AVEUGLE ET EN DANSANT
AVEUGLE ET EN DANSANT
1.
« Les dieux narquois partout se meurent
Et s'émeuvent les enchanteurs,
Les fleurs se fanent, les fées pleurent. »
(Apollinaire, « Elégie du voyageur aux pieds blessés »)
Les bipèdes i portent des dieux
Narquois défois pis qui meurent
Passque tout finit par mourir &
Les humains & tous leurs dieux.
Je ne connais pas d'enchanteur qui
Pourrait la vaincre la mort car ça
Meurt aussi un enchanteur puis les
Légendes nos yeux ne peuvent + les
Déchiffrer pis qu'les rats les ont
Dévorées toutes nos bibliothèques.
Les jeunes filles dans la rue
Sous le dragon invisible dans
L'espace les jeunes filles de
La rue portent des masques et
Passent tandis qu'il passe de
Bouche en bouche l'invisible.
Les jeunes filles dans la rue
Le vent passe & ce sont leurs
Filles maintenant qui passent
Puis les jeunes filles comme le
Livre des légendes l'enchanteur
Tous les dieux de chaque bipède
Qui passe dans la rue qui passe
Les jeunes filles finissent par
Des squelettes aux placards des
Vieilles demeures dans l'espace
Et le temps ce cycle des fleurs
Des lunes & des sorts Quant aux
Fées elles tombent en pluie les
Fées en pluie sur les villes et
On n'y fait même plus attention
2.
« Regarde-moi c'est moi je ne suis pas un songe »
Dit La Muse d'un poème d'Apollinaire bin si Tu es
Un songe juste un vers dont tout le monde se fout
3.
« Lorsque vous partirez, je ne vous dirai rien »
(Apollinaire, in « Il y a »)
Défois l'Ogre aussi i dit ça lorsque vous
Partirez je ne vous dirai rien mais c'est
Passque la personne elle pourra plus dire
Voir ouïr because elle aura plus d'langue
Ni de bouche ni d'oreilles ni d'yeux elle
Sera plus rien qu'un tas d'os dans un sac
4.
« Ce dieu jaloux comme le sont les dieux uniques »
Dit fort justement Apollinaire qu'dans l'Olympe ça
S'frite défois pis en foudres qu'ça éclate mais vu
Que les dieux sont immortels ça fait des histoires
Qu'on appelle Mythologie mais rien à voir avec les
Grands massacres que les aveugles à deux pattes se
Font au nom d'un dieu qui n'existe pas plus que ça
5.
« Deux dames le long le long du fleuve
Elles se parlent par-dessus l'eau
Et sur le pont de leurs paroles
La foule passe et repasse en dansant »
(Apollinaire, « Le pont »)
« Deux dames » et pourquoi pas trois
Qu'ça ferait comme dans la chanson à
L'étang aux trois canards y viennent
Trois dames les ramassant comme itou
Les mains mortes en automne et encor
Quoi les paroles d'ces deux dames là
L'une c'est la vie l'autre la mort &
« par-dessus l'eau » elles se disent
Les choses qu'ça fait un pont Dessus
Passe la foule aveugle & en dansant.
& ces « deux dames le long le
Long du fleuve » dont parle le
Narrateur Apollinaire seraient
-elles pas défois les mères de
Deux jeunes filles dans la rue
Le vent passe et ce sont leurs
Filles maintenant qui passent.
Patrice Houzeau
Malo, le 22 février 2021