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BREFS ET AUTRES
apollinaire
1 août 2020

CHRONIQUE DU 31 JUILLET 2020

CHRONIQUE DU 31 JUILLET 2020

 

 

  1. Entendu cette phrase sur France Culture prononcée par un Britannique : « En fait, nous sommes tous d'accord en ce qui concerne les laissés pour compte. Mais nous ne savons pas comment régler ce problème. » Ce qui est vrai pour l'Angleterre est vrai aussi pour la France.

    Bien entendu, il ne manque pas d'extrémistes de tout bord pour vous donner des solutions toutes faites, qui passent toutes, à l'extrême- droite comme à l'extrême-gauche, par une sorte de révolution qui fera bien des victimes sans garantie de réussite.

  2. « Le pré est vénéneux mais joli en automne
       Les vaches y paissant
       Lentement s'empoisonnent »
       (Apollinaire, « Les colchiques »)

La vision des « vaches » par Apollinaire est scandaleuse : elle suppose que les vaches sont sans éducation et que c'est par ignorance qu'en broutant des colchiques, « lentement », elles « s'empoisonnent » alors que c'est par désespoir, évidemment, de vivre dans un monde si carnivore.

  1. J'aime bien la vision joyeuse que dans « La maison des morts » Apollinaire a de la mort, qu'un « écho » arrivant de l'autre rive permet des « questions si extravagantes / Et des réponses tellement pleines d'à-propos / Que c'était à mourir de rire » : Manquent pas d'esprit, les esprits.

  2. Ce qui est inscrit en creux dans la loi sur la PMA pour toutes c'est qu'il vaut mieux un enfant désiré, respecté, éduqué par un couple lesbien plutôt que l'enfant né d'une union traditionnelle, mais dont l'existence ne serait motivée par les allocations familiales.

    Mais bien entendu, les contre-exemples, d'un côté comme de l'autre, ne manqueront pas car la réalité est souvent plus complexe que le plus subtil des textes de loi. Que l'on songe à ceci pourtant, qu'il y a fort peu de choses qui relèvent du naturel, et surtout pas le droit.

  3. Ayant conscience que la surpopulation mène l'humanité à sa perte, il m'arrive de me demander ce qui pousse l'espèce humaine à se reproduire ainsi, jusqu'à saturation, pression migratoire de plus en plus forte, troubles sociaux, montée des périls...

  4. « Comme si je visais l'oiseau de la quintaine » défois comme il dit Apollinaire, je fonce, j'malzieute, j'me goure et plante et ratatam rétamé le p'tit chevalier dans sa tête.

  5. Faut quand même le faire pour aller « brûler » parmi les « templiers flamboyants » que faut être « feu » pour se faire feu. Apollinaire ne dit pas autre chose remarquez qu'il dit que la girande, qui est un faisceau de gerbes, ici de flammes, « tourne, ô belle ô belle nuit ».

  6. Ah les gens de droite (et je suis de droite) avec leurs valeurs, leurs traditions, leurs essentialismes idéalistes et sentimentaux parfois, leur France éternelle (quelle blague!)), le jour où ils s'avoueront qu'ils doivent leur (bons) heurs et malheurs à l'industrie de l'armement et aux investissements parfois curieux de nos grandes banques (parmi les meilleures du monde, eh oui), vont-ils voter à gauche ? (en tout cas, moi pas).

  7. Lorsque, le 31 juillet 2020, Eric Dupond-Moretti lance aux députés : « Personne ici n'a le monopole de la famille », il a raison en ce sens que ce n'est pas à l'Etat de définir ce que doit être une famille cependant qu'il est de son ressort de légiférer sur l'évolution de la société.

  8. Parce que l'écoute d'une ritournelle, de quelques notes, nous rappelle soudainement un passé indéfini, la musique relève de la nostalgie ; que l'on distingue ces quelques notes de cette nostalgie et un malaise s'en dégage, comme si nous soulevions une dalle pour ne rencontrer que le vide.

