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BREFS ET AUTRES
10 avril 2024

NATURELLEMENT IL Y A AUSSI UN FANTÔME

NATURELLEMENT IL Y A AUSSI UN FANTÔME

 

1.

« Il prit, dans sa poche, le prix d'un calvados, disposa l’argent dans le tiroir, sursauta, comme pris en faute, en voyant une silhouette se profiler derrière la vitre. »

(Simenon, « Maigret et le corps sans tête »)

 

C'est parce qu'il est honnête que Maigret paye le verre de calvados qu'il se sert dans le café désert ; pourquoi dès lors « sursauta-t-il, comme pris en faute » ? Est-ce parce qu'il s'est servi un calva ? Est-ce parce que son geste pourrait prêter à confusion ? Et quelle est cette silhouette « derrière la vitre » ?

 

2.

Dans un article publié dans la livraison de novembre 1998 de la revue « Etvdes », et intitulé « La droite décomposée », René Rémond écrivait : « C'est une chose bien étrange que l’état présent de la droite en notre pays. » On voit en 2024 que cette étrangeté n'a fait qu’empirer. Il se pourrait même que la droite de notre pays soit en partie sous emprise d'un empire de l’étranger qui tente de se réveiller en Eurasie.

 

3.

« Car l'orgueil de posséder la vérité absolue représente le danger mortel pour la vérité au sein du monde. »

(Karl Jaspers traduit par Jeanne Hersch, « Introduction à la philosophie »)

 

Encore faudrait-il qu'il y ait une vérité absolue. La vérité est relative au langage humain. Le langage permet d'affirmer cette vérité universelle que 2 + 2 font 4, mais ceci n'a de sens que pour les consciences qui ont créé et utilisent le langage des mathématiques. La question est : peut-il exister une espèce utilisant un langage qui ne soit pas seulement un code, ou un ensemble de signaux, et pour laquelle l’expression 2 + 2 font 4 n'aurait pas de sens ? Autrement dit : le langage peut-il se passer des mathématiques ?

 

Du reste, comme le note la traduction, c'est « au sein du monde » que l'orgueil de la vérité absolue » est un « danger mortel », et non dans une universalité extra-humaine, dont ne sait ce qu'elle pourrait être. La question devient : le langage peut-il se passer des mathématiques et de l'orgueil d'être des êtres de langage ? Les petits hommes verts, s'ils possèdent assez de physique et de mathématiques pour venir dans leurs aéronefs cosmiques nous visiter seraient-ils fatalement orgueilleux ?

 

4.

« Ne parlez pas : c'est ici

Qu’on égorge le soleil.

Douze bouchers sont en ligne,

Douze coutelas pareils. »

(Jules Supervielle, « Le voyage difficile »)

 

La poésie nous rappelle sans cesse à l'essence énigmatique du langage ; c'est pour cela qu’elle est précieuse et que nous préférons souvent une chanson traditionnelle du folklore à bien des sophistications modernes. Je ne cherche pas à expliquer ces vers, leur mystère me suffit.

Je me demande si certaines chansons traditionnelles étaient aussi énigmatiques lors de leur création que pour nous ? Ne sont-elles, ces chansons, si curieuses et étranges que parce que nous en avons oublié le sens ou certaines d'entre elles n'étaient-elles déjà réservées qu'aux initiés d'alors qui en saisissaient la portée, la signification réelle et la beauté ?

 

5.

C'est moi, ou bien ? L'un des dangers que court l’enseignant, c'est de se sentir stupide au point de se couper de l’habitude de spéculer. Il m’arrive de songer que 30 ans de lycée professionnel m'ont rendu plus sot intellectuellement qu’ils m'ont humainement enrichi.

 

6.

« Pendant qu’il gravissait, derrière la robe blanche, un perron éblouissant... »

(Colette, « Le blé en herbe »)

 

Ce début d'une phrase de Colette m’enchante comme si elle me renvoyait à une image de mon propre passé, image imprécise et sans nul doute fantasmatique (c'est à dire coupée de tout contexte) : une robe blanche, un grand soleil, l'été de nos imaginaires.

 

7.

« Naturellement, il y a aussi un fantôme. Ah ! et puis j’allais oublier le trou à curé. »

(Anthony Morton traduit par Claire Séguin, « Le Baron et le fantôme » [un personnage])

 

C'est, sauf lorsqu'ils sont du niveau d'un Simenon, (Simenon est une extraordinaire exception dans le monde foisonnant des fictions), c'est la légèreté qui souvent fait l’attrait de bien des romans populaires, romans que je lis rarement d'un bout à l’autre, mais qui me plaisent par leur joyeuse et ironique inconscience des feintes profondeurs.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 10 avril 2024

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