A ma jument Souris »)

Patrice Houzeau
Malo, le 6 mai 2023.

18 février 2023

ON CROIT QUE CE SONT DES COÏNCIDENCES

ON CROIT QUE CE SONT DES COÏNCIDENCES

1.
« - D'abord, piaillait Mme Papillon, tu ne peux pas avoir mal à la tête, puisqu'il n'y a rien dedans. »
(Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 6 [Mme Papillon à M. Papillon])

Très amusant chapitre 6 de la dernière partie du « Belphégor » de Bernède. « Les nuits et les ennuis du baron Papillon ». C'est que Eudoxie veut partir au Japon. Eudoxie veut mettre le plus de distance possible entre elle et le Fantôme. Donc, ses bagages, sa fortune, son mari sous le bras - et zou ! Conséquence : scène de ménage cocasse, dans le genre vaudeville :

«  - Hippolyte, tu me caches quelque chose !
Et, tout à coup, elle s'écria :
- Je devine tout... Tu as une maîtresse.
- Moi !
- Oui, toi !... Une créature qui te retient à Paris. »

Notons le coté désuet, voire ridicule, des prénoms des époux Papillon qui s'oppose à la modernité de « Jacques » et « Colette ». Bien entendu, cette scène a son importance dans l'économie du roman et voilà les Papillon dans leur auto « pour leur château de Courteuil ».

2.
« Le roi des détectives se précipita, mais il se heurta à la muraille qui s'était refermée. »
(Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 7)

Chapitre 7 (« Où Simone Desroches croit triompher... mais... »). Belphégor savoure sa victoire. Les écus du trésor en lingots, les écus, en lingots ! Où on apprend qui est Jack Teddy. Doit-on craindre encore Chantecoq ? C'est que Belphégor a fait enlever Colette. En attendant la suite, Belphégor se propose de « griller quelques cigarettes ». Arrive Colette, avec Jack Teddy qui n'est plus Jack Teddy. Badaboum patatras ! Tout s'écroule pour Belphégor. De l'utilité des passages secrets. « - Tu ne me tiens pas encore !... » (Elle n'ajouta pas Na ! mais le pensa très fort).

3.
« - J'ai vécu, en effet, un roman extraordinaire, déclarait le reporter. »
(Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 8)

Je ne vous dirai pas la fin du roman, ni l’expiation, ni l'épilogue, mais sachez que tout est bien qui finit bien, méchants punis, Jacques et Colette fiancés, et que Chantecoq est fier comme un coq, mais, comme il a le triomphe jovial, champagne et « bon sourire ».

Quant à Belphégor, moi ce que j'en pense, c'est qu'on le croit mort, mais le temps n'étant qu'une illusion, m'étonnerait pas qu'il surgisse une fois encore, le Belphégor, et même, compte tenu de l'hypothèse des univers parallèles, une infinité de fois, avec des noms et des masques différents sans doute, mais tout de même, vous verrez, il reviendra.

Laissons le dernier mot à un personnage du « Belphégor » de Claude Barma : « On croit que ce sont des coïncidences... ce n'en est pas... voilà tout. »

Patrice Houzeau
Malo, le 18 février 2023.

17 février 2023

CHORUS VOLTIGES A DEUX BALLES BANANE

CHORUS VOLTIGES A DEUX BALLES BANANE

1.
Le narrateur Suelien note que le toucan est ainsi nommé « parce qu'il est un oiseau bruyant ». Exact. Et il en est de même pour le tohu-bohu bigarré (appelé aussi tohu-bohu des péninsules démarrées) et aussi de l’hurluberlu hurleur (appelé aussi hurluberlu potchük).

2.
Souvent, pour m'amuser, je feuillette Baudelaire,
Pour y trouver – les Fleurs du mal -, des trésors ;
S'amuser avec, quelle drôle d'idée Baudelaire,
Les vers à Baudelaire ont souvent ce goût bizarre et fort,
Hommes, que vous cherchez dans des ailleurs
D'équipage, ce goût de parfum qui revient et qui plaît à mon cœur.