  9. Ce qui effraie lors d'un événement dramatique, en particulier lors d'un attentat, c'est autant le choc produit par cet inattendu tragique que la conséquence que nous en tirons immédiatement : Si une telle chose est possible, que va-t-il nous arriver ?

  10. Un fait divers n'est pas un événement, mais un indicateur, un symptôme. C'est la répétition de faits divers similaires qui produit l’événement : par exemple, les sentiments d'insécurité et de perte d'identité peuvent amener un parti populiste au pouvoir.

Patrice Houzeau
Malo, le 1er août 2020.

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31 juillet 2020

LE SOLEIL EN DANSANT

LE SOLEIL EN DANSANT

 

 

  1. La chanson n'est pas si facile Ciel bleu nuit bleue y errent des âmes bleues Les rues sont striées de rouge La chanson n'est pas si facile que tu crois charmer l'étrangère en trois mots Ciel blanc nuit blanche y errent des ombres seules Les rues sont striées de rouge.

  2. Que veut dire « aimer les gens » ? Aime-t-on les gens pour eux-mêmes ? Connaît-on vraiment les gens qu'on aime ? Les gens seraient-ils faits de pièces dont ils ont eux-mêmes perdu la clé et seraient-ils autant les pièces d'un puzzle impossible à constituer ?

  3. Les nœuds coulent dans la fréquentation des bipèdes. Qu'ils fassent cause ; qu'ils se partagent les mains tranchées. Que leurs sentinelles maîtrisent l'art de déjouer l'autre de la nuit et ses sortilèges tranchants. C'est ainsi qu'apparurent l'arc de la vengeance et le pain sur la table.

  4. Celui là rappelle ses livres ouverts sur des énigmes, ses familiers, aux stridences des alarmes, aux trains et aux spectres, à l'infini des solitudes, au couteau sanglant, à la diane, à l'égaré dans la forêt, au sang dans la coupe, à la coupe dans le château, à la lance perdue.

  5. Que les nœuds coulent dans la fréquentation des bipèdes n'a rien d'étonnant. A chaque grenier son pendu ; à chaque placard son cadavre.

  6. Lorsque l'heure des comptes a sonné, les loups ne manquent jamais d'arguments pour justifier la meute.

  7. Les nuits finissent toujours par boire la tasse et nous retournons parmi les formes et les moules. Aux murs, les comédies glissantes. Certains demandent leur frère, ce gardien. Ils assistent à ce spectacle qu'ils ne peuvent voir.

  8. La société n'étant pas majoritairement constituée de philosophes subtils et de logiciens pointus, l'égalité repose aussi sur le droit des gens à s'exprimer et à dire des sottises.

  9. L'école est bien loin de développer l'esprit critique chez la plupart des élèves. Au pire, elle les conforte dans le goût de la revendication à tout va ; au mieux, elle freine la propagation de quelques sottises.

  10. Certains pédagogistes croient en la science de l'ignorant. Ils ont eux-mêmes développé des sciences : les Sciences de la Science de l'ignorant (qu'ils appellent « apprenant » parce qu'ils aiment les niaiseries).

  11. « Le soleil en dansant remuait son nombril »
    (Apollinaire, « Merlin et la vieille femme »)

  12. Parfois, on l'a pas, ce nain prétentieux et nasillard qui vous monte la tête, qu'on laisse printemps et jambes nues charmer, qu'on s'balade dans le « jeune jour » en se rappelant de l'Apollinaire, et même que « le soleil en dansant remuait son nombril ».

    Patrice Houzeau
    Malo, le 31 juillet 2020

28 juillet 2020

VIRER LA MIRETTE

VIRER LA MIRETTE

 

 

  1. Défois on argarde en arrière qu'on se dit ah qu'on fut ah qu'on fut ah qu'on fut con mais zon a tort car défois on est quand même sans argarder en arrière tout aussi tout aussi tout aussi con.

