ACCROCHE-TOI AU PINCEAU EINSTEIN
ACCROCHE-TOI AU PINCEAU EINSTEIN
« C’est eux qu’ils perdent derrière eux. Ils s’arrêteront quand il n’y en aura plus, d’eux. Il ne restera plus que leur trace, en zigzag. C’est émouvant. »
(Roland Dubillard, « Les Voisins » in « Le Gobe-douille et autres diablogues » [Deux])
C’est du riz que je cuis.
Eux, les grains de riz, ne pensent pas à la cuisson. On a dû les décerveler. C’est plus humain.
Qu’ils ne pensent pas à la cuisson, les grains de riz, et qu’ils soient sans cerveau, les grains de riz (Les grains de riz sont sans cerveau/ C’est rigolo car c’est idiot/ dit le bedeau et aussi les veaux) cela n’empêche pas qu’ils
Perdent la guerre. Est-ce que cette fois-ci ce sera la dernière guerre en Europe ? Ou la dernière guerre des humains contre eux, avant que nous disparaissions, tous. Et
Derrière eux, que laisseront-ils les humains ? Hein, derrière
Eux ? Remarquez que ça n’a aucune importance, puisqu’il n’y aura plus que des objets, des montagnes d’objets que grignoteront les sables.
Ils cuisent, les grains de riz. Et moi, je bous. Nan, je déconne, c’est juste pour la plaisanterie. Je suis calme comme un tropique. Ils
S’arrêteront quand on les arrêtera. Qui ça ? Eux. Vont finir par devenir proverbiaux, ces Russes. Ils s’arrêteront
Quand ils auront compris qu’ils ne peuvent pas vaincre.
Il va pleuvoir. Il
N’y a pas de viande pour manger avec le riz. C’est l’inflation et la fin du mois. J’écoute Jane Birkin chanter « La Chanson de Prévert ». Il n’y
En a pas, de viande, pour aller avec le riz. Le riz ira donc tout seul, avec un peu de beurre et du sel. Et comme il va pleuvoir, lui faudra un parapluie (Les grains de riz sont sans cerveau/ C’est rigolo car c’est idiot/ dit le bedeau et aussi les veaux// Les grains de riz sont sans cerveau/ Aussi sans veau et c’est idiot / disent le bedeau et les moineaux).
Aura ? Aura pas, le temps, l’humain ? Y a
Plus rien à dire qui n’ait été dit déjà,
D’eux, les bipèdes agités d’partout, et de leurs complications à l’infini.
Il ne restera plus bientôt qu’à pendre le hareng-saur,
Ne restera plus qu’à tirer l’échelle (accroche-toi au pinceau, Einstein)
Restera plus qu’à hausser les épaules
Plus qu’à sortir de la pièce
Que c’est mélancolieux tout ça hein dis, à ton idée, Linda, Elodie, Daisy des ratés et Diane des départs ?
Leur talent, aux musiciens, ça m’épate toujours, la
Trace qu’ils laissent, les musiciens de jazz, que ça vous swingue encore le je ne sais quoi bien après qu’ils sont allés jouer de la trompette avec les when the saints go marchi’ in, les musiciens.
En quelques notes qu’ils vous évoquent le
Zigzag de l’éclair, le frisson du crapaud amoureux d’une crapette, le blues du parapluie oublié sur une table de dissection, et l’émoi de la machine à coudre. Ah (ce lino est tout pourri ; il faudra le changer).
C’est émouvant, oui
Emouvant, dit mon oncle, ayant retrouvé son parapluie, tandis qu’en bruissant comme une friture mécontente, un ban de grains de riz dégringole sur les toits.
Patrice Houzeau
Malo, le 23 juillet 2023.