3.
« Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue »
(Baudelaire, « Brumes et pluies »)

Dans cette grande plaine,
Cette grande plaine – j'la vois pas, j'suis en ville -,
Grande grande à couvrir des milles et des milles,
Plaine ô plaine et pourquoi donc que j'écris Plaine ô plaine ?
Où je suis, c'est bar-tabac commerces casino, mais il y a la mer ;
L'autan, qu'on dit « vent du diable », ici, - c'est le Nord -, ne s'y perd ;
Froid cet autan là, écrit Baudelaire, d'cet autan, qu'en faire ?
Se dire « Plaine ô plaine » et puis quoi, c'est rien du tout, je
Joue, voyez-vous, je joue, je.

4.
Lu « Les Cavaliers de la pyramide », de Serge Brussolo (2004). Du très bon roman d'aventures antiques. L'adolescente aveugle qui déchiffre et qui entend. L'ogresse géante, l'héroïne de l'histoire - terrible maîtresse ! Ankhnoût, « servante de la nuit et magicienne ». Les pièges de la pyramide engloutie. Bêtes féroces et prêtres fanatiques. D'instructives notes de bas de page. Des petits bonheurs d'écriture. Je garde et relirai.

« Comme l'indiquait l'obélisque il fallait gagner la montagne de l'Homme triste. C'était là que commencerait la chasse aux cris d’oiseaux. »
(Serge Brussolo, « Les Cavaliers de la pyramide »)

5.
Ai commencé la lecture de « Armaggedon Rag », de George R. R. Martin, traduit par Jean Bonnefoy (« La Découverte Fictions », 1985). Le pavé à 400 pages. Heureusement que je sais ce que c'est qu'un roman de genre, donc je saute des trucs. Pour l'instant, elle me plaît, cette histoire qui commence façon roman policier (l'impresario d'un groupe de rock retrouvé assassiné pis sans cœur, un bar qui flambe, un écrivain enquêteur mélancolique,...) sur fond de nostalgie, de contre-culture et pop/rock américaine de la fin des années 60. Très « il y a un film à faire » là, et le défi de rendre compte de l'intensité d'une musique par des mots (ah les critiques de disques des « Best » et « Rock & Folk » des années 70!).

Citation :
« Il y avait cinq albums, classés entre les Mothers of Invention et les News Riders of the Purple Sage. Les pochettes lui étaient aussi familières que les traits d'un vieil ami, tout autant que les titres. »
(George R. R. Martin, « Armageddon Rag »)

6.
Si ! C'est cité ! Ne sois donc point aveugle !

7.
Comme c'est bas, Lise... N'as-tu donc plus aucune borne ?

8.
Tiens, bois, car à bistouille, bistouille et demi (pression, s'il vous plaît!).

9.
Là, je n'ai plus de mots. Râle que je. Oui. C'est que ça vous en fiche un coup.

10.
Ce roman est si mauvais que c'en est à – pouh ! -, hu ! Lu... laid !

11.
« C'était une nuit où une chouette aurait pu hululer. »
(Haruki Murakami, « 1Q84 », Livre 3)

C'était hier Je m'en souviens, puisque je n'étais pas là.
« Une Banane dans l'oreille », c'est pas un titre de la série des San-Antonio ?
Nuit, - grave ! Je n'ai pas vu le temps
Où ai-je mis mon rhinocéros ?, demande la pièce si vide soudain, sans conjecture aucune.
« Une Banane dans l'oreille » est bien un titre de la série des San-Antonio ; c'est même le 94ème, et il date de 1977.
Chouette j'ai du café du sucre (en poudre) du tabac à rouler du beurre (demi-sel) de la farine du râpé des œufs des oranges du pain des tas de bouquins la radio un toit la mer et quelques fantômes.
Aurait-il écouté s'il n'avait pas eu une banane dans l'oreille ? Il aurait
Pu mais il n'a pas voulu il préfère écouter dans sa tête la chouette
Hululer pour l'ambiance tandis qu'il ouvre avec gourmandise « Malpertuis », de Jean Ray.

