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BREFS ET AUTRES
18 septembre 2022

CEPENDANT QUE LA LUNE SE TAIT

CEPENDANT QUE LA LUNE SE TAIT

 

1.

« Cependant l’excellent docteur

Bolonais cueille avec lenteur

Des simples parmi l'herbe brune. »

(Verlaine, « Fantoches »)

 

Cependant que la Lune se tait

& qu'ça s'massacre en Ukraine

Cependant que la Lune se tait

L’excellent docteur quoi fait

-il & je ne sais pas pourquoi

Il serait de Bologne & non de

Par ici ou de par ailleurs ce

Cueilleur de simples qui sont

Plantes vivaces bonnes herbes

Dont on faisait jadis remèdes

Est-ce parce que l'université

De Bologne fut fondée en 1088

Et très ancienne donc Je sais

Pas mais qu'ce soit lentement

Qu'il procède ce docteur sais

Tu cela m'amuse me plaît fait

Miniature cette silhouette là

Penchée dessus l'herbe brune.

 

2.

« Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes

Et le bal tournoyait quand je la vis passer

Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes

De son oreille où mon Désir comme un baiser

S'élançait et voulait lui parler sans oser. »

(Verlaine, « Initium »)

a) C'est vrai qu'un cheval, ça demande de l'entretien, et pis c'est encombrant comme une dette auprès d'une banque russe, aussi j'ai changé mon cheval contre un violon. Quand j'ai quelque chose à lui dire, ça le fait rire tout autant qu'une compagnie de flûtes.

b) Après, on peut toujours « mêler son rire au chant des flûtes » qu'les flûtes ont l'air de zuter de belle manière, pimpant festival sifflant, persiflant, moqueur comme le merle.

c) Tournoyer avec le bal comme si l'enfer fut.

d) Vaut mieux « la voir passer avec ses cheveux blonds » parce que si elle est sans, c'est qu'elle est chauve, et si en plus elle est cantatrice, ça risque de tourner hareng saur s'balançant au bout d'sa ficelle et théâtre de l'absurde.

e) Y en a qui s'fascinent pour les « volutes » des « oreilles ». Moi, voyez, ce serait plutôt pour le coq au vin, la carbonade flamande, les frites dorées, la tarte au riz, la musique des Sparks. Quant au collier d'oreilles coupées. Je suis contre. C'est salissant et ça attire les bêtes et les fétichistes.

f) Défois, on pourrait avoir le « Désir comme un baiser », en forme de grosse bouche baveuse, pis qui, grosse bête rouge ailée, s'élance dans les airs. Alors, faut prendre la tapette à désirs et la scrabouiller sans pitié ni regrets.

g) Défois, on pourrait avoir le « Désir » qui veut « lui parler sans oser ». Surtout qu'il la boucle, le tout bavant là. Après ça peut faire des enfants et des emmerdements à n'en plus finir.

3.

« Cependant elle allait, et la mazurque lente

La portait dans son rythme indolent comme un vers. »

(Verlaine, « Initium »)

Cependant que la Lune se tait et qu'ça s'massacre en Ukraine,

Elle, bah ça doit être une jeune fille, ou alors une guitare, mais ça m'étonnerait, elle

Allait (j'aime bien le lait froid sucré ; chaud, j'ai du mal à le digérer),

Et la Lune, quoi qu'a fait, la Lune ? A se tait, la Lune, l'a pas d'lèvres,

La Lune a se tait bien qu'on l'entend bien, la

Mazurque lente. Je sais pas trop comment se déplace une Mazurque lente. Avec majesté et solennité sans doute, comme une princesse ou un truc dans l'genre Est-ce que j'ai l'air de me curer le nez avec les doigts ?

Lente donc, la mazurque, façon cortège des âmes fières, fortes, dignes,

La mazurque que vous allez me dire mais c'est pas du tout ça une mazurka, la musique qui la

Portait, l'autre à cheveux là, que je vous répondrai que je m'en bats les tempes avec l'os de la banane, de la mazurque, marzuka, marquise si vos beaux yeux

Dans le temps, j'avos un kien,

Son nom c'étot Milou / Dans le temps, j'avos un kien / En

Rythme balançait la queue dm'on kien / Mais j'appelle nin Tintin hein.

Indolent, pour un tas de chose que je suis trop lent,

Comme si le monde et ses gens allaient trop vite pour moi,

Un jour, je serai tout parti à n'en revenir que revenant, et mes

Vers stupides, même plus moi qu'ils amuseront.

4.

Le saviez-vous ? Cela fait longtemps que l'on a coupé la langue de la Lune. Elle en savait trop sur les choses de la nuit.

5.

Le saviez-vous ? La Lune n'est pas aussi bête qu'on le dit. D'ailleurs, la Lune n'est pas un satellite, mais le cerveau d'une gigantesque fauve noire à yeux blanches qui guette, perchée sur la branche de l'arbre noir du cosmos.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 18 septembre 2022.

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18 septembre 2022

ELLE S'ETAIT DEJA LAISSEE GLISSER DU LIT

ELLE S'ETAIT DEJA LAISSEE GLISSER DU LIT

« Elle s'était déjà laissée glisser du lit. Elle rafla sa jupe et ses bas, s'enfuit derrière le paravent. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

 

Elle, il s'agit de Belle, c'est un personnage de roman, elle

S'était déjà – le voilà déjà, le déjà qui s'pointe, comme le temps -

Déjà : je regarde Monsieur mon Passé (c'est une chanson, ça, non ?) et je me dis que j'aurais pu faire mieux. Déjà

Laissée, - ah ce son « s » que l'on aime à laisser siffler dans les syllabes ! -

Glisser – laisse aller, c'est une valse (c'est un film, ça, non ?), une valse en pente, une valse glissante, qu'on finit toujours par s'effondrer dans l'décor -

Du, - quant au son « u », il rappelle le turlututu chapeau pointu des enfants -, du

Lit donc, - et si tu aimes lire, lis donc, plutôt que d'ennuyer les gens à raconter une vie dont tout le monde se fiche -.