  2. En général les morts ne reviennent pas ou alors c'est que les morts ne sont pas morts mais si jamais les morts sont vraiment morts et qu'ils reviennent quand même c'est qu'ils avaient des jumeaux ou que vous êtes plus dans votre dimension habituelle.

  3. Défois on lit dans un poème « les cadavres de mes jours » genre un poème d'Apollinaire même que ça veut dire que les jours sont morts comme s'ils avaient été aussi vivants que vous et tous mes gens qui sont morts et qui sont eux aussi des genres de cadavres de mes jours.

  4. Si vous avez lu tout ce que je n'ai pas lu, eh beh vous en avez lu des livres.

  5. Jadis y avait des bals on les disait champêtres vu que des bals urbains je crois pas qu'ça s'dit mais pourquoi pas qu'des bals pourraient pas être urbains qu'après tout il n'y a pas qu'les vaches et les bœufs qu'auraient l'droit de guincher au clair de la lune des dames d'antan.

  6. Il est rare qu'une morte s'assoye sur un banc du coup je fus tout surpris de voir qu'sur le banc elle était assise que j'ai dû illico virer la mirette changer d'yeux mais c'est que défois les choses elles sont pas ce que les gens ont l'air d'être et un verre seulement.

  7. J'aime bien le mot « sphingerie » je lis ça dans un vers d'Apollinaire : « J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries » que moi sphingerie ou pas j'aimerais mieux nuit et jour être riche comme si je n'avais jamais manqué d'sous pas pire que Pierre r'marquez qu'avait même pas assez d'sous pour met' de l'eau chaude dans sa soupière.

  8. Le problème avec les autres c'est que justement ce sont des autres mais que si tous les autres étaient comme moi j'les aimerais pas quand même.

  9. J'entends à la radio le fantôme de Sartre parler du fantôme de Flaubert. On le reconnaît bien, il nasille comme Bob Dylan avant même que Bob Dylan soit né. La radio prouve sans contestation possible l'existence des fantômes bavards.

  10. « Puis les marmitons apportèrent les viandes
    Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau
    Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes »
    (Apollinaire, « Palais »)

    1. Défois on s'balade qu'on a une boucherie dans la tête qu'on a la pensée rouge ou qu'on pense qu'on mangerait bien un tartare un filet américain ou qu'on pense à la Révolution avec ses règlements de justice là bien sanglants qu'on entend à mort machon à mort darmachin qu'les gens disent des sottises en attendant d'en faire le jour où zéliront leur mort à eux.

    2. J'aime bien la série policière « Astrid et Raphaëlle » (avec Sara Mortensen et Lola Dewaere) dont j'ai regardé la saison 1 en replay. Le ton un peu décalé (en raison du personnage de documentaliste criminaliste autiste d'Astrid Nielsen) et le côté énigme à parfum d'paranormal des intrigues me plaisent bien.

      Patrice Houzeau
      Malo, le 28 juillet 2020.

 

2 juillet 2020

C'EST TOUJOURS QU'ON S'EN VA ET JAMAIS QU'ON REVIENDRA

C'EST TOUJOURS QU'ON S'EN VA ET JAMAIS QU'ON REVIENDRA

 

 

  1. J'aime bien comme ça erre dans les poèmes d'Apollinaire : « Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule ». Cela fait longtemps que je n'ai pas mangé de moules. C'est le matin ; j'ai envie d'écrire ; me suis fait un café ; pour me délier l'esprit qu'encore on a vague du songe.

  2. « Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent » : cela fait plus d'un siècle maintenant que mugit cette image. Apollinaire est mort de la grippe espagnole. Un siècle après, les virus courent encore. Je mets dans mon café non pas de la gnôle, mais un chouïa de rhum.

  3. Je me dis tiens le mot autobus est ancien. Ancien, autobus ; aussi omnibus. « L'angoisse de l'amour te serre le gosier ». Dans « Louis enfant roi » de Roger Planchon, l'enfant Philippe demande à l'enfant Louis si les pieds qui puent de la petite servante aux grand pieds le fascinent.

