TOUSSAINT
TOUSSAINT
« Des enfants morts parlent parfois avec leur mère
Et des mortes parfois voudraient bien revenir »
(Apollinaire, « Rhénane d'automne »)
Des onomatopées que l'on trouve dans cette « Rhénane d'automne » - il y a le kikiriki des coqs (mais « Nul coq n'a chanté aujourd'hui », dit le poème), il y a le hi han des « bons ânes » qui « se mettent à brouter les fleurs / Des couronnes mortuaires ». On n'entend pas les cris des
Enfants des morts « qui vont jouer / Dans le cimetière ». C'est sans doute qu'ils ne crient pas. Les
Morts ça ne les dérange pas, ce curieux début de Toussaint. D'ailleurs, ils
Parlent parfois avec leur mère, les « enfants morts » ; c'est que
Parfois les morts se rappellent aux vivants. C'est
Avec mélancolie, ah oui, que le poète évoque les morts (« Vous mendiants morts saouls de bière / Vous les aveugles comme le destin / Et vous petits enfants morts en prière »). A
Leur mère, ils parlent parfois, dis, les enfants morts. Que dit la
Mère ? Que dit l'enfant ? Comprenons-nous toujours où ils veulent en venir ?
Et voilà pourquoi j'aime la poésie, c'est un mystère qui ne s'épuise pas.
Des énigmes, comme dans les romans policiers, des énigmes et des
Mortes qui « voudraient bien revenir ».
Parfois, les feuilles mortes sont des « mains coupées », et parfois les mains coupées sont des « feuilles mortes ». Parfois sous les feuilles mortes, on trouve des mains coupées. « Ce sont les mains des chères mortes / Ce sont tes mains coupées », dit le poème.
Voudraient-elles, ces jeunes filles, de nouveau rire et chanter, manger de la viande, boire, fumer, danser ?
Bien sûr, je n'en doute pas qu'elles le voudraient, si elles pouvaient
Revenir, nos mortes, nos mères, nos jeunes filles.
Patrice Houzeau
Malo, le 11 août 2023.