 

Elle, il s'agit de Belle, c'est un personnage de roman, elle

Rafla (le verbe « rafler », ça m'évoque rafales de vent et tempêtes qu'on voit dans les films de pirates et les vignettes des illustrés), elle rafla

Sa (trois « a » comme dans « ananas », mais pas comme dans « tapioca »), sa

Jupe (ah de nouveau le son « u » ; dans la rue, point de turlututu chapeau pointu, mais le vent qui débute son automnal ululu)

Et je me dis que les gens disent le plus souvent ce qui les arrange, quand bien même la vérité en prendrait un bon coup sur le bec. A

Ses serpents qui sifflent sur sa tête, je me demande ce qu'elle donne à manger, la Méduse Gorgone Mélusine là. Elle rafla sa jupe et ses

Bas, marmonna Bah-bah-bah et s'en alla,

S'enfuit – les sons « s » et « f », ça fait qu'ça siffle, souffle, s'enfle, flot que sillonne le vent -

Derrière (ah je ne vous dis pas que ce qu'il admire, Hector)

Le, - derrière le mur, qu'y a-t-il donc ? - et derrière le

Paravent, qu'est-ce qui s'passe ? Ah, c'est Belle, elle se rhabille.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 18 septembre 2022.

18 septembre 2022

FLÛTE ALORS ME DIS-JE EN PENSANT A ZUT

FLÛTE ALORS ME DIS-JE EN PENSANT A ZUT

1.

« […], saultoyt du coq à l'asne, mettoyt entre deux verdes une meure, faisoit de la terre le foussé, gardoyt la lune des loups, si les nues tomboient esperoyt prandre les alouettes, [...] »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre XI, « De l'adolescence de Gargantua »)

Écoutez comme ils sautent du coq utile à l'âne savant, et, selon l'interlocuteur, mettent entre les vertes d'assez mûres, ou gardent pour eux vin et jambon. Voyez comme ils tirent d'autrui leur profit, et méprisent qui leur est utile et condamnent qui leur est inutile. S'ils gardent la lune des loups, c'est qu'ils en ont le temps. Quant à Zut, pourrait-elle cuisiner des paupiettes ce dimanche ? Cela m'étonnerait. Elle a galant en tête et ma tête en mauvaise part.

2.

« Et, pour s'esbattre comme les petits enfans du pays, luy feirent un beau virollet des aesles d'un moulin de Myrelabays. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre XI)

Et ils s'ébattirent comme les « petits enfans du pays » dont parle Rabelais, filant dans les herbes comme étoiles au ciel, sans voir que le temps s'était contracté et que des avions les survolaient, les bombardaient, les démembraient, les annihilaient.

3.

Et le Seigneur de Sottelire poutina excellemment sa guerre, envoyant, à l'image du petit père des assassinats et des empoisonnements, de pauvres gens égorger d'autres pauvres gens et clamant de sa face de lune qu'il était le sauveur de l'humanité.

4.

Garder la lune des loups et se faire aboyer.

5.

Faire de sa vie enfer de ménage et soupe sans lard.

6.

« Frôlée par les ombres des morts

Sur l'herbe où le jour s’exténue

L'arlequine s'est mise nue

Et dans l'étang mire son corps »

(Apollinaire, « Crépuscule »)

Se mettre nue comme l'arlequine puis disparaître derrière le paravent des invisibles.

7.

« L'Ange des vieux tableaux avec des ors au fond. »

(Verlaine, « Poèmes saturniens », « Epilogue », III)

Revoir dans sa tête l'Ange du vieux tableau et avoir une écuyère au plafond.

Ou une trapéziste. Ou la starlette des posters. Ou la Lorelei – plouf ! - vive, la vouivre a fui.

8.

« Tous mes souvenirs s'abattent sur moi »

(Verlaine, « Le rossignol »)

Quand on s'artrouve abattu de souvenirs comme champ par la grêle et pendus de corbeaux, on n'arrive plus à fermer l’œil défois, et on regarde sa nuit en familière étrangère.

9.

« Et de grands écussons, aux murailles cloués,

Brillent, et maints drapeaux où l'oiseau noir s'étale

Pendent de çà de là, vaguement remués !... »

(Verlaine, « La mort de Philippe II »)

S'étaler comme l'oiseau noir du drapeau et voir s'échapper son pays dans la brume.

10.

Quand je suis loin des yeux de Zut comme on est loin du cœur, v'là-t-y pas que la nostalgie au bec coin-coin vient me chanter sa vieille ritournelle du temps que j'avais pas si mal vieilli. Flûte alors me dis-je en pensant à Zut.

11.

« […] ; je dis qu'il n'est pas illogique de penser que le monde est infini. Le juger limité, c'est postuler qu'en quelque endroit reculé les couloirs, les escaliers, les hexagones peuvent disparaître – ce qui est inconcevable, absurde. »

(Borges, « La bibliothèque de Babel »)

N'avoir rien d'autre à penser que le monde est infini et que la tante a drôlement vieilli.

12.

« - Je l'entendz (dist il) ainsi ; mais lors vous serez papillon, et ce gentil papeguay sera un papelard tout faict. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre XII [Gargantua])

Celui-là, de politique papillon il passera à député perroquet pour finir ministre papelard.

13.

S'entendre comme larrons en foire, ou comme Trump et Poutine, l'un tenant l'autre par on ne sait quel kompromat.

14.

Ah tiens en voilà un de dictateur très massacrant, il y a des astrologues, voyez, qui le prédisent cloué comme un grand écusson sur lequel les gens cracheront en passant, rétalé comme l'oiseau noir du drapeau, pendant des ailes, des flancs, des fesses, des tripes, piquant du nez dans le coma, et n'étant plus qu'un vague remuement de chair à pourrir.

15.

Prendre un astrologue comme on prend un train et ne pas descendre à la bonne gare.

16.

Dans une vidéo qui daterait du 20 juin 2013, Marine Le Pen affirme : « J'ai fait preuve de loyauté à l'égard de la Russie. » Formule étrange de la part d'une politique française et qui prouve un évident manque de clairvoyance, voire de la duplicité.

Patrice Houzeau

Malo, le 17 septembre 2022.

17 septembre 2022

POUTINE PRENDRA-T-IL BIENTÔT SA PÂTEE EN UKRAINE ?

POUTINE PRENDRA-T-IL BIENTÔT SA PÂTEE EN UKRAINE ?

1.

