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18 décembre 2023

SAN-ANTONIO LA PUCELLE ET LE MÔME PRODIGE

SAN-ANTONIO LA PUCELLE ET LE MÔME PRODIGE

1.
Dans « Champagne pour tout le monde », il y a un passage où San-Antonio (puisque nous y sommes) cogite et conte, rapport à sa fonction littéraire qui consiste à conter, cogiter et agir dans un maquis d'invraisemblances épatantes que recèlent des phrases composées dans une langue qui swingue le français aussi bien que jazz, blues, pop, rock et autres excentriques électricités sont capables de swinguer l'angliche des Amériques. Il cogite et donc considère, car San-Antonio est un homme qui prend le réel en considération, bien qu'il n'en pense, loin de là, pas que du bien. Et quoi donc qu'il considère, ce héros des temps modernes ? Il considère que la voix de Sinatra, qu'il entend sur un bon vieux vinyl des Trente Glorieuses charmer les pucelles de l'invisible, s'accorde bien avec une morte que ce témoin de la geste de Béru-Le-Gras, vient, je le suppose car ça va de, de découvrir car ses histoires, au San-Antonio, sont pleines des cadavres que le réel ne peut décemment pas accepter dans ses placards, et aussi avec le « décor », qu'elle s'accorde, la romance sinatresque, en l’occurrence, un « canapé plantureux sur lequel traîne encore une revue de mode. » Ce décor avec son mort, savez quoi, il sent le chic, ou le toc.
(cf San-Antonio, « Champagne pour tout le monde ! », Fleuve noir 106, p.65)

2.
« Dans le « Perceval », de Chrétien de Troyes, un passage rappelle que les romans de chevalerie ne sont pas que des suites de batailles et d’exploits plus ou moins surnaturels : cette rencontre que le chevalier fait d'une pucelle montant un « palefroi tout maigre et fatigué », « malingre », laissé « sans soins », « tremblant de froid, tout morfondu », « n'avait que cuir sur le dos », - c'est-à-dire la peau sur les os -, et puisque la mort est plus affaire de mâchoire que de mystique, guetté par la « curée » qu'attendent les « mâtins ».
Ce mauvais sort du cheval, la jeune fille, visiblement, le partage : « la plus misérable du monde », « belle » bien sûr, puisqu'il est que la beauté ne protège pas non plus de la misère, « belle » et misérable donc. Le point de vue se porte d'abord sur ses vêtements, une « pauvre vêture », « mal recousu[e] à grosses coutures, et partout rattaché[e] de nœuds laissant pourtant passer les seins. » Le mot « seins » permet ici de passer de la vêture à la « chair » de la jeune fille, « blessée », « crevassée », puisque vouée à tous les temps. Ce passage se finit sur le « visage », l'humain « ravagé par les tristes traces des larmes », ce qui provoque cette exclamation sur le « cœur » qui « pouvait souffrir quand le corps montrait tel malheur ! ».
(cf Chrétien de Troyes, « Perceval ou le Roman du Graal », traduction de Jean-Pierre Foucher et André Ortais, folio classique 537, p.102).

3.
Dans « La Nuit des enfants rois », de Bernard Lenteric, il est question d'enfants surdoués. A la page 66 de l'édition du Livre de poche n°5666, l'auteur rend compte des pensées d'un de ces prodiges. Il commence par raconter qu'à l'âge de « six ans », il se faisait refouler des bibliothèques où il comptait trouver une nourriture intellectuelle qui le changerait de la Bible domestique. On ne le laisse pourtant pas repartir tout seul dans la rue, le môme phénomène. On prévient la mère qui ramène son affolement « habituel ».
Le môme, il ne peut pas rentrer dans les bibliothèques, mais est obligé d'aller s'ennuyer à l'école où il constate que ses petits contemporains sont très lents de la comprenette puisqu'ils mettent un temps qui n'en finit plus à « apprendre à lire et à écrire », c'est-à-dire maîtriser un « code de communication », un « outil » donc, « d'ailleurs assez limité », qu'il juge, le petit cerveau.
La langue écrite n'est-il qu'un « code de communication » ? En voilà une question que je me pose et dont je ne sais pas la réponse parce que là, je vais me préparer à manger en écoutant « Very Good Trip », la souvent excellente émission pop/rock de Michka Assayas, le soir, à 21 heures sur France Inter.
Bref, le môme se rend vite compte que là où il est, il est tout seul dans son genre qui retient, pige, calcule tout et le reste. D'où cette question :
« Que suis-je donc ?
« Un monstre ? »
Va savouair, Albert.

Patrice Houzeau
Malo, le 18 décembre 2023.

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