  4. Zut me dit Tu vis « comme si tu ne devais jamais plus être aimé ». Zut cite Apollinaire mais l'angoisse de l'amour ne me serre plus le gosier. J'en suis content car c'est assez périlleux de se lier l'esprit à je ne sais quelle autant agiter Zut dans ma caboche et laisser son cœur dans sa poche.

  5. Et laisser son cœur dans sa poche avec son mouchoir par-dessus. C'est exactement le genre d'expression que je n'entends plus. Maintenant, les mouchoirs sont jetables, les amours aussi et les familles se recomposent. Petit, je disais « carnasse » pour « cartable ».

  6. « Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
      
    Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent
      
    L'angoisse de l'amour te serre le gosier
      
    Comme si tu ne devais jamais plus être aimé »
     
    (Apollinaire, « Zone »)

  7. On attend le remaniement. On dit que le premier ministre serait une femme. Elise m'a parlé d'un documentaire suisse intitulé « Les Dames ». J'entends le joli violon jazz à nostalgie du générique radiophonique du « Mystère de la Chambre jaune » et la jolie voix.

  8. J'aime bien comme ça erre dans les poèmes d'Apollinaire - « Je la surnommai Rosemonde » - et comme la langue évoque des mondes, « voulant pouvoir me rappeler », je me dis que cette Rosemonde recèle tous les désirs, tous les secrets de ce monde.

  9. Le narrateur voulant pouvoir se rappeler « sa bouche fleurie en Hollande » la surnomme Rosemonde. Ainsi nous surnommons et nos troubles portent noms de dieux et de déesses. Je me refais un café ; rien ne presse. Il est tôt et le monde n'a pas besoin de moi.

  10. Comme mots bien dits disent vrai autant qu'horreurs et mensonges, « puis lentement je m'en allai », que cela soit vite, trop vite, si vite, ou lentement, trop lentement, si lentement, c'est toujours qu'on s'en va et jamais qu'on reviendra.

  11. « Je la surnommai Rosemonde
      
    Voulant pouvoir me rappeler
      
    Sa bouche fleurie en Hollande
      
    Puis lentement je m'en allai
      
    Pour quêter la Rose du Monde »
    (Apollinaire, « Rosemonde »)

    Patrice Houzeau
    Malo, le 2 juillet 2020.

     

1 juillet 2020

CE QUI ME PASSE PAR LA TÊTE

CE QUI ME PASSE PAR LA TETE

 

  1. Ce qui me passe par la tête n'est pas comète dans l'espace. Baudelaire appelait cela « fusées » ; c'est juste du jus qu'on a dans l'citron qu'toute la journée, ça nous fait des bouts d'pensées, des analogies, des impressions qu'on croit qu'on pense qu'on fait juste que fonctionner du carafon.

  2. Ce qui me passe par la tête qu'il fait beau ; je bois de la limonade très fraîche ; aujourd'hui, c'est un second tour d'élections municipales. De toute façon, les gens râlent. Hier, j'ai acheté des tomates séchées. J'me sens un peu fatigué. Les gens votent peu. On s'fait cuire des œufs.

  3. En juin 2020, en France, il ne se passait guère de jours sans que, sous un prétexte ou un autre, des incidents éclatent entre l'une ou l'autre partie de la population et les forces de police. On commençait à douter de l'efficacité de certaines de nos institutions.

  4. En achetant chaussettes, short, tee-shirt, j'ai aussi acheté tomates séchées, saucisses sèches, choux, chicons, chorizo, chablis, mais pas de serpent sifflant sur vos têtes ; je n'en avais nul besoin.

  5. Je n'aurais jamais pensé entendre cette phrase un jour d'élections municipales : « Masque obligatoire et gel hydroalcoolique partout dans les bureaux de vote ».

  6. Ce matin, j'ai lavé du linge. Dans le ciel, on sait bien qu'il n'y a pas d'anges. Quand je pense aux anges, je pense aux oranges. Je les aime sucrées. Chacun d'entre nous pense à sa liberté, et se demande à quel point elle pourrait être menacée.