Viré le Vlad ? valdingué, évincé, vae victis et compagnie, dépoté le Poutine, pénalisé ? bouffée aux mites son armée d'criminels, en miettes, sa mafia, ce serait-y pour bientôt ? qu'on s'interrogeait en septembre 2022, alors que les Ukrainiens trouaient les Russes.

2.

Cela arrivera sans doute un jour, mais pour l'instant, ni Poutine, ni daech, ni aucune coalition de forces anti-démocratiques ne peuvent vaincre la Triade, c'est-à-dire l'hyperpuissance que constituent les Etats-Unis et le Canada, l'UE et ses alliés, le Japon, l'OTAN.

3.

Si se confirmait le recul de l'armée russe dans la région de Kharkiv, de Kherson, et même dit-on ce 10 septembre 2022, dans la région de Donetsk, alors une destitution de Poutine ne paraît plus invraisemblable. L'armée russe continuera-t-elle longtemps à le suivre ?

4.

Le 25 février 2022, Mélenchon annonce sur France Info qu'il ne faut surtout pas aider l'Ukraine en lui envoyant des armes puisque, dit-il, « la guerre est perdue ». C'est le même Mélenchon qui prédisait qu'il serait président d'abord, premier ministre ensuite.

5.

Après huit mis de conflit (la sale guerre de Poutine en Ukraine), il semblerait que les stratèges ukrainiens (certes conseillés par l'OTAN) sont nettement plus efficaces que les Russes avec leur étrange guerre hybride.

Je n’exclus pas non plus la possibilité que certains officiers russes, y compris des officiers de haut rang, ne montrent pas un zèle extraordinaire à faire une guerre qu'ils désapprouvent.

6.

Je me souviens d'un troll pro-Poutine qui avait écrit que pour l'Ukraine combattre la Russie revenait pour un amateur à affronter un champion du monde de boxe. Ce petit soldat oubliait juste que derrière l'Ukraine, c'est tout l'Occident qui se tient et se défend.

7.

Je voudrais pas jouer l'anti-Blanquer de base (et maintenant anti-Pap Ndiaye) mais, avec la récession qui s'annonce, s'pourrait que dans certains secteurs, l'apprentissage subventionné par l'Etat joue les variables d'ajustement. Au détriment des CDD ?

8.

S'pourrait que le Poutine prenne la pâtée dans sa sale guerre en Ukraine. Et il semble que ni les Indiens ni les Chinois ne veulent rentrer dans une guerre qui ficherait le commerce mondial par terre.

9.

Le lundi 5 septembre 2022, grève des bus à Dunkerque. Ça roulera, mais moins. Il se pourrait bien que dans les mois, voire les semaines à venir, dans de nombreux secteurs, des grèves éclatent. Pas contents nous sommes, et nous sommes nombreux.

Quand les grèves éclatent, y en a qui disent que la vie, c'est marche ou crève, c'est que faut pas qu'tu rêves, petit, la vie, c'est du violent, avec les formes, de la politesse, de la civilité certes - et encore, pas toujours, ça dépend où -, mais c'est du violent quand même.

10.

Ah les trolls pro-Poutine qui aspirent à la sainte dictature en France, fustigent les décadences occidentales, rêvent d'en découdre en enfilant un gilet jaune philippotesque et prennent un pseudo sur twitter pour débiter leurs saloperies défois qu'on les reconnaîtrait...

11.

Le 4 septembre 2022, de nombreux tweets faisaient état de la prise de Vysokopillya (région de Kherson) par les forces ukrainiennes. D'autres tweets pro-Poutine affirmaient que la localité avait été reprise dans la journée par les troupes aéroportées russes...

12.

J'écoute des chansons française d'antan : des chansons de Serge Lama, de Serge Reggiani, de Brassens, de Ferré, et j'y retrouve quelque chose du temps qui passe, trop vite : un sentiment d'appartenance à cette communauté que l'on appelle la France.

13.

Vu d'occident, nous savons que Poutine ne peut gagner sa sale guerre et nous nous réjouissons du succès des contre-attaques ukrainiennes. Constatant que l'armée russe est maintenant sur la défensive (et a donc perdu l'initiative), nous attendons la fin inéluctable du régime poutinien.

14.

Le président Macron se rend sans doute compte que, constatant l'influence de Poutine sur le RN et Zemmour, et constatant la faiblesse de la droite républicaine des LR, une partie de la droite gaulliste et nationaliste lui a apporté son soutien aux présidentielles.

15.

Percée des forces ukrainiennes dans le nord-est (Kharkiv, Izium), les Russes sur la défensive : Wagner recrute la racaille des prisons ; les preuves de crimes de guerre se multiplient ; les leaders pro-russes sont éliminés un par un ; coups et rafales à Kherson...

Patrice Houzeau

Malo, le 17 septembre 2022

 

17 septembre 2022

BOUH LE BOUC COMME I S'EN FOUT

BOUH LE BOUC COMME I S'EN FOUT

1.

« Mais l'idée seule de retraverser le jardin aux statues fantômes le faisait suer de peur. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Parfois, parcs et jardins sont hantés de statues.

Fantômes familiers et muets, voilà qu'elles,

La Lune ayant mis son masque de meurtrière

Tranquille, vous effraient... Mais elle s'en fout, Zut,

Qui leur tire la langue en lisant des romans.

2.

« - Je ne boy que à mes heures comme la mulle du pape. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre V)

La mule, c'est de l'âne et de la jument, pis aussi de la pantoufle. Les « heures », c'est le « livre d'Heures », que, très catholiquement, l'on ouvrait pour y suivre la liturgie des heures canoniales, lesquelles sont relatives aux chanoines comme les trous sont relatifs au gruyère.

3.

« mesmement que le diable, a la messe de sainct Martin escripvant le quaquet de deux Gualoises, a belles dentz alongea son parchemin. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre VI)

Saint Martin dit la messe. Le diable y est, tirant sa longue langue diabolique à y noter sur un parchemin les bavardages de Blondine et Poli, lesquelles prirent la maison de Dieu pour la place du marché. Il a tant à noter, ce scribe infernal, qu'il est bientôt obligé de tirer, tirer, tirer avec ses dents sur le rôlet de son parchemin afin de l'allonger. Schriiiiifffff fit le parchemin si long soudain que le diable s'y empêtrant pinceaux nougats guitares heurta un pilier de sa tête (bong ! fit sa caboche). Et si cette anecdote n'est pas aussi vraie que les mensonges d'un ministre de l'éducation nationale, elle n'en est que plus plaisante.

