TRACE SUR LES VITRES
TRACE SUR LES VITRES
1.
« Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol »
(Apollinaire, « Signe »)
Défois qu'on aurait façon Apollinaire
D'l'Automne « éternelle » d'la saison
« mentale » plein la caboche qu'c'est
Tout mélancolie neurasthénie cafard &
Blues touss'touçi-touça vous poussant
Comme mauvaise herbe dans les pensées
Qu'ça fait d'l'antan revenant Ce sont
« Les mains des amantes d'antan » qui
Vous enneigent la souvenance jonchent
Le sol que vous vous mirez dans votre
Cafetière vous passez dans vot' passé
Mignonnes frimousses mirettes rieuses
Tout ça fané ridé pis éparpillé Votre
Seule compagne « une épouse » s'nomme
Ombre & vous suit « fatale » comme un
Jamais plus D'ailleurs le narrateur à
Apollinaire note Les colombes ce soir
Prennent leur dernier vol Se souvenir
C'est rappeler l'adieu celui que tous
Les jours à tout instant nous faisons
Sans même y penser défois qu'le temps
Nous passe casse lasse et nous efface
A cet adieu que toujours nous faisons
Aux gens qui tissèrent ce réel perdu.
2.
« Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue,
Très lentement se balance – toujours, toujours, toujours. »
(Charles Cros, « Le hareng saur »)
Dans le poème Le Hareng Saur de Charles Cros
Qu'j'ai pensé le hareng saur & n'revient pas
Dans ce petit bijou ce chef d’œuvre d'ironie
Il y a quelqu'un qui monte à une échelle pis
Plante un clou pointu dans un grand mur nu &
Blanc A ce clou il accroche longue ficelle &
A cette ficelle longue il accroche un hareng
Saur et s'en va et tandis qu'il s'en va loin
Dans l'ailleurs des morts le hareng saur lui
Se balance très lentement pis toujours qu'il
Se balance très lentement pis toujours qu'ça
Fait penser qu'ce hareng saur c'est le Temps
3.
« L'armature murmurante du ciel trace sur les vitres de son esprit toujours les mêmes signes amoureux » (Artaud, « Le clair Abélard »)
Voilà qui sonne comme du René Char ça
« L'armature murmurante du ciel trace
sur les vitres de son esprit toujours
les mêmes signes amoureux » Je n'sais
Pas trop le sens exact Ça évoque joue
Le monde est plein de petits mystères
Masqués par un tissu de syllabes Fait
Société secrète étrange compagnie une
Chevalerie de phrases mystérieuses Le
Langage planque ses brumes à échos et
Les cercles magiques des contes J'lis
La phrase à Artaud me dis qu'ça sonne
Musique cette « armure murmurante » &
Son « m » Lèvres remuant des syllabes
Son « m » Qui susurre ainsi Est-ce le
Ciel des idées l'armature toujours en
Passe de reconstruire ses figures que
Je la vois bleue cause le ciel que je
La vois bleue s't'armature à murmures
Après les doigts de l'enfant au givre
Des vitres jouent des s Ça la cadence
La phrase qu'elle peut s'jouer sur le
S /du ciel/trace/sur les vitres/
S /du ciel/trace/sur les vitres/de son esprit/toujours/Oh
de son esprit/toujours les mêmes
signes/ A ce son de cymbale cadençant
quelque soliloque électrique je pense
L'éternel retour des notes & celui du
Rituel du « toujours les mêmes signes
amoureux » C'est si simple
Il y a le ciel Dessous une
Caboche rêvant Dedans il y
A des signes i tournent en
Boucle en S i spiralent on
Dirait la même chanson qui
Passe dans la tête pis qui
Vous parle d'amour pis que
Derrière votre vitre là en
Dedans d'votre cervelle il
Y a je ne sais qui pis qui
Trace des signes comme une
Devinette laissée au givre
Patrice Houzeau
Malo, le 11 février 2021.