  7. J'aime beaucoup le poème « Nuit rhénane » d'Apollinaire ; je le savais par cœur jadis, même quand je buvais trop de bière. « Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme ». Défois on s'fascine pour quelque femme. Plus tard, on trouve ça sot, sot, sot, si sot.

  8. Jadis, je savais quelques poèmes par cœur, comme on sait aussi des chansons : « Ecoutez la chanson lente d'un batelier » ; j'avais l'impression d'en avoir l'esprit délié ; ça ne m'empêchait pas d'être aussi bête que les pieds de n'importe qui.

  9. « Ecoutez la chanson lente d'un batelier / Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes », c'est de l'Apollinaire. Ce qui me fait penser au limonaire ; les rues en étaient jadis, dit-on, acidulées. De mon frigidaire, je sors de la limonade et songe par dedans moi Pourquoi sept ?

  10. Les femmes de la Nuit rhénane d'Apollinaire tordent « leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds ». Défois vif, défois très niais qu'on est. Sont-ce des sorcières ? Des vouivres aux yeux verts qui glissent dans les rivières et aimantent les jeunes gens ?

  11. « Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
      
    Ecoutez la chanson d'un batelier
      
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
      
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds »
      
    (Apollinaire, « Nuit rhénane »)

Patrice Houzeau
Malo, le 1er juillet 2020.

 

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24 juin 2020

AUTOUR DE LA FILLE SANS NOM

AUTOUR DE LA FILLE SANS NOM

 

 

  1. A la note 306 de ses « Investigations philosophiques », Wittgenstein écrit « Pourquoi nierais-je qu'il y a un processus intellectuel ? » et ceci, qui pourrait passer pour inutile en ce qui concerne la suite du raisonnement, met justement l'accent sur le processus intellectuel propre au fait de conscience.

  2. La majorité des députés ne semblant plus représenter la volonté nationale, il est nécessaire de dissoudre l'Assemblée. Un remaniement du gouvernement ne saurait palier cet état de crise latente, cependant que la gravité des événements commande un exécutif fort et ferme dans ses décisions.

  3. « Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles »
    (Apollinaire, « Le voyageur »)
    « Les villes » sont ici la métaphore de l'humanité, diverse et sans doute trop pleines de sens.

  4. « Avez-vous pu penser qu'au sang d'Agamemnon
      
    Achille préférât une fille sans nom »
     
    (Racine, Iphigénie, v.707-8 [Eriphile])

Ce qui n'a pas de nom n'existe pas. Eriphile existe bien en tant que fille, mais le doute sur sa lignée empêche qu'on l'aime, bien qu'Iphigénie la jalousât.

  1. « Je me suis laissé approcher par qui ne me questionnait pas,
      
    je me suis laissé trouver par qui ne me cherchait pas. »
      
    (La Bible de Jérusalem, « Isaïe », 65, 1)

  2. Ce n'est pas tant le style qui effraie l'administratif, que cette fronde de la langue du grand style.

  3. Les êtres qui n'ont pas de nom n'existent pas. Ils sont là pourtant, dans l'invisible. Qu'on les nomme et ils se manifestent. Ils sont légion.

  4. Nous avons inventé les démons et les démons nous ont tourmentés. Nous avons inventé nos amours et nos amours ont orienté nos vies.
    Ce n'est que par les noms que les êtres font sens. En dehors des noms, ils ne sont que radicale étrangeté.

  5. Puis-je dire que le jeu d'échecs se définit par l'ensemble des parties jouées et des règles qu'on en a déduites ?

  6. Ce n'est pas une fine connaissance des stratégies du jeu qui en change les règles, cependant qu'elle en change la pratique, qu'elle en définit la grammaire.

  7. Ce n'est pas une fine connaissance des pratiques d'une langue qui en change la grammaire, cependant qu'elle en influence l'usage, lequel demande justement qu'on pratiquât la langue.

