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BREFS ET AUTRES
fantaisies speculatives
24 août 2022

HURLUBERLU QU'ÇA DEVIENT

HURLUBERLU QU'ÇA DEVIENT

1.

« Deux ou trois fois il avait reconstitué un jour entier ; il n'avait jamais hésité, mais chaque reconstitution lui avait demandé un jour entier. »

(Borges, « Funes ou la mémoire »)

Parfois, pour s'amuser, les dieux prennent les travaux et les jours, les déchirent en morceaux, les jettent dans l'espace-temps. Sur terre, les cadres spatio-temporels en sont tout bouleversés et chacun de se demander pourquoi tout va de travers, rien ne colle, on parle même de fantômes.

2.

« Un coin-coin s'était mis à voltiger dans la tête du détective, un coin-coin qu'il essaya de chasser de son esprit lequel Pan ! Pan ! qu'il répétait l'esprit. Hurluberlu qu'ça devient, dis donc, tous ces coin-coins qui lui cancanent caquettent le citron depuis le canard à l'orange de dimanche dernier.

3.

« Les doutes qui planent sur certains personnages nous permettent de les mieux cerner sans obtenir de réponses assurées quand à leur éventuelle culpabilité. »

(Pierre-Robert Leclerc, « Introduction à Monsieur Ouine de Bernanos »)

4.

Comme il cherchait la définition du mot chorège, lequel était un citoyen riche de l'antiquité grecque gestionnaire d'un chœur dramatique, ou lyrique, il se dit qu'il en allait ainsi de la choucroute et des cantatrices. Qu'est-ce autre chose que du chou avec des saucisses accompagné de leur diva chauve (pour éviter que, distraits sans doute, des cheveux tombassent dans le chou), que chacun, à sa table, dévore jusqu'à ce que son estomac et ses oreilles lui disent qu'ils en avaient assez ?

5.

Comme il entendait dire que Macron avait dit que nous vivions « la fin de l'abondance », il reprit du camembert.

6.

Zut contemplant la campagne qui s'allongeait vaguement devant ses fenêtres, constata que les cavaliers qu'elle contemplait parce qu'ils passaient, n'avaient pas de tête. C'est singulier, se dit-elle, puis qu'elle mangerait bien des frites. Zut ne s'émeut pas si facilement.

On remarquera qu'il est fort improbable que des cavaliers étêtés passassent dans la campagne, si vague soit-elle, parce qu'alors comment donc qu'ils les guident, leurs dadas ?

On pourra s'interroger sur le lien entre cavaliers et frites. On voit bien qu'il y a du mou dans le réseau lexical. On se serait attendu à ce que la dénommée Zut ait plutôt envie de saucisson de cheval, par exemple, ou d'un steak à cheval. Mais des frites, c'est d'un commun.

L'hypothèse la plus vraisemblable, c'est qu'un artiste peintre passait par là, portant l'un de ses tableaux représentant des cavaliers sans tête dans une vague campagne (ce peintre est un impressionniste). Mais cela n’explique pas l'énigme de l'envie de frites.

7.

« Il en va ainsi de la vie. Qu'est-ce autre chose qu'une pièce de théâtre, où chacun, sous le masque, fait son personnage jusqu'à ce que le chorège le renvoie de la scène ? »

(Erasme, « Eloge de la folie »)

8.

Les personnages, des doutes planaient sur eux, et leurs larges ailes projetaient des ombres qui s'allongeaient, montaient le long des murs et pointaient sur chacun des protagonistes de l'affaire de la moumoute empoisonnée un doigt accusateur.

9.

« Un air se mit à trotter dans la tête de Poirot, un air qu'il essaya de chasser de son esprit. Il devenait ridicule, à la fin, avec ces chansons enfantines qui l'obsédaient depuis un certain temps. »

(Agatha Christie traduit par Michel Le Houbie, « Cinq petits cochons »)

10.

Quelquefois il machinait un rhinocéros ou un tamanoir (ça dépendait de son humeur). Il rhinocérossait avec agilité ; il tamanoirait avec astuce, mais chaque rhinocéros lui demandait tout un rhinocéros et chaque tamanoir lui demandait quelle heure il était.

Patrice Houzeau

Malo, le 24 août 2022.

 

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23 août 2022

D'LA TOUPIE D'SANS SON NEZ

D'LA TOUPIE SANS SON NEZ

 

1.

« Alors, il vit, face à lui, semblant monter du sol dans le maquis, un objet discoïdal extrêmement brillant, qui semblait tourner sur lui-même à une allure folle. »

(Jean-Claude Bourret, « Le Nouveau défi des OVNI »)

 

Défois, les choses semblent tourner.

Elles tournent, les choses, mais en fait elles semblent.

