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BREFS ET AUTRES
1 octobre 2023

LOIN MAINTENANT

LOIN MAINTENANT

1.
« Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur,
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur »
(Rimbaud, « Le bateau ivre »)

« Libre ». Est-on jamais libre ?
J'ai appris, en cours de philosophie des lycées, comme tous les petits Français, que nous étions tous quasi entièrement conditionnés par notre milieu, l'hérédité, les structures sociales.
J'ai aussi appris que nous sommes presque tous entièrement libres au moment où des choix moraux se posent à nous de façon aiguë. Résister à Hitler, c'était faire librement le choix de la Résistance au nazisme. Collaborer avec Hitler (comme l'ont fait Pétain et Laval), c'était faire librement le choix de la traîtrise et de la saloperie.
Il en est de même pour Poutine. S'opposer, c'est résister. Ne pas s'opposer, c'est collaborer.
C'est aussi simple que ça.
C'est simple comme la liberté.
Je vais manger des rillettes et boire un verre de bière légère.

Sur France Inter ce dimanche, dans l'émission de Charline Vanhoenacker il y a une belle chronique sur le poème « La grasse matinée », de Jacques Prévert.
« La grasse matinée », de Jacques Prévert, est un des poèmes les plus intenses de la langue française.
La chronique le rappelle et lui rend hommage.
Je sais qu'il ne manque pas de petits profs de collège et de lycée, cuistres et bavards, qui méprisent Jacques Prévert. Des cons.

2.
« Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; »
(Rimbaud, « Le bateau ivre »)

Je me demande pourquoi des « lunules électriques » ?
Je ne me le demande pas.
La virtuosité des vers de Rimbaud me suffit.
Je lis Rimbaud comme j'écoute Pink Floyd.
Pour l'esthétique.
J'ai passé l'âge de m'enthousiasmer pour les exégèses.

Pourquoi Rimbaud a-t-il écrit « planche folle » ?
Est-ce de l'auto-ironie ?
Je ne sais pas si Rimbaud, au moment où il a composé « Le bateau ivre », avait conscience de son homosexualité.
Je ne sais pas et je m'en fiche.

Demain, cours.
Les élèves des lycées professionnels s'en fichent bien de Rimbaud.
Ils ont raison.
Ils ont autre chose à penser.
Avec la crise qui s'aiguise, ils ont même de plus en plus de choses à penser.
Je pressens des malaises.
Je pressens des rebellions.
Je pressens des troubles.
Il y a trop de problèmes en France.
Il y a trop de problèmes partout.
Je pressens que quelque chose de grave va arriver.
Si ce n'est la troisième guerre mondiale, ça y ressemblera beaucoup.

Je vais reprendre des rillettes et un peu de bière légère.

3.
« Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Behemots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilité bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets ! »
(Rimbaud, « Le bateau ivre »)

Je ne sais pas ce que sont les « Behemots ».
Paraît que ce sont des bêtes « prodigieuses » (parlent-elles latin ? Causent-elles chinois?) mentionnées par la Bible, nous dit une note.
Pour « Maelstroms », j'ai « gouffres marins » (édition Poésie/Gallimard, notes de Louis Forestier).
La Toile dit : « tourbillon d'eau ».
Le mot est d'origine néerlandaise (de « malen » : broyer et « strom » : courant).
Je ne parle pas néerlandais.
Je n'apprendrai jamais le néerlandais.
Je n'irai jamais aux Pays-Bas.
Je suis une poutre en allemand et une quiche en angliche.
Je ne vais jamais en Allemagne.
Je ne vais jamais en Angleterre.
J'aime bien le vers « Fileur éternel des immobilités bleues ».
J'aime bien écrire le vers « Fileur éternel des immobilités bleues ».
J'aime bien me dire le vers « Fileur éternel des immobilités bleues ».
J'imagine un dieu fileur, un roi peut-être, bleu de Prusse, de nuit, d'encre bleue.
Le genre de choses que je dessinais quand je me prenais pour un dessinateur.
J'ai laissé passer ce petit talent.
J'ai tout laisser filer.
J'ai manqué ma vie.
Elle a passé sous mes yeux.
Elle est loin maintenant.
Je reste planté ; la route est déserte.

Patrice Houzeau
Malo, le 1er octobre 2023.

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