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BREFS ET AUTRES
25 mai 2023

ET POURQUOI PEREC ET POURQUOI PAS PEREC

ET POURQUOI PEREC ET POURQUOI PAS PEREC

1.
Chrétien de Troyes en français moderne par Jean Dufournet, « Perceval ou le conte du graal », Librio n°1118. Inachevé et faut s’accrocher car exploits chevaleresques, duels, tournois, batailles, aventures étonnantes et merveilleuses se succèdent tant qu’on ne peut les retenir toutes à première lecture, d’autant qu’à l’histoire de Perceval se mêle aussi celle de Gauvain. Il y a beaucoup de jeunes filles aussi et des notations qui renseignent sur quelques réalités médiévales.

Perceval, c’est d’abord celui qui ne sait rien. Je note que dans son « Kaamelott », Alexandre Astier a fait de Perceval le Gallois un ignorant aux raisonnements parfois déroutants. Et pourtant, à plusieurs reprises, la Dame du Lac précise au roi Arthur (et ça l’épate bien, le roi) que Perceval aura une destinée exceptionnelle. Ce roman, c’est celui de l’occasion perdue du Graal que Perceval voit passer sans qu’il s’en doute et n’ose interroger, celui de la rencontre avec le roi pêcheur, celui de la fascination du sang sur la neige.

Citation :
« Absorbé par cette pensée, il s’oublia lui-même : le vermeil de son visage ressortait sur le blanc de la même manière que ces trois gouttes de sang qui apparaissaient sur la neige blanche. » (Librio p.70)

2.
Philip K. Dick (traduit par Michel Deutsch et Isabelle Delord) « Coulez mes larmes, dit le policier ». J'ai Lu n°2451. Science-fiction brillante, foisonnante. Fantaisies spéculatives et autres paradoxes sur l'Etat-policier, la loi et l'ordre, les drogues de synthèse, l'espace-temps, « l'espace multiple », le sujet et la perception du réel, le vrai, le faux, l'illusion, le sexe virtuel (dont Philip K. Dick évoque les dangers avec une précision telle qu'il semble prédire Internet), la célébrité, le spectacle et le secret, l'évolution des mœurs, les années 70 (le roman fut publié en 1974) en toujours plus remuant, bizarre, psychédélique et logique prolongement des années 60, quelques figures de filles et de femmes que, dans ses aléas hallucinés, trouve ou retrouve Jason Taverner, l'un des deux personnages principaux, l'autre étant le trouble et mélancolique général de police Félix Buckman.

A parcourir en écoutant du Grateful Dead, ou du Dowland (« Flow my tears... »), ou le silence effrayant des espaces infinis.

Citation :
« C'était sans issue. Il avait l'impression que le monde était en caoutchouc. Tout rebondissait, changeait de forme à peine touché ou même aperçu. » (p.256).

3.
Le livre « La Salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint (Les Editions de Minuit) ne raconte pas la lente transformation du narrateur en salle de bain.

Le livre « La Salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint n'est pas un roman-fleuve (120 pages, c'est court). Un roman-robinet (qui fuit) peut-être ?

Le livre « La Salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint est plein de détails de la vie domestique du narrateur dont on se fiche complètement (et des détails et du narrateur) mais qui peuvent fasciner si on les relit plusieurs fois. C'est hypnotique comme un vieux film américain en VO noir et blanc qu'on suit jusqu'au bout sans tout comprendre. Sinon, c'est bien, on peut sauter des lignes, des passages, des moitiés de paragraphes, on comprend quand même que le roman n'évoque pas grand chose.

Un roman qui n'évoque pas grand chose est-il lui-même pas grand chose ? Pas si sûr. Tout dépend du sens que l'on donne au verbe « évoquer ».

Tout de même, à un moment, on se dit : ah tiens le récit va-t-il basculer dans une autre dimension ? le narrateur est-il en train d'assassiner sa compagne ? (se posant cette question, il écarquilla les yeux). Mais on est vite rassuré et tout reprend son train-train quotidien et circulaire.

Je soupçonne que la composition du livre « La Salle de bain », de Jean-Philippe Toussaint relève de l'écriture à contrainte mais :
a) je n'en suis pas sûr,
b) s'il y en a une, j'ai la flemme de chercher en quoi elle consiste,
c) je m'en fiche.

Le livre « La Salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint se laisse lire parce qu'il est plutôt gentil. En conséquence, il ne vous empêchera pas de vous endormir. Produit dérivé du « Nouveau roman » ? Littérature d'ameublement ? Littérature d'intérieur ? Hommage à Perec ? (et pourquoi Perec ? et pourquoi pas Perec ?).

J'ai l'air de critiquer comme ça que je me disais que « La Salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint est un livre d'où l'on sort aussi facilement que l'on entre et sort d'une salle de bain, que je n'en dirai pas du mal bien que je n'en dise pas du bien, mais que c'est tout de même bien mieux que les pavés académiques et psychologisants et si humainement illusoires dont on nous cause sur France Inter et aussi France Culture, mais pas France Musique.

Conclusion : je ne sais pas si j'aime ce livre, mais il se pourrait que je le relise, bien que je préfère tout de même Philip K. Dick, Agatha Christie, Simenon, San-Antonio, Hugo Pratt, Jean-Pierre Mocky, The White Stripes, The B-52's (le groupe de rock), Robert Charlebois, Frank Zappa, The Residents, Lucky Luke, Barbarella, Gainsbourg, Raymond Queneau, la soupe de poisson, le steak-frites, la tarte au riz, la bière blonde, la bière brune, la bière rouge, la bière rousse, le chat et ma tranquillité.

Je n'ai sans doute pas perçu tout l'humour du livre « La Salle de bain », de Jean-Philippe Toussaint, bien que le narrateur se mette à raconter « le naufrage du Titanic » à une petite fille me fasse soupçonner quelque discrète parodie à froid.

Patrice Houzeau
Malo, le 25 mai 2023.

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