CEPENDANT QUE LA LUNE SE TAIT
CEPENDANT QUE LA LUNE SE TAIT
1.
« Cependant l’excellent docteur
Bolonais cueille avec lenteur
Des simples parmi l'herbe brune. »
(Verlaine, « Fantoches »)
Cependant que la Lune se tait
& qu'ça s'massacre en Ukraine
Cependant que la Lune se tait
L’excellent docteur quoi fait
-il & je ne sais pas pourquoi
Il serait de Bologne & non de
Par ici ou de par ailleurs ce
Cueilleur de simples qui sont
Plantes vivaces bonnes herbes
Dont on faisait jadis remèdes
Est-ce parce que l'université
De Bologne fut fondée en 1088
Et très ancienne donc Je sais
Pas mais qu'ce soit lentement
Qu'il procède ce docteur sais
Tu cela m'amuse me plaît fait
Miniature cette silhouette là
Penchée dessus l'herbe brune.
2.
« Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes
Et le bal tournoyait quand je la vis passer
Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes
De son oreille où mon Désir comme un baiser
S'élançait et voulait lui parler sans oser. »
(Verlaine, « Initium »)
a) C'est vrai qu'un cheval, ça demande de l'entretien, et pis c'est encombrant comme une dette auprès d'une banque russe, aussi j'ai changé mon cheval contre un violon. Quand j'ai quelque chose à lui dire, ça le fait rire tout autant qu'une compagnie de flûtes.
b) Après, on peut toujours « mêler son rire au chant des flûtes » qu'les flûtes ont l'air de zuter de belle manière, pimpant festival sifflant, persiflant, moqueur comme le merle.
c) Tournoyer avec le bal comme si l'enfer fut.
d) Vaut mieux « la voir passer avec ses cheveux blonds » parce que si elle est sans, c'est qu'elle est chauve, et si en plus elle est cantatrice, ça risque de tourner hareng saur s'balançant au bout d'sa ficelle et théâtre de l'absurde.
e) Y en a qui s'fascinent pour les « volutes » des « oreilles ». Moi, voyez, ce serait plutôt pour le coq au vin, la carbonade flamande, les frites dorées, la tarte au riz, la musique des Sparks. Quant au collier d'oreilles coupées. Je suis contre. C'est salissant et ça attire les bêtes et les fétichistes.
f) Défois, on pourrait avoir le « Désir comme un baiser », en forme de grosse bouche baveuse, pis qui, grosse bête rouge ailée, s'élance dans les airs. Alors, faut prendre la tapette à désirs et la scrabouiller sans pitié ni regrets.
g) Défois, on pourrait avoir le « Désir » qui veut « lui parler sans oser ». Surtout qu'il la boucle, le tout bavant là. Après ça peut faire des enfants et des emmerdements à n'en plus finir.
3.
« Cependant elle allait, et la mazurque lente
La portait dans son rythme indolent comme un vers. »
(Verlaine, « Initium »)
Cependant que la Lune se tait et qu'ça s'massacre en Ukraine,
Elle, bah ça doit être une jeune fille, ou alors une guitare, mais ça m'étonnerait, elle
Allait (j'aime bien le lait froid sucré ; chaud, j'ai du mal à le digérer),
Et la Lune, quoi qu'a fait, la Lune ? A se tait, la Lune, l'a pas d'lèvres,
La Lune a se tait bien qu'on l'entend bien, la
Mazurque lente. Je sais pas trop comment se déplace une Mazurque lente. Avec majesté et solennité sans doute, comme une princesse ou un truc dans l'genre Est-ce que j'ai l'air de me curer le nez avec les doigts ?
Lente donc, la mazurque, façon cortège des âmes fières, fortes, dignes,
La mazurque que vous allez me dire mais c'est pas du tout ça une mazurka, la musique qui la
Portait, l'autre à cheveux là, que je vous répondrai que je m'en bats les tempes avec l'os de la banane, de la mazurque, marzuka, marquise si vos beaux yeux
Dans le temps, j'avos un kien,
Son nom c'étot Milou / Dans le temps, j'avos un kien / En
Rythme balançait la queue dm'on kien / Mais j'appelle nin Tintin hein.
Indolent, pour un tas de chose que je suis trop lent,
Comme si le monde et ses gens allaient trop vite pour moi,
Un jour, je serai tout parti à n'en revenir que revenant, et mes
Vers stupides, même plus moi qu'ils amuseront.
4.
Le saviez-vous ? Cela fait longtemps que l'on a coupé la langue de la Lune. Elle en savait trop sur les choses de la nuit.
5.
Le saviez-vous ? La Lune n'est pas aussi bête qu'on le dit. D'ailleurs, la Lune n'est pas un satellite, mais le cerveau d'une gigantesque fauve noire à yeux blanches qui guette, perchée sur la branche de l'arbre noir du cosmos.
Patrice Houzeau
Malo, le 18 septembre 2022.