4.

« Tout homme a connu des moments où il s'est imaginé, de bonne foi, toucher le fond du désespoir ou du découragement. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Ah les catastrophes qu'on s'annonce... les tuiles qu'on se voit dégringoler... que cette fois-ci, c'est sûr qu'on va pas s'en sortir... on glougloute alors si on a de quoi glouglouter, de toute façon qu'on va boire la tasse... et puis le temps passe, on cogite et machine, on y laisse des plumes, mais on a surmonté la crise, en attendant la prochaine.

5.

A thon fort et haut un bout d'touquette ne peut suffire, puisque Akhénaton fut un bout d'ce tout là que fut le dieu Aton, et qu'à thon un bouc, tout ça, thon, bouts, touquettes, Aton, Akhénaton, Amenhotep IV, dieu solaire et pharaon éphémère, bouh le bouc, comme i s'en fout.

6.

Or, comme, par économie, il se torchoit avec le papier journal d'un des derniers annuaires demeurés là par habitude, on peut dire qu'il se moquait tant du monde qu'il s'en nettoyait le fondement.

7.

« Pour ses guands furent mises en œuvre seize peaulx de lutins, et troys de loups guarous pour la brodure d'iceulx ; et de telle matiere luy feurent faictz par l'ordonnance des cabalistes de Sainlouand. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre VIII)

Jadis, le monde était plein de lutins, dont, dit-on, la peau ne pouvait être percée par les balles, et de ces loups-garous effrayant le jouvencel et la demoiselle, le bachelier et la bachelorette, Sganarelle à sa vaisselle (qui s'cassa donc). Ils n’existaient pas plus qu'aujourd'hui, mais bon nombre y croyaient comme on croit aujourd'hui aux Méchants Manipulateurs Mondialistes tirant les ficelles d'un Nouvel Ordre Mondial que combattrait quelque saint Poutine des Assassinats.

8.

« Plus dict que en forme leonine ont esté diables souvent veuz, lesquelz à la presence d'un coq blanc soubdainement sont disparuz. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre X)

Je ne pense pas qu'un coq blanc puisse faire fuir un diable qui a pris la forme d'un lion.

Pour faire fuir un diable qui a pris la forme d'un lion, il faut au moins un dompteur exorciste.

Après que ce dompteur exorciste s'appelât Lecoq et fût aussi blanc que bonhomme de neige, voilà qui serait bel hasard humoristique.

9.

« La robe n'a-t-elle pas trop d'ampleur ?

- Non. C'est voulu. En revanche, les mains manquent d'esprit. Je veux finir par elles, je les connais bien. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres » [le peintre Noël Martin à Judith Weyl])

Si vos mains manquent d'esprit, il faut les abonner à quelque revue haute en couleurs et figures illustrantes, car il est assez ennuyeux d'avoir des mains dépourvues d'esprit ; elles ne peuvent tenir bien longtemps une conversation avec un service de tasses à thé, quand elles ne les laissent pas tomber, par sottise et gaucherie, de telle sorte que tasses se cassent et thé se perd.

10.

« Mais il repoussa ce soupçon comme les autres, le mettant sur le compte de cette terrible imagination qui se faisait tantôt sa plus fidèle alliée et tantôt sa plus mauvaise conseillère. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

On ne saurait soupçonner sa soupière de receler des secrets comme la chevelure d'une guerrière recèlerait des serpents. Cependant, il m'arrive, certains soirs, de scruter la soupière comme si elle ne m'avait pas tout dit. J'entends par soupière cette personne qui soupire la nuit et qui parfois murmure des prénoms étranges.

Patrice Houzeau

Malo, le 17 septembre 2022.

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17 septembre 2022

TAGADA TAGADA TSOIN TSOIN DONT MOURIR EST LE REFRAIN

TAGADA TSOIN TSOIN DONT MOURIR EST LE REFRAIN

1.

Me souviens d'avoir tenté de regarder « Mort à Venise » et d'avoir eu l'envie d'ouvrir le poste de télé, d'en sortir les petits mannequins là et d'les secouer en leur soufflant dans les bronches : « Non, mais c'est pas bientôt fini, toutes ces tergiversations neurasthéniques, hein ? »

2.

« Chiche que celle-là s'appelle Camille ! »  disait parfois Belle aux heures de récréation. « Et celle-ci Colette. Chiche que cette petite brune sera régente et cette grande rousse chanteuse réaliste ! »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Défois qu'on les regarde pousser, les agitées petiotes, les bellottes et les moins gracieuses, qu'on se dit laquelle sera assez sotte pour s'faire embobiner par un veule poilu, laquelle fera carrière et la chantera juste, son ariette.

3.

« Vivre est une chanson dont mourir est le refrain. »

(Victor Hugo à propos de l’œuvre de Rabelais in « William Shakespeare »)

C'est qu'on en fait des choses et des sottises dans sa vie (à condition de ne pas passer trop vite), féroces amours et amitiés rosses, pertes et profits, égarements plus ou moins passagers, menteries, zizanies, coucheries, beuveries, tabagies, ah la chanson de la dolce vita, dis, qu'on se chante en zigzagant entre les cactus.

(Épiques, les cactus, ça va de soi).

Pis entre tous ces heurs et malheurs, la Mort se rappelle régulièrement à nos pommes : décès de proches, d'amis, et tous les massacres auxquels les médias nous ont abonnés comme autant de preuves que, décidément, Dieu s'en fout.

4.

« Quiconque a lu Rabelais a devant les yeux à jamais cette confrontation sévère, le masque de la Théocratie regardé fixement par le masque de la Comédie. »

(Victor Hugo à propos de l’œuvre de Rabelais in « William Shakespeare »)

Rabelais... vis comica... blasphème salutaire... pas tombé encore, « le masque de la Comédie », pas mordu la poussière tombée des habits des prosélytes des dieux à colères ... Quant au masque de la Théocratie, on le croirait collé aux faces barbues ou pas barbues des tartuffes.