  8. Ce qui fait la complexité de l'humain, c'est qu'il fait jeu de la langue, qu'il en multiplie tellement les usages que nul dieu n'y retrouve ses créatures.

  9. Le politique court après la complexité de l'humain, et pour cela ne cesse d'inventer de nouveaux mots, lesquels font rire, quand ils ne font pas pleurer.

Patrice Houzeau
Malo, le 24 juin 2020

 

 

9 juin 2020

C'EST EN S'CAUSANT QU'ON S'APPARAÎT

C'EST EN S'CAUSANT QU'ON S'APPARAÎT

 

 

  1. Défois le passé nous palpite dans la machine à souvenances ; quelques spectres agitent de lointains reflets ; ça nous fait parfois des regrets et d'la nostalgie et sans doute est-ce en parlant à ces fantômes qu'on les fait apparaître.

  2. J'ai lavavassé tout à l'heure mon sol. N'ai trouvé nul trésor. Jamais carrelage lavavassé ne donne trésor. Le lavavassage domestique ne rapporte guère que la satisfaction de la propreté.

  3. Il pensa que Couteline était un joli nom pour une fille. Il pensa qu'elle aurait sans doute l'adolescence incisive, rythmique et littéraire. Et bien sûr, si c'est un garçon, on l'appellera Coutelas.

  4. Lorsqu'on lavavouille les tassakawas, on ne trouve point non plus de Pérou au fond des tasses. C'est un fait : le Pérou se fait rare dans les tassakawas.

  5. Il ne faut pas confondre tassakawa et tassathé, ces dernières étant souvent de mauvaise foi et royalistes comme ce n'est plus permis au pays où le café est noir au fond des tassakawas.

  6. « sans doute ne fait-on paraître le Soi qu'en parlant à soi. »
    (Alain, « De la connaissance discursive »)

  7. Même que des fois on lui tourne le dos, au Soi, on se fait la gueule, on se traite de soi-disant, on a le quant-à-soi boudeur pis quand on rit, on dit que le Soi rit (c'est parfois précieux).

  8. Le matin faut se leverédérêver car faut aller travavailler, aller jouer au jeu du réel que défois c'est périlleux qu'il y en a qui en reviennent tout morts que plus jamais ils n'iront hanter leur lit avec l'autre dedans.

  9. « Les enfants des morts vont jouer
      
    Dans le cimetière »
      
    (Apollinaire, « Rhénane d'automne »)

  10. Alors il dit que nous étions comme ces « enfants des morts » qui « vont jouer dans le cimetière », que nous hantions les morts et qu'il y aurait de plus en plus de morts et de plus en plus de vivants pour échapper aux morts et cela jusqu'à ce que le temps referme ses ailes.

  11. C'est avec la fin des lois que s'accomplira la fin des temps. Ainsi sera le chaos, qui est déjà et qui a toujours été, sans loi ni principe d'identité. Le chaos n'est jamais le chaos et toujours le chaos.

Patrice Houzeau
Malo, le 9 juin 2020.

6 juin 2020

NUL MATIN NE REVIENT

NUL MATIN NE REVIENT

 

 

  1. « D'autres illusions viennent de divers côtés se rattacher à celle, particulière, dont il est question ici. La pensée, le langage, nous apparaissent comme la corrélation unique du monde, comme son image. »
    (Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski, « Investigations philosophiques », 96)

  2. Que la pensée et le langage dont elle procède soient considérés « comme la corrélation unique du monde » n'implique pas que le langage soit « l'image » du monde.

  3. Le langage, parce qu'il permet à l'humain de penser le réel, est créateur du monde. C'est en cela qu'en effet, comme le dit saint Jean, « au commencement était le Verbe ».

  4. Le monde est un jeu de mots, un « malentendu » : « Par un malentendu il nous semble que la proposition fasse quelque chose de singulier. » (Wittgenstein traduit par Pierre Klossowski , « Investigations philosophiques », 93).

