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14 décembre 2022

UNE VICTOIRE ENIGMATIQUE

UNE VICTOIRE ENIGMATIQUE

Notes sur la Préface de « Humain, trop humain », de Nietzsche traduit par Desrousseaux et Albert (le Livre de Poche, « Les Classiques de la Philosophie »).

1.
« Des lacs et des rets pour les oiseaux imprudents » : c'est ainsi que Nietzsche lui-même dans sa préface à « Humain, trop humain », qualifie les pièges que peuvent devenir ses arguments pour des esprits qui exerceraient leurs critiques en volant de travers.

2.

« Une école du soupçon » ; la « vie » vit-elle de la « tromperie » ; vivre, est-ce tromper autant que se tromper ? Les « esprits libres » sont-ils une invention ? De l'utilité des « compagnons et fantômes » de fiction que l'on fréquente et que l'on révoque à son aise.

Poutine, en persistant dans sa sale guerre en Ukraine, sait-il qu'il se trompe tout autant qu'il trompe les Russes ? Je crains la révélation qu'il pourrait se faire à lui-même. Poutine sera-t-il assez fort pour supporter soudain de comprendre, ou restera-t-il dans le déni, prolongeant horreur et bêtise ?

3.

Une « victoire énigmatique », celle sur ses déterminismes que l'on ne peut pourtant pas complètement annihiler, quand bien même on ferait de la philosophie une logique imperturbable, objective, implacable, catégorique et tendant à l'efficacité d'un système administratif.

De là sans doute le goût des pouvoirs totalitaires pour les dogmes « démontrés », le goût des partis extrémistes pour les gouvernances qui fondent l'individu dans la masse des citoyens obéissants, soumis à une norme d'autant plus rigide qu'elle est présentée comme morale, salutaire, verticale, transcendante.

4;
« Tout peut-il être faux en dernière analyse ? » se demande le narrateur nietzschéen, replongeant le lecteur dans le vertige du paradoxe du menteur.

5.

De la « santé débordante » de « l'esprit libre » qui ne peut se passer de la « maladie » puisque cette « santé » est d'autant plus éclatante et renforcée qu'elle se gagne par une victoire sur la « maladie ». Notons qu'il s'agit d'une victoire sur soi-même, et non un appel à éradiquer. Réfléchir n'est pas tuer.

6.

Éloge du lieu d'être : « Qui comprend, comme lui, le bonheur qu'il y a dans l'hiver, dans les taches de soleil sur la muraille ! » Lisant Nietzsche, j'y crois parfois entendre des échos du Rimbaud des «illuminations ».

7.

Des « vertus » non comme des « maîtresses », mais comme des « instruments ». Des contraintes dont on se fait des aubaines, des outils, des armes. Y aurait-il une virtuosité du vrai ? Être authentique, est-ce être virtuose, à la manière d'un danseur, d'un musicien, d'un peintre et d'un poète ?

8.

L'esprit face à « l'énigme de sa libération ». La « vocation » nous voue à ce que « nous ne connaissons pas encore » : nous agissons en vertu d'un avenir que nous ignorons ; « c'est l'avenir qui dicte sa règle à notre présent » écrit Nietzsche.

Une autre lecture, plus positiviste, dirait que c'est en fonction de l'avenir que nous agissons et que donc, les nécessités du futur, nous obligeant à la prévoyance et aux préparatifs, conditionnent le présent. Morale de carriériste, de militant, d'individu responsable, d’expérimentateur, de citoyen modèle, de professeur, de stratège.

9.

« surtout que, dans certains cas, comme l'indique le proverbe, on ne reste philosophe qu'en gardant le silence. »

(Nietzsche, « Humain, trop humain », Préface, 1886).

Se taire, est-ce snober le réel, le désavouer, l'envoyer paître avec tous ses bavards ?

 

Patrice Houzeau

Malo, le 14 décembre 2022.

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