QUE J'ME DEMANDE QUELLE MAIN FANTÔME
QUE J’ME DEMANDE QUELLE MAIN FANTÔME
1.
Dans le roman que j’suis en train d’parcourir, y a un gong qui « résonna soudainement dans le hall » qu’les gongs qui résonnent soudainement c’est mystérieux que j’me demande quelle main fantôme fit ainsi résonner le gong dans le hall.
Surtout qu’y a pas d’gong dans le hall, qui n’existe pas non plus, qu’elle me fait remarquer Zut en faisant des cocotes en papier avec les œuvres complètes de Robbe-Grillet.
2.
Il y a aussi de « l’attrait magnétique » dans les yeux de chaipaki. Les yeux, ça prouve l’humain on dit, mais si ça s’trouve, les cerveaux cogiteurs d’transhumanisme et robote compagnie, i vont nous en fabriquer, des faux vrais yeux qui prouvent l’humain là.
3.
Y a un personnage qui s’appelle Lucy, et ici, à Malo, y a le vent qui nous joue sa sonate pour porte plaintive. Lucy, à un moment, elle est « légèrement intriguée » par chaipakoi, peut-être la présence d’un gong qu’était pas là avant pis dans un hall qu’existe pas.
4.
Dans le roman, y a quelqu’un qui « peu de temps avant sa mort » avait écrit à Xyz. Xyz, c’est une inconnue pour moi. Je crois que c’est une jeune femme, mais si ça se trouve c’est un soufflant comme un phoque dans sa peau d’Inuit. Ce qui peut étonner.
A bien y songer, je ne crois pas que, dans toute l’œuvre d’Agatha Christie quelqu’un, même un peu avant sa mort, ait écrit à un soufflant comme un phoque dans sa peau d’Inuit.
5.
A la télé, y a du star trek qui fait du son fusant fusant fusant comme dans les flippers dans les bars d’antan, du temps où la Grande Pandémie n’avait pas encore transformé les démocraties en républiques sanitaires à niveaux.
6.
Y en i disent qu’il y aurait « comme fondement une chose en soi », bien que hein quoi qu’c’est va savoir. On lit ça chez Kant. Y a du quelque chose en soi qu’on connaît pas et que suppose tout ça qui est qui nous flotte dans la représentation.
7.
Y a aussi qu’il ne voit « toujours pas le rapport entre les clauses », dont je ne sais rien, « et la mort d’une jeune femme inconnue ». Enquêter, c’est nouer des liens entre des phénomènes. Y avait plus d’mayonnaise ; il en fut déçu.
8.
Comme il avait jeté ses osses par la fenêtre, i s’répandit partout. Comme il réfléchissait, il s’aperçut qu’il n’avait plus d’cerveau. Récupérer son cerveau est possible, s’il n’est point volant, le voleur de cerveaux ; lent non plus hein.
7.
Quand je sors les poubelles, des crabes géants se mettent à secouer les ombres en faisant de grands clacs-clacs. Les choses ont tendance à s’accumuler chez moi. Le spectacle n’était pas très beau à voir : le bocal de cornichons était vide.
8.
Parfois, j’en ai les bras qui tombent. Le temps que d’autres bras repoussent, ils se sont fait la malle. J’ai beau faire, je crois bien que je n’aurai jamais quatre bras.
9.
On s’écria : c’est la faute aux champignons ! La foule en furie fondit sur les groupes de champignons, lesquels, pleins d’effroi, s’escamotirent (ce qui veut dire qu’ils se tirèrent en escamot) pis dans la nature. Certains plongèrent dans le lac. Il y eut bien des poissons morts cette saison-là.
10.
Peut-on attraper la choucroute ? Bien sûr, on n’attrape pas la choucroute comme le covid nous asphyxie. Mais il est possible d’attraper une choucroute à condition qu’elle ne parte pas trop vite et qu’elle n’ait pas encore déployé ses turbo-saucisses.
11.
On peut toujours demander la lune ; il est infiniment rare qu’on nous l’accorde. Du reste, la lune se fiche de nous comme nous nous moquons des verres à moutarde qu’on fait tourner le soir pour évoquer les esprits. La lune, elle nous tire la langue, la lune.
12.
« soumis à la mort qui est dilution du souffle », je cite Onfray… Ça reste abstrait. La souffrance, v’là d’l’expressif… D’où la fascination morbide pour les corps souffrants, pour les jouirs aussi… D’où le cinéma, la représentation de la violence.
13.
« dilution du souffle », Onfray évoque aussi le « grand souffle du monde » dans lequel tous les souffles s’évanouissent. Derrière ce grand souffle, quel dieu ? Ce qu’ils avaient découvert dans… Pourquoi cherche-t-on ?
14.
Jouets de nos passions ? Les passions se jouent-elles de nous comme des marionnettistes jouent de… Les dieux, des représentations d’nos passions ? Les rituels, des stylisations de nos passions. Les jeux, les phrases…
15.
« Le coup avait été trop pénible et je me sentis incapable après cela d’avoir confiance en qui que ce fût. »
(Agatha Christie traduit par Louis Postif, « Meurtre en Mésopotamie » [Mrs Leidner])
Pourquoi, lisant cette phrase, je pense à l’Etat et à son imprévoyance face au covid.
Patrice Houzeau
Malo, le 12 avril 2021.