12.
Au tel
A l'hôtel
Miss x
Fait du x

Au tel
A l'hotel
Miss x dit que ça la broute
De faire du x pour gagner sa croûte

Elle préférerait faire du vélo
Aller au zoo manger des gâteaux
Avoir les bons numéros du loto

Plutôt que d'allumer le pigeon
Mais comme elle a besoin de ronds
Au tel à l'hôtel Miss x fait du x et évoque son con.

Patrice Houzeau
Malo, le 17 février 2023.

15 février 2023

ON EÛT DIT DEJA UNE AUTRE FEMME

ON EÛT DIT DEJA UNE AUTRE FEMME

« Hypnotisé par cette femme extraordinaire qui incarnait vraiment le génie du mal, de plus en plus dominé par sa beauté et plus encore par son charme infernal, il la contempla d'un œil ardent de convoitise. »
(Arthur Bernède. « Belphégor ». IV, 5.)

« Belphégor », c'est le titre du chapitre 5 (partie IV) du roman au titre de la même ombre qu'Arthur Bernède composa. Un regard dans la glace et « on eût dit déjà une autre femme ». Ce sont les deux aviateurs du chapitre précédent. Résurrection de Simone. La vérité sur Maurice. Mais rien sur Robert.

Tiens, qui est donc ce « petit Jack Teddy, qui s'est merveilleusement débrouillé » ? Aurais-je loupé quelque chose ? Est-ce une nouvelle manœuvre de Belphégor pour m'empêcher de comprendre l'histoire ?

Les motivations de Simone. La peur de se retrouver sans rien. L'argent mène le monde (le reste, des affectivités masquantes, minaudes, midinetteries, passe-temps social). Les corps mènent le monde. Faut des sous pour nourrir, vêtir, abriter, réchauffer les corps épicétou.

La bagatelle à répétition répugne Simone. C'est une intello, Simone, elle s'intéresse aux grimoires, à l'Histoire (avec une grande trompe), au « trésor des Valois », tout ça.

Où on comprend pourquoi Le Louvre, pourquoi Belphégor, et, si on y réfléchit, pourquoi est-ce ainsi que les hommes vivent, bien qu'il ne soit pas nécessaire de lire le « Belphégor » de Bernède pour comprendre que tout soleil est voué à être révolu.

Ah tiens, le vil bossu est le frère d'Elsa Bergen. Simone, son cœur battit « un peu plus fort que de coutume ». Elle n'est pas seulement une cérébrale, Simone, elle est aussi une aventurière. Il lui faut de l'adrénaline, à cette femme-là. C'est bien pour ça que Bernède l'a choisie et l'a mise dans son roman. Inadéquate, la Bécassine ; la Thérèse Desqueyroux itou.

Simone, elle est tellement Simone, fantôme, exploratrice, aviatrice, comédienne, intrigante, assassine, qu'elle aurait pu faire Irma Vep dans une autre vie parallèle.

Ah tiens, je ne me souviens pas de ce que Simone a pu faire de ce « casse-tête ». « Vous avez vu que je n'ai pas hésité à en faire usage... », dit-elle, « avec un accent diabolique ». Alors Belphégor chuta, - un bruit de tous les diables. Elle dit tout Simone, même qu'elle faillit estourbir Jacques Bellegarde, qui était pourtant son amant. Elle est terrible, cette femme-là.

Si Simone n'avait pas emprunté la « porte secrète », elle aurait été rattrapée par Chantecoq. Il faut toujours une porte secrète dans un roman d'aventures. Toujours. Et dans les livres de philosophie aussi. Comme ça on ne vous retrouve pas, et vous pouvez continuer à philosopher sans craindre qu'un autre bipède casse-pied vienne vous chercher des rhinocéros dans la pièce.

Simone fume. Orientale, la cigarette. Comme dans les aventures de Bob Morane, dont l'auteur fut multiple, m'a-t-on dit, Henri Vernes jouant l'écrivain qui sait, m'a-t-on dit, plein d'écrivains fantômes, la collection Bob Morane... J'aimais bien ça, môme, les Bob Morane, après ce fut Agatha Christie, puis San-Antonio et Simenon. J'ai toujours préféré les écrivains professionnels aux soi-disant « génies » dont France Inter et France Culture nous font la réclame et qui scribent des bouquins ennuyeux souvent, et prétentieux la plupart du temps, comme une visite d'inspecteur d'académie.