Je pense assez que l'on ne peut être lecteur admiratif de Rabelais (j'en suis) sans être pour Charlie : combattre par le Verbe (lequel fut au Commencement) théocratie et bigoterie, c'est rappeler que chaque humain est avant tout son propre libre-arbitre.

5.

« L'irascible Picrochole est le type du mauvais roi : ambitieux, brutal, belliqueux, crédule, il obéit sans réfléchir aux suggestions des mauvais conseillers et se croit déjà maître du monde. »

Ce portrait du Picrochole de Rabelais par Pierre Michel me semble correspondre tout à fait à celui du petit seigneur et méchant homme Vladimir Poutine le Massacreur, qui, tout autant que le fut Picrochole, finira par être vaincu.

6.

Ce que nous cherchons dans la littérature, la musique, la peinture : l'inscription du visage dans la durée.

7.

« La pelouse entourant l'habitation fuyait comme un tapis enchanté vers d'invisibles bornes. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Une pelouse, ça pelouse pis pousse pis s'tond pis sèche jaunit pis s'mouille et repousse. Des bestioles y passent la nuit. Défois ce sont des voleurs, ou des assassins. La Lune y pose ses chiffres.

8.

« Un maillet traînait sur le sol, au pied d'un gong chinois. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Ça, quand on laisse traîner les maillets au pied des gong chinois, y a des risques que la main de l'invisible s'en saisisse et vous estourbisse.

9.

« Et, pour vous donner à entendre de moy qui parle, »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre premier)

Quel est ce moi qui parle dans les mots ? Quelque fantasme sans doute.

Quelque fantôme dont nous tissons notre réalité.

Le reste n'est que chiffres et statistiques.

10.

« L'anguille y est et en cest estau musse,

Là trouverez (si de pres regardons)

Une grande tare au fond de son aumusse. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre II)

Qui vit jamais anguille, aiguille, guenille, gigue et gidouille, guigne, guitare porteuse de tiare et de chaperon fourré se dissimuler dans quelque étal ? Autant chercher le pape dans le pas d'une mule.

11.

« provision de saulcisses, non de Bouloigne (car il [Grandgousier] craignoit ly boucon de Lombard) ».

(Rabelais, « Gargantua », chapitre III)

« boucon » viendrait de l'italien « boccone » (morceau, bouchée) et « ly boucon de Lombard » désignerait un « morceau empoisonné », ce qui rappelle la chanson traditionnelle « Dame lombarde » et son serpent vert attrapé pour empoisonner le vin.

12.

« Mais la grande diablerie à quatre personnaiges estoit bien en ce que possible n'estoit longuement les reserver, car elles feussent pourries. »

(Rabelais, « Gargantua », chapitre IV)

Comme ils faisaient le diable à quatre, ils fondèrent un groupe de rock.

Étant de même chair que chacune des saucisses perspicaces porteuses de tripes et d'une âme plus ou moins vague et fluctuante, ils vieillirent tant qu'avant que d'aller pourrir où tout s'détricote, se séparèrent.

Patrice Houzeau

Malo, le 16 septembre 2022.

16 septembre 2022

DANS LA NOSTALGIE DE ZUT

DANS LA NOSTALGIE DE ZUT

1.

Le personnage de Monsieur Ouine, dans le roman de Bernanos, dit de lui-même : « Comme ces gelées vivantes, au fond de la mer, je flotte et j'absorbe. » Zut aime bien la rouelle de porc en gelée. Ma mère faisait parfois de la rouelle de porc en gelée. Je sais que je n'en mangerai plus jamais.

2.

Le 15 septembre 2022, les célèbres dictateurs Xi Jinping et Poutine se sont rencontrés. J'ai mangé des pommes de terre rissolées. Je n'ai point poutiné d'la poutine (m'a l'air bien gras, s'truc-là) ni machiné du ping, ni crapoté du pong. Me suis laissé « remplir par l'heure qui passe ».

3.

« Oui, vous apprendrez de moi à vous laisser remplir par l'heure qui passe. », dit le Monsieur Ouine de Bernanos à Steeny. Bah, de moi que voulez-vous apprendre ? Je ne sais rien de rien qui vaille et valse de vienne, qui va qui vient, pis qui s'en va comme un chien, pis sous la pluie tiens.

4.

En septembre 2022, le totalitarisme de droite semblait progresser dans certains pays d'Europe : en Hongrie, en Suède, en Italie aussi, disait-on. Alors, je me dis dans ma comprenette sceptico-libérale : « L'enfant grandit ; ô douleur ! C'était un être de plus à faire vivre de mon cerveau », dit le narrateur de « L'homme à la cervelle d'or », d'Alphonse Daudet.

5.

Le 15 septembre 2022, j'entendis dire à la radio que le président Macron est décidé à mettre en place rapidement sa réforme des retraites. Je marronne en pensant à Macron, j'ronchonne, j'grondaille, j'grognarde, je compte mes ombres.

6.

Le 15 septembre 2022, j'entendis dire à la radio que le président Macron est décidé à mettre en place rapidement sa réforme des retraites.

«Le temps bifurque perpétuellement vers d'innombrables futurs. Dans l'un d’eux je suis votre ennemi », dit le personnage d'Albert dans la nouvelle « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », de Borges.

Paraît que le président Macron, il a dit comme ça aux préfets que c'est parce qu'en France, on rentre plus tard qu'ailleurs sur le marché du travail qu'il faut réformer les retraites. Bin oui, mais le gouvernement n'est pas obligé de surpeupler les universités non plus hein.

7.

Le temps ne se résume pas. On ne peut bondir par-dessus le temps comme on saute les obstacles. Le temps ne peut se dissoudre dans le café (aussi, inutile d'y rajouter du sucre). Poutine compte sur le temps et la crise énergétique.

Quoi qu'il veut, le Poutine ? Gagner du temps, l'hiver et la crise énergétique qui f'ra des dégâts dans les opinions, pour pouvoir la continuer, sa sale guerre en Ukraine. Je ne sais pas si Poutine l'aura, ce temps. Se pourrait-il que le temps lui explose à la figure ?

8.

