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24 avril 2020

EXERCICE DE MAUVAISE FOI A PROPOS DE POESIE MODERNE

EXERCICE DE MAUVAISE FOI A PROPOS DE POESIE MODERNE

1. En poésie moderne, faut toujours surprendre le lecteur, ce gogo qui a acheté vot' recueil. On ne dira donc pas : « Il n'y a pas de fumée sans feu » mais « Pas de fumée sans passion », ce qui vous permettra d'exprimer ensuite votre penchant pour Titine en affirmant que zavez l'cœur fumant.

2. En poésie moderne, on écrit « pierre qui roule jamais n'amasse l'insolence du colibri », ce qui permet de faire dans l'allitératif abscons en flanquant vot' colibri d'un réseau lexical bien contondant genre : « l'espérance à soulier de braconnier », « la foi sifflante du charbonnier », « la groupie du pianiste ».

Remarque : J'ai choisi « colibri » parce que « l'insolence de la sardine à l'huile » ou « l'ingratitude du cornichon confiné », à vrai dire, je ne les sentais pas bien.

3. En poésie moderne, on écrira « celui qui est allé loin a ménagé ses morsures », ce qui permet d'imaginer aisément qu'le passé vous poursuit, vampirique anthropophage civilisationnel (sinon ça ne vaut pas l'coup) vous mordant de ci de là pareil au fauve traqué et néanmoins pagayant.

4. En poésie moderne, on ne craindra pas d'évoquer « l'odeur de dieu » sans préciser plus avant à cause qu'on risquerait bien de partir en free style dégénératif dans le style doukipudonktan

5. A partir des quatre brefs précédents, il est maintenant aisé de composer du n'importe quoi à la pistache publiable dans l'une ou l'autre revue de poésie contemporaine et affolée : Allonzy.

        Pas de fumée sans passion.
       
La pierre a délié son contrat.
    
Pourtant, la foi sifflante du charbonnier a reconnu son roulis et que jamais elle n'amasse l'insolence du colibri.
    
Vous avez voulu la groupie en dépit du pianiste et n'avez saisi dans vos mains larges comme l'horizon à souvenance d'homme que l'espérance à soulier de braconnier.
      
Vous avez pris votre cœur fumant ; vous avez résilié vos serments.
    
Ayant ménagé vos morsures, vous êtes allé loin, bien loin, comme un bohémien traqué et néanmoins pagayant comme un fauve et vos yeux sont pleins encore de l'odeur de dieu.
      
Vous avez crié Aline pour qu'elle revienne.

C'est-y pas beau ? Vous appelez ça « Javanache 36 » (1), « Résilience 48 », « Après-venir » ou « Dans le leurre du seuil » (2) et vous pouvez maintenant affronter les plus profonds des esprits poétiques de notre temps, ceux qui lisent leurs poèmes avec des voix aussi solennelles que s'ils vous annonçaient le retour de Louis XVI et de sa tête coupée. Vous n'oublierez pas bien entendu de fustiger les idoles du temps fabriquées par le capitalisme aliénant (3) et d'inviter la petite stagiaire rougissante dans un restaurant squ'il y a de bien car de toute façon, c'est pas vous qui payez, y a des subventions eh oh quand même.

Notes :
(1) N'ayez par peur, de temps à autre mais pas trop souvent quand même sinon ça se voit, d'user de mots qui ne veulent absolument rien dire. Il y aura toujours un possédé d'la linguistique ou un agité de psychanalyse qui trouvera un sens à vot' charabia.
(2) Ah ça faut faire attention au « leurre du seuil », sinon on s'casse la gueule.
(3) Le capitalisme est toujours « aliénant » et le communisme toujours « à venir », c'est prouvé ils l'ont dit à la télé.

Patrice Houzeau
Les Confins, le 24 avril 2020.

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