Fière d'elle-même, Simone la fantômette, se compare aux « plus grandes criminelles des temps passés et modernes », la Simone, manque pas de souffle... Qui elle aime, qui elle déteste. « Vivre sa vie... ». Bon, faut pas qu'elle s'illusionne, la Simone, elle n'est rien qu'un personnage de roman, alors les « paysages de songe », les « décors formidables », ça, c'est cinoche et téloche qui font ça. Vous n'êtes pas Louise Bourgoin dans « Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec », ni Diana Rigg dans le rôle d'Emma Peel, et vous ne tiendrez même pas votre propre rôle dans le « Belphégor ou Le Fantôme du Louvre », de Claude Barma, vous faisant donc belphégorer (grouik grouik) par la formidable Juliette Gréco.

Bon, c'est pas tout ça, mais « le temps presse », dit le bossu. Va donc falloir passer au chapitre suivant.

Patrice Houzeau
Malo, le 15 février 2023.

8 février 2023

CAR ÇA SE PRECIPITE SAVEZ

CAR ÇA SE PRECIPITE SAVEZ

1.
« - Chut ! chut ! mademoiselle, répliqua aussitôt la cuisinière.
Et, d'un air à la fois inquiet et mystérieux, elle ajouta :
- Le petit fouinard est là. »
(Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 3 [Marie-jeanne])

Arthur Bernède. « Belphégor ». IV, 3. « Le petit fouinard ». Colette à la machine. Une « figure de catastrophe ». Que se passe-t-il ? Les Martiens ont-ils débarqué ? Le petit chat est-il mort ? Le Grand Soir est-il arrivé ? « -Qu'y a-t-il, Marie-Jeanne ? ».

« Le petit fouinard est là. » Ménardier veut parler à Colette du « gibier » qu'il traque. Le « gibier », c'est Bellegarde, parce que Ménardier n'est pas venu arrêter Landru, qui fut arrêté le 12 avril 1919, et pas par Ménardier, qui n'arrêta pas non plus Arsène Lupin

On ne sait pas ce que Ménardier se chantait dans sa tête, ni même si. Pendant ce temps-là, cheveux, barbes et fleurs poussaient pour la plus grande joie des coiffeurs, des barbiers et des jardiniers ; Charles Trenet avait quatorze ans.

Ménardier attend Chantecoq. Martine attend le train. Prosper attend sa bonne amie. La cruche attend va la cruche à l'eau que la peinture à l'huile c'est bien plus beau que la peinture à l'eau. Colette retourne à la machine.

Chantecoq revient avec Cantarelli (Jacques déguisé) qui reste dans le jardin tandis que le « roi des détectives », de périphrase à périphrase, salue « le petit fouinard ». « Cherchez ». Chantecoq joue sur les mots : « je vous donne ma parole d'honneur que Jacques Bellegarde n'est pas sous mon toit. » Pardi !

Jacques se croit sauvé mais Belphégor a vendu la mèche, a balancé, a mouchardé poucavé renseigné par un petit billet le policier. Cantarelli est arrêté. Scandale en Numismatie !

2.
« Chantecoq venait en effet d'apercevoir, suspendu à l'intérieur du meuble, un mannequin de cire qui reproduisait, à s'y méprendre, les traits de Simone Desroches. »
(Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 4).

Arthur Bernède. « Belphégor ». IV, 4. « Où Chantecoq frappe un grand coup ». « A Auteuil », chez la défunte Simone Desroches, dont le corps a été volé par Belphégor. « Douloureuses pensées » (donc, ni Mme Mauroy, ni Elsa Bergen ne se chantonnent « La Petite Tonkinoise » (1906, paroles de Henri Christiné, musique de Vincent Scotto).