Un chauffeur de bus, il y a deux jours : « J'ai quelqu'un de ma famille chez ENGIE. C'est la panique. Ils sont déjà en déficit et prévoient une augmentation très forte d'impayés. ils reçoivent déjà des appels de gens qui disent qu'ils ne peuvent plus la régler, la multiplication. »

9

La tête de Zut... assez ronde encore... nous faisions les courses... supermarché, on claque nos sous... elle achetait moult biscuits... je n'avais pas l'air content, ma gueule de con. Je ne sais pas si le ministre de l'éducation nationale sait à quel point nous le méprisons.

10.

« Pour connaître les intimes espoirs et les intimes terreurs de chacun, ils disposaient d'astrologues et d'espions. »

(Borges, « La loterie à Babylone » [le narrateur])

« les intimes espoirs »... Tout ça qui fait... qui s'trame dans la calebasse... là où on s'fait ses messes basses... « les intimes terreurs »... tout ça qu'on songe... terrible défois et qui arrive hein... le on ne sait jamais des tuiles...

Pis qu'on allitère dins s'tiête quelque astrologue tropical typique des cartoons et comics, quoique je ne puisse citer ici aucun cartoon ou comics mettant en scène un astrologue tropical, ou quelque espion sinueux perspicace, qui perçoivent quoi dans notre boîte à quoi qu'on dit quoi qu'on fait quoi qui va nous arriver.

11.

« Avec cela, il était d'une clairvoyance étonnante, désespérante. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des Orfèvres »)

Quand on est clairvoyant, c'est qu'on l'voit tel qu'il nous enquiquine, le réel, tel qu'il nous désespère. Défois, vaudrait mieux pas, et mener sa barque pépère sans les voir les dents de loup dans la gueule des autres. Être bienveillant, quoi.

12.

J'aurai passé une partie de ma vie dans la nostalgie de Zut. Vous me direz : « Zut n’existe que pour vous. » Je sais bien, mais je l'aime bien quand même.

Patrice Houzeau

Malo, le 16 septembre 2022.

 

 

15 septembre 2022

AH TIENS JE VAIS MANGER UN CORNICHON

AH TIENS JE VAIS MANGER UN CORNICHON

1.

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,

Entre les pins palpite, entre les tombes ;

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommencée ! »

(Paul Valéry, « Le cimetière marin »)

 

A midi, les élèves aiment bien quand il y a des frites à la cantine.

Ce qui ne les pousse heureusement pas à ramener leurs fraises et leurs frites sur les toits, et pas plus entre les tombes, que les pins palpitent ou pas.

Du reste, il est strictement interdit de manger des frites entre les tombes.

Un film américain, dans le genre horrifique, raconte ce qui arriva à un groupe d'adolescents (deux filles, trois garçons) qui, adorateurs des démons Mayo, Ketchop et Potato, allèrent sacrifier à leur culte en dévorant quelques paquets de frites au bord d'une tombe. Ils eurent beaucoup d'ennuis.

Avec la police d'abord. Avec leurs parents ensuite.

Quant à la mer, c'est un disque rayé.

2.

« J'observe toujours, en cherchant une question de Géométrie, que les lignes, dont je me sers pour la trouver, soient parallèles, ou s'entrecoupent à angles droits, le plus qu'il est possible ; »

(Descartes, « Lettre à Elisabeth », novembre 1643)

 

La Géométrie ne fume pas la pipe, sauf dans le cubisme.

Le surréalisme a montré, grâce à Magritte, que « ceci n'est pas une pipe ».

Maintenant, une accumulation de pipes pourrait constituer une œuvre d'art conceptuelle, une installation, comme on dit chez les installateurs.

Ce qui aurait l'avantage de faire travailler les producteurs de pipes.

Popeye est un marin de dessin animé américain qui mange des épinards. Sa fiancée s'appelle Olive. Popeye fume la pipe.

Popeye, à ma connaissance, ne s'est pas intéressé à la Géométrie. Descartes ne connaissait pas Popeye. Descartes fumait-il la pipe ? Je n'en sais fumeusement rien.

3.

« La Pythie exhalant la flamme

De naseaux durcis par l'encens,

Haletante, ivre, hurle !... l'âme

Affreuse, et les flancs mugissants ! »

(Paul Valéry, « La Pythie »)

 

Peut-on faire une âme ? Peut-on forger une âme ?

Chaque humain passe-t-il son existence à se forger l'âme ?

Je ne pense pas que l'on puisse faire une âme comme on prépare un plat de spaghettis.

 

Peut-on défaire une âme ?

Intuitivement, je répondrai que oui et que les rues sont pleines d'âmes défaites qui passent, grelots agités dans des carcasses éphémères.

 

La philosophie peut-elle aider à se forger l'âme ?

La philosophie peut-elle aider à se forger l'âme sans jamais y parvenir tout à fait, comme il en est de bien des projets philosophiques dont l'accomplissement est dans le chemin lui-même et dont le but semble toujours étrangement reculer.

On n'est même pas sorti de l'auberge, que le château déjà s'estompe, s'efface, s'effrite.

 

Je ne pense pas que l'âme survive au corps. Que voulez-vous que l'invisible en fasse ? A moins que le dieu qui, dit-on, nous a bricolés, soit un collectionneur d'âmes.

Sommes-nous les alambics qu'un dieu créa pour y distiller une infinie variété d'âmes ?

4.

« Car il n'y a que la seule irrésolution qui cause les regrets et les repentirs. »

(Descartes, « Lettre à Elisabeth », 15 septembre 1645)

Lorsque j'hésite entre prendre des frites dans une baraque à, ou me faire des œufs sur le plat, je ne dois tergiverser trop longtemps : les frites pourraient m'en vouloir et les œufs sur le plat s'envoler pour d'autres espaces.

Le mieux c'est d'acheter des patates, en faire des bâtonnets que je mettrai à frire, puis de me faire des œufs sur le plat que je mangerai après le deuxième passage des frites.

Je n'ai pas de friteuse. Donc, c'est décidé, je vais prendre un sandwich au thon, et toute la journée, je penserai que j'aurais dû prendre une omelette-frites, avec une bière.

Lorsque j'hésite entre trahir un ami ou aller manger une choucroute, en général, assez rapidement, je n'ai plus faim.

5.

Ah tiens, je vais manger un cornichon. Ça va me renvoyer à ma condition, sinon à ma solitude.

6.

