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9 février 2023

SANS DOUTE PEUT-ON DOUTER DE TOUT SAUF DU DOUTE

SANS DOUTE PEUT-ON DOUTER DE TOUT SAUF DU DOUTE

1.
On peut, comme Wittgenstein, poser la condition « si je ne le sais que par moi-même », et se demander si ce que je sais « par-moi-même » correspond à ce que sait autrui. Suis-je bien sûr que ce que je nomme « liberté », « hasard », « dieu », « choucroute » correspond à ce à quoi se réfère autrui quand il parle de liberté, de hasard, de dieu ou de la choucroute ?

Pour la choucroute, il y a certainement consensus.

On me dira que c'est le but de la philosophie que de donner une définition objective aux concepts de « liberté », de « hasard », de « dieu » et même de « choucroute ».

Eh bien, apparemment, on ne lit pas vraiment les philosophes.

Ou alors, on les lit, mais on ne les comprend pas. Ou on feint de ne pas les comprendre.

Citation :
"Si je ne le sais que par moi-même, je ne sais que ce que moi-même je nomme ainsi, non pas ce que nommerait ainsi un autre." 
(Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 347).

2.
On peut, comme Wittgenstein, se demander ce que signifie le « pourrait ». Sans certaines règles grammaticales, certains faits ne pourraient être exprimés. Cela revient à dire que certains fait existent en dehors du langage, ou sont à l’extrême limite de ce que le langage peut exprimer. Comment décrire le sentiment de l'imminence de sa propre mort ? Comment décrire le parfum d'une rose de manière à le rendre « vivant », vraisemblable à celui qui n'a jamais approché une rose ? Qu'exprime-t-on, la douleur ou les signes de la douleur ? Le réel est plein de ces inaccessibles sémantiques, aussi réels qu'une planète découverte par calcul mais qui reste invisible.

Citation :
« Si quelqu'un dit : « Si notre langage n'avait pas cette règle grammaticale, il ne pourrait pas exprimer ces faits » - que l'on se demande ce que signifie ici le « pourrait ».
(Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 497).

3.
Le réel est arbitraire (« le monde est injuste ») parce que les règles grammaticales sont arbitraires mène à la proposition : créons un langage purement logique (celui des machines) pour aboutir à un monde qui serait fatalement juste puisque logique. Alors, nous quitterions l'humanité pour le règne des robots, des efficacités justement rétribuées, des bonheurs justement mérités, des sacrifices logiquement nécessaires.

4.
Sans doute peut-on douter de tout, sauf du doute. La logique est-elle la science du doute ? Le réel ne peut-il être réel que parce qu'il est douteux ?

5.
On peut, comme Wittgenstein, se demander comment l'autre « sait ce qu'il veut dire ». Ce que j'entends, ce sont les signes de ce qu'il veut dire, les symptômes d'un vouloir-dire. Ce qu'il veut dire réellement, le sait-il lui-même ? Devrait-il le savoir ? Il ne veut pas dire, il signifie.

Citation :
« Comment doit-il savoir ce qu'il veut dire, il n'a guère que ses signes. » (Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques », 504).

6.
Le langage mime le réel à la façon des trois singes, dont l'un se bouche les oreilles, l'autre se bouche les yeux, et le dernier se tait. Nous ne pouvons tout dire du réel car nous résistons à la tentation de pousser la logique jusqu’aux limites de l'absurde.

Patrice Houzeau
Malo, le 9 février 2023.

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