ON NE SE MEFIE JAMAIS ASSEZ DES CAFETIERES
ON NE SE MEFIE JAMAIS ASSEZ DES CAFETIERES
1.
« - Oh ! cela n’a pas d’importance, répliqua [lady Coote] d’un ton mélancolique. » Dès le début du roman « Les Sept Cadrans », d’Agatha Christie, nous apprenons que Lady Coote est dotée d’un ton mélancolique mais, et c’est heureux, pas d’une jambe de bois.
2.
« Puis elle se détourna et rentra dans la maison où Tredwell examinait la cafetière. » Agatha Christie, qu’on ne peut confondre avec une célèbre cantatrice chauve, a parfaitement raison d’attirer l’attention du lecteur sur ce point : on ne se méfie jamais assez des cafetières. Défois, on fait autre chose, on fait pas gaffe et vloufff v’là la cafetière qui batifole dans les airs, toute seule, indépendante, mystérieuse…
3.
Agatha Christie nous renseigna tantôt sur le « ton mélancolique » de lady Coote qui présentement « sourit tristement » en prenant « le billet que lui tendait son mari ». Lady Coote, je sens qu’c’est pas une rigolote.
4.
« - Pourtant, déclara Bundle, la grand’tante Louisa est morte dans ton lit. Je m’étonne que tu ne voies pas son fantôme tourner autour de toi ! »
(Agatha Christie traduit par Miriam Lou-Desportes, « Les Sept cadrans »)
La dite grand’tante Louisa m’a d’ailleurs fait savoir qu’il était très agaçant de voir se succéder tant de parfaits inconnus, fussent-ils de sa famille, dans le lit dans lequel elle dormit tant d’années et où elle trépassa d’une indigestion de homard.
5.
Alors les fantômes mordus par la tarentule des ténèbres se mirent à danser en poussant des cris glaçants.
6.
« Alors vous croyez qu’il faut que je me lève et que je vois cette dame ? » demanda Jimmy à Stevens et ça, ça se passe dans « Les Sept Cadrans » d’Agatha Christie, qui avant d’écrire des romans policiers, travailla dans la pharmacie d’un hôpital militaire.
A la question de savoir si Jimmy doit se lever pour voir cette dame, je répondrai par l’affirmative, car si la dame est jolie, il sera content ; si la dame ne l’est pas, cela le fera réfléchir ; si elle vivante ; ils pourront discuter ; si elle est morte, tant pis.
Si j’étais virtuose, j’écrirais une chanson dans laquelle le refrain se terminerait par ce vers : « Et si elle morte, tant pis… », mais comme je ne suis point virtuose, je mange du camembert.
7.
« je ne voudrais pour rien au monde y entrer de nouveau dans l’obscurité et les y voir », et ce dont parle Jimmy dans le roman d’Agatha Christie où il s’agite avec ses petits camarades de fiction, ce sont des réveille-matin. Imaginez si rentrant dans cette pièce obscure, il se fût trouvé face au spectre de l’Education Nationale et sur le mur, en lettres de sang : « Meirieu m’a tuer »…
8.
« Cependant le Club des Sept Cadrans est toujours pareil. On y mange du poisson frit et des pommes de terre. »
(Agatha Christie traduit par Miriam Lou-Desportes, « Les Sept cadrans » [Bill])
Tandis que voyez au Club des Huit Horloges, on y mange des pâtes au thon, mais personne n’a encore écrit de roman intitulé « Les Huit Horloges », bien que Maurice Leblanc composa jadis « Les Huit Coups de l’horloge » mais ce sont des choses qui arrivent.
9.
« Les yeux de la jeune fille s’éclairèrent, car elle avait découvert ce qu’elle cherchait. » C’est ça qui est formidable, c’est que le personnage mis en scène par Agatha Christie arrive à ses fins et découvre ce qu’elle doit découvrir : je ne sais pas ce que c’est, d’ailleurs… Peut-être le secret de la réforme Blanquer, les intentions de la Chine, une recette de cuisine aussi inédite qu’époustouflante, La Deuxième Chaussette, le programme du parti socialiste, un lot de couleuvres signées Macron…
10.
« L’Homme, l’Homme, toujours recommencé » qu’elle doit se dire, la mer en contemplant la digue lorsqu’elle se dit quelque chose, la mer, que mon petit doigt me dit itou en écho.
11.
« Au moment où la jeune fille se posait cette question, le silence de la nuit fut brusquement troublé… » Je sais pas ce qui troubla ce personnage d’Agatha Christie, mais pas impossible que ce soit encore un coup spectral ça, d’l’esprit s’immisçant.
12.
« Et Bundle aperçut nettement sous l’omoplate droite, une petite tache noire. » Et de cette tache noire sous l’omoplate du personnage d’Agatha Christie, que va-t-il en sortir ? Un lézard noir, un archer noir, une tulipe noire, une humeur noire, un entonnoir, un rasoir ?
13.
« A ce moment un gong résonna et tous se séparèrent afin d’aller s’habiller pour le dîner. » Dès qu’il y a un gong dans une phrase, ici d’Agatha Christie, je plonge car l’est évocateur, le mot « gong », le plus curieux étant ici que le commissaire Juve s’étant trompé de roman, arriva en kilt parce qu'il s'était trompé aussi de film.
Patrrice Houzeau
Malo, le 22 novembre 2021.