« Quelle, et si fine, et si mortelle,

Que soit ta pointe, blonde abeille,

Je n'ai, sur ma tendre corbeille,

Jeté qu'un songe de dentelle. »

(Paul Valéry, « L'abeille »)

 

Je me demande ce que peut-être un « songe de dentelle ».

Les dentellières de l'invisible nous brodent-elles de ces songes de dentelle qui nous adoucissent les nuits et réjouissent l'adolescent ?

Je me demande quel est le rapport entre la « blonde abeille » et le songe de dentelle ?

Paul Valéry décrit-il quelque pièce de broderie fine qui parerait la poitrine, la « tendre corbeille » aux gourdes belles (comme il écrit, Valéry, quand il écrit : « Pique du sein la gourde belle »), à moins que la « gourde » soit la fille toute entière, mais je ne crois pas, quoique.

7.

« Pour l'admiration, encore qu'elle ait son origine dans le cerveau, et ainsi que le seul tempérament du sang ne la puisse causer, comme il peut souvent causer la joie ou la tristesse,... »

(Descartes, « Lettre à Elisabeth », mai 1646)

Le cerveau voit, entend, comprend beaucoup de choses que nous ne pouvons croire, ni admettre.

Le cerveau se promène sur nos deux jambes et garde pour lui ce qui ne devrait pas nous inquiéter, ou nous concerner.

La plupart du temps, le cerveau évanouit les fantômes. Il arrive pourtant qu'il les suscite. Et vlan, nous v'là plongés dans l'grand guignol à fantasmes menaçants, avec couteaux et grotesques gueules de macabres.

Puis il y a les choses dont on se fait un plat qu'on finit par se noyer dans un verre d'eau.

C'est exactement le genre de considérations que je cultive à chaque fois que je croise un éléphant, en particulier s'il est effervescent.

Patrice Houzeau

Malo, le 15 septembre 2022.

 

15 septembre 2022

CELA FAIT LONGTEMPS QUE LES AVENTURES NE FUMENT PLUS LA PIPE

CELA FAIT LONGTEMPS QUE LES AVENTURES NE FUMENT PLUS LA PIPE

1.

« La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette

De flèches et de tours à jour la silhouette

D'une ville gothique éteinte au lointain gris. »

(Verlaine, « Effet de nuit »)

 

La nuit parfois, sur les toits palpite la pluie.

Le blafard est tout farfouillé que déchiquette

« De flèches et de tours à jour la silhouette »

(Avez-vous remarqué s'te chouette assonance

« Ou » dans « de tours à jour la silhouette » qu'il

A écrit le Verlaine évoquant une ville

Esquissée dans le gris Ah quel tabac dit Zut

Pis gothique et spectrale, et loin, très loin, très très loin.

2.

Chérissez-vous les chansons de William Sheller, ou vous chagrinent-elles ?

Chérissez-vous vos châteaux en Espagne ? Êtes-vous de « la faculté des songes » ?

Chérissez-vous Chéri-Bibi, ou peu vous chaut Chéri-Bibi, songes et châteaux, Espagne, William Sheller ? Préférez-vous les chats sauvages ?

3.

Au nom de l'inévitable et de l'utile, l'humain étant voué à forger son propre enfer, vous verrez que le surnombre finira par fustiger et censurer définitif fables, féeries, fantaisies, fatrasies et fantasmes, drolatiques figures et filles de papier.

4.

Quand bien même laisseriez-vous batifoler votre esprit dans le bizarre en écoutant les Beatles, n'oubliez pas que les bonbons bigarrés, façon bêtises de Cambrai, ne se balbutient pas.

5.

L’expression « l'ombre du concombre », fût-il masqué, a quelque chose, quand on y songe, d'obscène.

6.

La pluie n'aboie pas.

Si la pluie aboyait, elle serait un chien.

Un chien mouillé.

Il tomberait donc des draches de chiens mouillés.

Et pourquoi pas des chats, tant qu'on y est.

7.

« Ce faquin d'Arlequin combine

L'enlèvement de Colombine

Et pirouette quatre fois. »

(Verlaine, « Pantomime »)

Il est rare qu'une pirouette traînât une brouette avec du tabac dedans (comme on voyait jadis sur les paquets de « Tabac du Broutteux »).

Si les pirouettes pouvaient porter la brouette, pourraient-elles tirer la charrette au chevalier, et afin que cherre la chevillette, tirer la bobinette ?

8.

« La lune est rouge au brumeux horizon »

(Verlaine, « L'heure du berger »)

La Lune ne fait pas de politique.

Si elle versait dans l'idéologique et le dogmatique à la Mélenchon, la Lune, elle pourrait se faire un peu assassiner, qu'elle ferait alors la une des journaux et des lucarnes à sottises, la Lune.

Non, la Lune ne fait pas de politique.

Elle ne fait pas de crêpes non plus.

Parfois, on croit qu'elle fait la gueule.

Mais ça, c'est dans votre tête.

9.

J'aimerais assez que Poutine se patraquât, s'détraquât assez pour disparaître à tout jamais.

10.

J'entends ce 15 septembre 2022 sur France Culture dénoncer les abus sectaires du bouddhisme tibétain, notamment dans ses ramifications occidentales et me souviens qu'il y a quelques années déjà le très lucide Orlando de Rudder dénonçait ces mêmes abus.

11.

« Paradoxalement sa fatigue devenait une force, car elle l'obligeait à se concentrer sur les détails de l'aventure et lui cachait le fond et la fin. »

(Borges, « Emma Zunz »)

Cela fait longtemps que les aventures ne fument plus la pipe.

Dans le temps oui, on pouvait croiser dans les rues quelque commissaire de police, placide et taciturne, la pipe au visage.

Ou encore quelque pirate à bandeau noir et perroquet vert, voire une jambe de bois.

Mais ça, c'est du passé. Les aventures ne fument plus la pipe. Et elles boivent de moins en moins de rhum et de bière.

Vous remarquerez que les aventures n'en font pas plus de crêpes pour autant, et alors que vous les croisez dans l'escalier, les aventures ne vous scrutent pas de leur regard lointain. D'ailleurs, elles portent des lunettes fumées et n'ont plus ni forme, ni fond.

12.