  5. Le réel en soi est indicible tant que le langage n'a pas fait l'inventaire de ce qui est là et qui, faute de mots, nous reste invisible.

  6. Le langage est un miroir qui invente son spectre, son imprévisible spectre. Que ce miroir soit sans tain est une affaire de croyance.

  7. Notre langue nous paraît logique car elle procède de la raison. Le monde que le langage induit nous semble donc intelligible. Cependant l'on voit bien que quelque chose cloche et que le monde est aussi absurde que le discours de celui qui se prend pour un autre.

  8. Comment se fait-il que l'apparente perfection de la grammaire ne nous donne jamais qu'un monde au mieux imparfait, au pire fou furieux ?

  9. L'humain finit toujours par se lasser de ses trésors. Le grand et beau style des XVII et XVIIIème siècles a cédé la place à une langue de plus en plus pauvre, bureaucratique, anglo-fonctionnelle et d'une pitoyable vulgarité.

  10. Quand ma mère est morte, j'ai pensé à la jeune fille d'il y a longtemps qui est morte avec elle.

    « Merlin guettait la vie et l'éternelle cause
    Qui fait mourir et puis renaître l'univers »
    (Apollinaire, « merlin et la vieille femme »)

    Quand ma mère est morte, j'ai pensé que cette jeune fille et tous ses désirs, et toutes ses illusions, ne reviendrait jamais.

  11. Merlin a beau guetter, nul matin ne revient.

 

Patrice Houzeau
Malo, le 6 juin 2020.

6 juin 2020

UN TEMPS VIENDRA OU IL SERAIT TU

UN TEMPS VIENDRA OU IL SERAIT TU

 

  1. En juin 2020, beaucoup d'établissements scolaires avaient l'air de coquilles vides hantés de quelques élèves plus ou moins épatés de la tournure des événements, de pédagogues masqués et de procédures administratives auxquelles il semble nécessaire de donner un sens.

  2. Il but un, deux, trois cafés assez lentement pour laisser aux cigarettes le temps de se fumer, tout en écoutant une émission sur Wittgenstein ; il avait lu aussi quelques feux mal éteints sur Twitter, éprouva l'envie d'écrire (ça le prenait souvent).

  3. « Qu'importe ma sagesse égale
      
    Celle des constellations
      
    Car c'est moi seul nuit qui t'étoile »
      
    (Apollinaire, « Lul de Faltenin »)

  4. Alors il nomma les choses et parmi les choses, certaines s'échappèrent du troupeau.
    Il sait leurs noms et sait les rappeler mais ne peut toutes les maîtriser.
    Ainsi la foudre peut le frapper et l'ombre l'engloutir.

  5. Alors il dénombra et nomma les astres et parmi les astres, certains brillèrent d'un étrange éclat.
    Il sait leurs noms et sait les évoquer mais ne peut tous les comprendre.
    Pourrait-il les comprendre, que cela n'empêcherait pas le bolide de l'anéantir ni le temps de refermer ses ailes.

  6. « Et tous les arbres de la campagne sauront que c'est moi, Yahvé,
    qui abaisse l'arbre élevé et qui élève l'arbre abaissé,
    qui fais sécher l'arbre vert et fleurir l'arbre sec.
    Moi, Yahvé, j'ai dit et je fais. »
    (La Bible de Jérusalem, Ezéchiel, 17, 24)

  7. Ce ne sont pas les arbres qui savent mais celui qui dénombre, nomme et fait prospérer la forêt.
    C'est ainsi qu'il dit et c'est ainsi qu'il fait.
    Celui qui sait dire et sait faire s'appelle l'humain, et la nature n'est douée que par l'humain et le Nom de l'être qui s'exprime en lui.

  8. Au monde, les lois du monde ; à Dieu, les lois de Dieu.
    « Alors il leur dit : « Eh bien ! Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (La Bible de Jérusalem, Luc, 20, 25)

  9. Les procédures administratives ont aussi leur dieu caché, qui n'est pas un dieu, mais un gardien de chair et d'os, un gardien tenté parfois par la domination de la procédure sur le libre-arbitre.

