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BREFS ET AUTRES
3 février 2024

COMME LE VENT AGITE LES OMBRES

COMME LE VENT AGITE LES OMBRES

1.
« Il est amusant de surprendre une chambre en l'absence de son locataire. Le mobilier se figea de stupeur quand je fis la lumière. »
(Nabokov, « Le Guetteur » [le narrateur])
Tandis que si vous ne faites pas la lumière, les choses s'emparent de vous et vous étranglent.

2.
« Dans une cité de la Vieille-Castille la nuit tombe, bleue. Sur le cours les ombres sont bleues. Le trottoir est bleu. Les arbres sont bleus. Les promeneurs sont bleus, excepté que le rire de cette jeune fille est tout rouge. »
(Francis Jammes, « Nocturne à Burgos »)
En quelques lignes, ce tableau épatant : Rire rouge de jeune fille sur fond bleu.

3.
Il est 6 heures, allumons la radio et consultons les massacres.

4.
« Tout se passe alors en un temps record, comme on dit je sais plus où, mais on le dit. »
(San-Antonio, « Champagne pour tout le monde ! »)
C'est d'ailleurs dans le je sais plus où qu'on dit et qu'on entend le plus de choses. « C'est parfois vérité, et c'est parfois mensonge », et je vous dis ça parce que je l'ai entendu dans une chanson de Gilles Vigneault.

5.
« On a remarqué, avec grande raison, que la Révolution française mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. »
(Joseph de Maistre, « Considérations sur la France »)
L'Histoire fait-elle les bipèdes autres qu'ils l'auraient voulu eux-mêmes si les événements ne les poussaient à ?

6.
« She's been typing letters since this morning. »
(exemple grammatical)
typing letters since this morning
typing letters since this morning
typing letters since this morning
Hypnotiques, parfois, les exemples de grammaire.

7.
« Parce que rien ne se fait de rien, Dieu n'aura su bâtir le monde sans matière. Quoi ! Dieu nous a-t-il mis en mains les clés et les derniers ressorts de sa puissance ? »
(Montaigne, « Les Essais », II,12)
Peut-être bien, mais pour le mode d'emploi, pour l'instant, on continue à ne pas comprendre. Et puis, pourquoi la matière aurait-elle besoin d'un dieu pour se développer ? Du reste, ce développement n'est jamais que dans nos équations et le véritable intérêt de ces équations réside dans leur universalité. Notre monde étant voué à disparaître, on peut toujours penser que dans l'infini des mondes, il s'en trouve un nombre suffisant qui sache manipuler et utiliser ces mêmes équations et leurs promesses d'infini.

8.
Dire que, comme je l'ai encore entendu hier matin (2 février 2024) sur France Inter, que « l'angoisse de la fin du mois éclipse celle de la fin du monde » est devenu un lieu commun. Bien forcé de hausser les épaules : nous sommes bien trop nombreux et avons trop de besoins pour que l'on puisse songer avec quelques espérance de réussite, à sauver l'humanité d'elle-même.

9.
« Je me crois en enfer, donc j'y suis. »
(Rimbaud, « Une Saison en enfer » [le narrateur])
Aussi feignons-nous souvent de nous croire en « enfer », encore que bon nombre de gens vivent, en dépit du « quoi qu'il en coûte » de nos zorros gouvernementaux, un véritable enfer.

10.
« J'ai dit encore : Ecoute,
Ecoute,
Il y a quelqu'un derrière l'écho »
(Henri de Régnier, « Les médailles d'argile »)
Oh bin oui, et il est même pas toujours très poli, ni même intéressant. Souvent, c'est n'importe quoi, ce « quelqu'un derrière l'écho ».

11.
L'univers se retournera-t-il comme un gant ?
C'est le genre de question idiote que j'aime à me poser parce que je suis et que, comme dit l'autre, puisque j'y suis, j'y reste.
Dans le même genre, je conçois que 2 + 2 seront quatre tant qu'il y aura une conscience raisonnable, fût-elle sur la plus lointaine des planètes habitées, pour le penser. Que la raison déserte l'universel et il n'y aura plus ni une ni deux.
Il en est de même pour tous nos dieux qui n’existent que parce que nous les agitons comme le vent agite les ombres.

12.
« Comment, oui, comment a-t-on pu me parler d'un chien jaune il y a cinq ans, alors que ce chien-là, sans doute, n'était pas né ? »
(Simenon, « Le Chien jaune » [Michoux])
La prophétie du chien jaune... Moi, je n'y crois pas, et vous ?

13.
« Dieu avec le Roi ? Ça n'arrive jamais. Une fois par siècle, au moment des croisades, quand toute la chrétienté crie : « Dieu le veut ! » Et encore ! Tu sais comme moi quelle cuisine cela cache une fois sur deux, les croisades. »
(Jean Anouilh, « Becket ou l'Honneur de Dieu » [le Roi à Becket])
La politique, c'est parfois de la mauvaise cuisine, et Dieu ne mange pas de ce pain là.
Le « une fois sur deux » du Roi est une modulation. Qu'est-ce donc que ce « une fois sur deux » ? La part à Dieu ?
Quand bien même cette « croisade », cette résistance, cette reconquête serait juste, que viendrait y faire Dieu, sinon, de par la volonté des humains, persister dans l'être de sa non-existence ?

14.
« Comme il est difficile de se faire une idée exacte d'un homme d'après ce qu'on raconte de lui », pensait l'inspecteur Curry. »
(Agatha Christie, « Jeux de glaces »)
Surtout si cet homme n’existe pas.

15.
« My lady can sleep
Upon a handkerchief
Or if it be Fall
Upon a fallen leaf. »
(Leonard Cohen, « My lady can sleep »)
C'est ainsi que l'on attrape le goût des automnes, des adieux et des regrets. On peut préférer les cerises.

Patrice Houzeau
Malo, le 3 février 2024.

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