« Ainsi, tout au long d'interminables crépuscules je rêvais et j'attendais ; j'attendais je ne sais quoi. »

(H.P. Lovecraft, « Je suis d'ailleurs »)

Quand les crépuscules sont interminables, c'est qu'ils s'attardent en chemin.

On raconte que jadis des bandes de crépuscules circulaient entre les chiens et les loups, s'attaquant aux fermes isolées, y écorchant ses habitants afin qu'ils révélassent les cachettes de leur argent.

C'étaient au temps des assassins.

Aujourd'hui, on peut voir bon nombre de crépuscules s'étaler sur des toiles et des photos. On dirait des œufs sur le plat striés de lard, ou encore des œufs brouillés masquant quelque girafe fantôme.

Je n'ai pas en ma possession le fameux dictionnaire de la langue des Crépuscules, auquel Lovecraft fait allusion dans un conte qu'il n'a pas écrit.

Je le regrette. J'aime les curiosités.

Patrice Houzeau

Malo, le 15 septembre 2022.

14 septembre 2022

JE ME SUIS FAIT DES OEUFS SUR LE PLAT ET JEAN-LUC GODARD EST MORT

JE ME SUIS FAIT DES OEUFS SUR LE PLAT ET JEAN-LUC GODARD EST MORT

1.

« L'île n'est donc pas dès le départ un lieu hermétiquement clos. Elle le devient au cours du roman, comme une pièce qui se refermerait progressivement sur ses occupants. »

(Pierre Bayard, « La Vérité sur dix petits nègres »)

Où l'on apprend que parfois les îles comme les pièces se referment sur leurs occupants.

Ainsi se ferment les parenthèses. Ainsi se ferment les tombeaux. Ainsi se ferment les romans, les rideaux et les trappes.

Quelque chose toujours nous piège.

A s'débattre dans des séries de coups fourrés, un parcours de lucidité, c'est comme ça qu'on existe nous autres. Et chacun est fatalement le piège de quelqu'un.

2.

« La belle, si tu veux, je ferai ton lit

Dans le décor sanglant de ma boutique. »

(Robert Desnos, « Couplet du boucher »)

Parfois, dans sa boutique, béat, le boucher rêve de beauté.

3.

« France, France, réponds à ma triste querelle :

Mais nul, sinon Echo, ne répond à ma voix. »

(Joachim du Bellay)

Parfois, qu'on appelle la France, et y a que l'Echo qui répond, et encore, défois, i répond pas, l'Echo, il est parti au bistrot.

4.

« - L'arcane, arrivant à la dernière de ces dix fenêtres, est de surprendre à l'autre fenêtre au travers de la chambre ténébreuse et inhabitée un autre fragment de la carte sidérale. »

(Paul Claudel, « La Nuit à la vérandah »)

Contemplant les temples invisibles du ciel noir, je me dis que peut-être le cosmos, c'est du fromage mou, tout noir de caillots, dans la tête d'un dieu cacochyme, immobile, muet, alors vous pensez, les arcanes célestes, c'est pas dans cette encre là que je trempe ma plume.

5.

« Cependant celle-ci [Flatterie] est décriée de nos jours, du moins par les gens que troublent les mots et non les réalités. »

(Erasme traduit par Pierre de Nolhac, « Eloge de la folie »)

Les mots peuvent-ils troubler les gens plus que le font les réalités ?

Le langage pouvant tout aussi bien dire vrai du réel que d'en dire faux, les mots peuvent servir à exprimer tous les complots que les ennemis de la réalité imaginent pour piéger la conscience.

Ainsi la Toile est-elle pleine d'araignées complotistes.

En 2022, les réseaux sociaux étaient pleins des échos d'une guerre entre l'assassin Poutine présenté comme un sauveur de l'humanité (quelle sinistre farce !) et le soi-disant « Empire du mensonge » occidental.

6.

Tout au long de mon existence, beaucoup de livres que j'eus en ma possession, ont disparu. Je ne savais pas mon fantôme si grand lecteur.

7.

« - vous en verrez sortir toutes sortes de bêtes dont les hommes ont depuis longtemps oublié le nom, à supposer qu'on leur en ait jamais donné un. »

(Bernanos, « Monsieur Ouine » [le curé de Fenouille])

Où l'on apprend que certains êtres, soit ils sont innommables, soit leur nom a depuis longtemps été oublié.

La littérature fantastique tente de nommer les êtres que l'on ne sait plus nommer.

Je ne sais pas non plus nommer tous mes êtres.

Dans les films d'horreur, l'être de l'ombre, dont la jeune fille ne connaît pas le nom, l'être de l'ombre, lui, le connaît, le prénom de la jeune fille, et il le murmure dans les nuits suspiriennes.

8.

Tout le monde n'aime pas les quatuors à cordes de Debussy.

Notons que les quatuors à cordes de Debussy s'en moquent bien.

Je pense assez que le fantôme de Debussy s'en moque aussi.

Tout le monde ne connaît pas les quatuors à cordes de Debussy.

Notons que les quatuors à cordes de Debussy s'en moquent tout autant.

Quant au fantôme de Debussy, nul doute qu'il s'en tamponne le tempo avec la vivacité d'un pizzicato.

Ils poursuivent leur chemin de quatuor à cordes, les quatuors à cordes de Debussy, ils poursuivent leur chemin pour ceux qui les apprécient, et qui sont tout de même assez nombreux, les happy few.

9.

Fumer la pipe est un geste qui se fait rare.

Consulter sa montre aussi.

Porter un imperméable et un chapeau, fumer la pipe et consulter sa montre feront songer, en particulier si vous êtes grand, que vous imitez le Monsieur Hulot de Jacques Tati. Monsieur Hulot est quelqu'un de si rare qu'on ne le voit guère que dans les films qui lui sont consacrés.

10.

Le 13 septembre 2022, je me suis fait des œufs sur le plat et le cinéaste Jean-Luc Godard est mort. Je me souviens de « A bout de souffle » et de « Pierrot le Fou », de Jean-Paul Belmondo et de Jean Seberg, de Ferdinand et de Anna Karina, de « Qu'est-ce que j'peux faire, j'sais pas quoi faire. »

Je ne sais pas s'il y a beaucoup de scènes dans les films de Godard où les personnages se font des œufs sur le plat.

Patrice Houzeau

Malo, le 14 septembre 2022.

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