  10. Que les Ecritures inspirent les lois du monde est une bonne chose ; qu'elles se substituent aux lois du monde, c'est renier l'esprit et la liberté du Verbe qui parcourt l'humain, c'est mal nommer le Nom de l'être.

  11. Qu'on laisse courir, se répandre et enfler les lois du monde et au Verbe se substituera une norme aussi asservissante que l'imposture de celui qui croit juger au nom de Dieu.

  12. Il pensa à la jeune fille et que le nom de la jeune fille était un noyau sur lequel poussait la chair.
    Si le nom était signe, la chair, elle, était bien réelle.
    Le nom ne vieillirait pas. Un temps viendra où il serait tu.

  13. Bonjour monsieur je ne sais pas du tout je ne pense pas je ne sais pas du tout. Merci !

    Patrice Houzeau
    Malo, le 6 juin 2020.

4 juin 2020

CE QUI SE PENSE SE DIT ET C'EST ÇUI QUI DIT QUI Y EST

CE QUI SE PENSE SE DIT ET C'EST ÇUI QUI DIT QUI Y EST

 

 

  1. Ce qui se pense se dit ; cependant que l'on ne peut pas toujours dire ce que l'on pense, ce que l'on pense peut toujours se dire.

  2. Je remarque que les propositions « on peut toujours dire ce que l'on pense » et « on ne peut pas toujours dire ce que l'on pense » sont toutes les deux vraies.

  3. Un musicien peut parfaitement exécuter un morceau ; un peintre peut excellemment représenter une vache ; un écrivain ne peut pas dire tout ce qu'il pense (les gens lui jetteraient des pierres).

  4. Vu et entendu sur Youtube la batteuse Sina qui dans le genre pop/rock des électriques seventies rappelle ce que drummer veut dire.

  5. « Daniel prit alors de la poix, de la graisse et du crin, fit cuire le tout, en fit des boulettes, et les jeta dans la gueule du serpent qui les avala et en creva. Et Daniel dit : « Voyez ce que vous vénérez ! » (La Bible de Jérusalem, Daniel, 14, 27)

  6. C'est en l'empoisonnant que Daniel tua le « serpent vénéré de Babylone ».
    Le réel tue croyances et idolâtries.
    Les Romains en crucifiant le Christ avaient tenté d'abattre la foi chrétienne.
    Il fallait donc que le Christ ressuscite.

  7. « Je le savais d'avance » ; « Je vous l'avais bien dit » : Ces deux propositions ne s'avèrent exactes qu'en vertu d'un présent de confirmation. La promesse de l'au-delà échappe à ce présent. La prophétie hermétique renvoie toujours ce présent à plus tard.

  8. La foi est la croyance que le présent en soi confirme la promesse d'une victoire sur la mort. Le croyant fait comme si. Le socialiste aussi d'ailleurs, aussi naïvement et philosophiquement attaché à la fin de l'Histoire qu'un croyant est attaché à son dieu.

  9. Les miracles et les progrès permettent au croyant et au socialiste de croire en la promesse de la victoire sur la mort, ainsi qu'à la fin de l'Histoire. Mais un événement est-il toujours un signe ?

  10. « Dans une fosse comme un ours
      
    Chaque matin je me promène
      
    Tournons tournons tournons toujours »
      
    (Apollinaire, « A la Santé, III »)

  11. Sans doute l'humain tourne dans le monde comme l'ours à Apollinaire dans sa fosse tourne, et l'humain tourne dans sa tête comme l'ours à Apollinaire dans sa fosse tourne, et l'humain tourne dans son impatience comme l'ours à Apollinaire dans sa fosse.

  12. « Vous ne comprendrez donc rien au grand jamais »
      
    (La Bible de Jérusalem, Judith, 8, 13)

Patrice Houzeau
Malo, le 4 juin 2020.

 

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