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13 juin 2023

LE PACTE A PAP N DIAYE : ON COMMENCE A Y VOIR PLUS CLAIR

LE PACTE A PAP N DIAYE : ON COMMENCE A Y VOIR PLUS CLAIR

1.
Sortant d'une assemblée générale portant sur le Pacte et la transformation du Lycée professionnel, j'ai dans la tête autant de questions que de réponses.
J'ai bien compris, et suis d'accord avec ce point de vue, que le Pacte avait pour but de répondre aux difficultés évidentes et nombreuses que rencontrent les LP.

2.
Pour ce qui est du Pacte, comme je le pressentais, il n'y a évidemment pas autant de pactes que d'enseignants. Autrement dit, ce sont les enseignants qui ont déjà l'habitude de s'investir depuis plusieurs années dans des missions et projets divers et variés qui signeront, considérant, à juste titre, qu'ils seront alors rémunérés pour le nombre d'heures, souvent très grand, qu'ils auront effectuées.

En outre, une mission n'évince pas forcément le candidat qui se sent légitimé par l’expérience. Autrement dit, ce n'est pas parce que quelqu'un va se positionner sur une mission qu'il n'a jamais remplie auparavant qu'un collègue expérimenté va se voir piquer sa place. Certaines missions demandent effectivement non pas un, ni deux, mais parfois plusieurs collègues travaillant éventuellement sur plusieurs établissements. Et le nombre de missions proposées, et donc d'heures à remplir, est conséquent.

3.
Le souci est bien entendu le caractère insécable de la brique. Or, un enseignant peut être tout à fait à l'aise dans une mission de coordination (quelle qu'elle soit, et le champ est large) ou de maintenance, et peu goûter aux joies du remplacement de courte durée. Tout sera donc dans la souplesse et l'intelligence des personnels de direction (pour certains, travailler avec eux va être un plaisir ; pour d'autres, pitié, Seigneur!)

4.
J'ai noté un certain flou tout de même dans le contenu des missions. Il serait possible, d'après ce que j'ai compris, qu'entre dans le cadre des missions du Pacte la mise en place d'heures d'option. On a même parlé d'heures de philosophie (!!!???). Et là, ça m'étonnerait grandement que le ministère accepte sans sourciller de payer longtemps des heures de pseudo-philosophie (bin oui) en LP à 68 euros l'unité pour une poignée d'élèves plus ou moins « volontaires ». Et si cette philosophie-là passe, pourquoi pas le yoga, l'histoire de la cuisine japonaise, l'apprentissage d'une langue exotique, et tous les ateliers possibles (théâtre, poésie, danse de salon, pâte à crêpe, avec évidemment venue d'intervenants extérieurs lesquels se feront payer, ce qui nous donne un coût horaire amusant et me donne à penser que ce n'est pas de son vivant que le président Macron compte faire baisser le montant étonnant quand même de la dette publique).

5.
Il semblerait aussi que les heures de « renforcement français/maths » (vieux serpent de mer retourné dans tous les sens qu'on dirait plus un scoubidou tourmenté qu'un monstre effrayant les moines du Loch Ness) puissent rentrer aussi dans les missions, les briques, le mur (on dirait un jeu pour adolescents de l'espèce moderne appelée « geek ») alors que ces heures peuvent aussi être payées en HSE. Question : Est-ce que cela signifie qu'à terme les heures HSE vont disparaître au profit des heures missionnées, dont je pense qu'elles ne resteront pas ad vitam à 68 euros (1 euro 13 la minute quand même) sans que le ministère finisse par sortir de son chapeau à grosse tête un lapin sachant compter, réguler, et faire qu'avec a + b tu obtiens – c (la comptabilité publique a de ces mystères !) ? On nous dit que pas pour l'instant. Logique : on ne sait pas si le Pacte a réellement un avenir ; autant assurer ses arrières.

6.
Rien qu'avec ces quatre premiers points, je vois déjà se profiler les différences d'appréciation et de mise en œuvre qui ne manqueront pas de se produire selon le chef d'établissement (le perdir qui propose de socler, oui, oui, c'est bien de la novlangue) et les enseignants concernés. Entre le psycho-rigide, scrutant à la loupe chaque virgule du texte et l'appliquant scrupuleusement jusqu'à l'absurde et Kafka avait donc raison, et le bienveillant qui demandera à un(e) tel(le) d'avoir l'obligeance de, que si c'est pas possible, eh bien, on va demander à Machin, ou on va pas l'faire, bah, je pressens quelques bidouillages, quelques arrangements, quelques abus.

7.
En ce qui concerne la transformation du Lycée professionnel et la « gratification » accordée aux élèves en stage, personnellement, je m'en félicite (parce que dans certaines filières, certains stagiaires effectuent, quand bien même ils sont en formation, un travail réel ; parce que le paupérisme existe, parce que ça peut motiver et aider les jeunes majeurs...), mais quand j'apprends que cette gratification pourrait être supprimée si on juge par ailleurs l'élève absentéiste, je m'interroge. La gratification est-elle la reconnaissance d'un droit de l'élève en formation ou la récompense d'un comportement jugé correct par l'institution ? Est-elle de nature juridique ou de nature morale ? Il se pourrait que les tribunaux administratifs aient à trancher bientôt la question.

8.
Dernier point : les dispositifs « Tout droits ouverts » et « Ambition emploi » qui s'adresse, pour le premier, aux élèves décrocheurs qui pourraient bénéficier du maintien de leurs droits s'ils ne démissionnent pas et acceptent de travailler sur des solutions alternatives que le Lycée lui proposerait (c'est flou, et j'y vois surtout une manière administrative d'empêcher la marginalisation des élèves les plus en délicatesse avec le système scolaire).

Le second (« Ambition emploi ») s'adresse aux élèves qui ont échoué au CAP et au Bac Pro deux fois (ah oui, quand même). Les établissements auraient à charge de trouver une solution en lien avec des partenaires extérieurs. Seront-ils toujours dans les bases du lycée ? Je me demande qui va s'en occuper. Le Bureau des Entreprises ? Des professeurs ayant l'âme de travailleurs sociaux ? La commission « Ambition emploi » ? C'est tout de même curieux : je croyais que c'était là le travail des missions locales et de Pôle Emploi. Me serais-je gouré ?

9.
Je m'arrête là et j'ajoute que si j'ai mal compris, tant pis. Mais si j'ai bien compris et à peu près bien transcrit ce que j'ai entendu, alors je crois que le Pacte à Pap Ndiaye va être assez compliqué à mettre en place, que ça va coûter bonbon, et que les enseignants vont très vite vraiment travailler beaucoup plus, tout en s'éloignant de plus en plus nettement de leur cœur de métier : transmettre un savoir disciplinaire.

Je pense aussi qu'il sera nécessaire de veiller à qui signe le Pacte. Certains voudront signer qui, en fin de compte, ne supporteront pas la charge de travail supplémentaire et finiront par être en arrêt, laissant en plan projets, préparation aux examens, obligations de service. En outre, la quantité n'étant pas toujours une garantie de qualité, attention au vertige des moyens.

Patrice Houzeau
Malo, le 13 juin 2023.

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