Agitation à Auteuil. La nouvelle de l'arrestation de Jacques Bellegarde fait bouger tous ces gens. On évoque la guillotine. Deux mots désuets : « landaulet » (on dit aussi « landaulette ») désigne un type de carrosserie où les passagers arrière sont couverts par un toit décapotable.
Citation : « Une heure après un élégant landaulet stoppait devant la grille du palais de Justice. » (Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 4).

« cipal » : aphérèse de « municipal » ou de « principal ».
Citation : « M. de Thouars griffonna quelques mots sur sa carte, qu'il remit au « cipal » qui montait la garde à la porte du juge. » (Arthur Bernède, « Belphégor », IV, 4).

Le palais de Justice : Maurice de Thouars et Mme Mauroy attendent sur un banc. Des journalistes discutent de la destinée de leur confrère Jacques Bellegarde. « - Quel sale métier, mes enfants ! Quel sale métier. » Un ténor du barreau « pérore ». Il s'appelle Alban Troubarot, - quelle onomastique ! Alban, c'est du blanc comme neige, la vertu défendue ; le « barot » s'entend ; le « trou » itou.

« Elle n'est pas mal. » (considération de Maître Troubarot à la vue de Mme Mauroy). Arthur Bernède le gratine, le bavard, d'autant que Maître Troubarot proclame la culpabilité de Jacques.

« Le même soir vers vingt-trois heures », la modernité aérienne : un avion atterrit près du romantisme des « tours du château de Courteuil baignées par la clarté de la lune ». « casques de cuir », « masques ». On ne les reconnaît pas. Bernède nous dit juste que ce sont « un homme et une femme ». Lüchner, « caché », se décache. Où il est de nouveau question du trésor des Valois.

La lune porte « un lourd manteau de nuage ». Il doit faire froid. Et puis comme ça, on ne voit plus rien. Du coup, pas étonnant que Lüchner et ses deux inconnus « se perdirent dans la nuit ». Pas étonnant non plus « qu'au loin des chiens hurlaient lugubrement... à la mort... » Faut ce qu'il faut pour faire un roman d'un genre à ne pas y mettre un pied, surtout quand vient le soir, ami du criminel.

« A la même heure », car ça se précipite, dans son « suaire noir » des soirs de hantise et d'assassinat, « le Fantôme du Louvre, Belphégor en personne » est à l'affût dans le jardin de l'hôtel de Simone.

Ah oui quand même ! Donc, Elsa Bergen machine dans le « ressort secret ». Arrive Belphégor. Elsa croit que c'est Simone (ah tiens, la morte n'est pas morte), mais c'est pas Simone, c'est pas le Pape, c'est pas l'Inconnu du Nord-Express, c'est pas l'plombier, c'est... c'est... c'est... devinez !

Toujours est-il que se croyant prise, Elsa fait semblant de, ce qui lui permet de, - tchac, un coup de « stylet à lame courte » dedans le faux Belphégor tandis que se pointent Pandore et Vidocq, les toutous de garde, des pas marrants, sinon Elsa pourrait s'enfuir et ça, faut pas.

Elsa est aussi coincée qu'un doigt là où il ne devrait pas se mettre. Va-t-elle « se mettre à table » ? Elle se tait. Et elle le dit, en plus, qu'elle se tait. Mais le lecteur se demande si défois, Belphégor ne serait pas Simone Desroches elle-même qui se serait enlevée elle-même, n'étant pas morte et étant douée pour l'auto-duplication.

Ce mystère est résolu à la page suivante. Je ne vous en dirai rien, puisqu'il s'agit d'un mystère, mais sachez qu'il y est question d'un mannequin.

Donc, Elsa Bergen est mise hors d'état de nuire. Nous savons maintenant qu'elle est une complice de Belphégor.

Pendant ce temps-là, chez Chantecoq, de nouveau se fait entendre cette question annonciatrice d’événements : « - Qu'y a-t-il, Marie-Jeanne ? ». Ensuite, Colette est enlevée à cause d'un « faux-vrai » message de Chantecoq, lequel est le père de Colette.

Patrice Houzeau
Malo, le 8 février 2023.

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