Défois, les choses semblent monter.

Elles montent, les choses, mais en fait elles semblent.

Ce qu'on voit, ce sont des choses qui semblent « monter du sol », « tourner sur elles-mêmes », faire des excès de vitesse comme si elles étaient dans le réel comme chez elles.

Vous savez quoi, le réel, c'est d'la toupie d'sans son nez.

2.

Si avez perdu vot' Suzon dans une crêpe Suzette, ce s'rait-y pas qu'vous prenez un peu trop les filles pour d'la liqueur d'orange ?

3.

Hélas, comme on le voit avec les massacres en Ukraine, moquerie, humour, dérision, DADA féroce, satire, surréalisme, contre-culture ne permettent pas de désarmer les dictatures. Leur acceptation est juste le signe que nous vivons dans une démocratie. C'est bien pour ça qu'il faut soutenir Charlie.

4.

« - Certains ufonautes vus à côté d'un OVNI posé au sol, peuvent s'élever en l'air comme par lévitation, voire disparaître sur place. »

(Exemple de témoignage rappelant les « récits oniriques » donné par Jean-Claude Bourret in « Le nouveau défi des OVNI »)

On dit qu'il y a des visiteurs des cosmiques confins, i « peuvent s'élever dans l'air », dis, comme s'ils faisaient du yoga à lévitation comme on voyait dans les bandes dessinées.

Ce sont peut-être des saints lévites, ces ufonautes, ou alors ils sont pleins d'propulsion intégrée ; ce seraient-y pas des machines défois ?

Après, il y en a même ils peuvent même « disparaître sur place ».

Mais ça, à mon avis, c'est quand on ferme les yeux.

Même qu'après, on dort.

5.

« Dès lors, pourquoi aller chercher midi à quatorze heures, et continuer de refuser aux OVNI le statut d'astronefs extra-terrestres, alors que par leur seule présence dans notre ciel, ils nous suggèrent un tel statut... »

(Pierre Guérin in « Le nouveau défi des OVNI », Jean-Claude Bourret)

Il y a des choses qui passent dans le ciel.

Ces choses nous suggèrent-elles qu'elles viennent d'ailleurs, d'ailleurs très lointains ?

Ces choses nous mentent-elles ?

Ces soucoupes volantes et autres fulgurances azimutées nous feraient-elles croire qu'elles sont des « aéronefs extra-terrestres » alors qu'elles ne sont que des hallucinations, ou des leurres ?

Mais cékidonc ki nous leurre nous leurreli-leurrelou tant, dis donc ?

Les extra-terrestres ? Les petits lutins qui font du vélo dans nos têtes ?

Ou bien des bipèdes perspicaces de notre réel bien à nous machinant des sophistications dont on n'a pas idée ?

Zut, ce matin, mettant les rhinocéros dehors, parce que allez la nuit, d'accord, mais le jour, ils peuvent sortir non, me fit remarquer que l'ufologie des années 70 était peut-être un complotisme soft.

Avec le fatalisme d'une biscotte s'effondrant dans le bol de café, je lui répondis qu'on nous cache tout, on nous dit rien que de toute façon, si on nous le disait, on le croirait pas.

Patrice Houzeau

Malo, le 23 août 2022.

23 août 2022

ROUGE FUMANT

ROUGE FUMANT

 

1.

« La mort seule, bornant ses travaux éclatants,

Pouvait à l'univers le cacher si longtemps. »

(Racine, « Phèdre », [Hippolyte])

Quelqu'un est loin.

Il n'est pas présent dans l'univers que Cléo Coco fréquente.

Au bout de dix ans, - dix ans, c'est quand même beaucoup, n'est-ce pas, Pénélope ? - Cléo Coco ne se demande plus pourquoi il met si longtemps pour acheter des cigarettes.

Il doit être mort. Dévoré par une Sirène croisée en chemin.

Ou renvoyé chez ses sœurs les Ombres par quelque cyclope de grand chemin.

Il doit être mort. Sinon l'écho de ses exploits lui serait déjà venu aux oreilles.

I peut pas s'empêcher de faire des conneries.

Il doit être mort et on ne le sait pas encore.

Personne ne sait où il est passé.

C'est bien la preuve qu'une Sirène l'a dévoré tout cru, le coq.

Ou qu'un cyclope de grand chemin l'a renvoyé chez ses ancêtres poissons.

S'il revient..., on verra bien, se dit Cléo Coco allongée, alanguie, et caressant les cheveux frisés de son beau-fils, Hippolyte, lequel est tout à fait charmant, bien qu'il aime un peu trop les serpents.

C'est bien simple, il y en a partout.

2.

« Il sort. Quelle nouvelle a frappé mon oreille ?

Quel feu mal étouffé dans mon cœur se réveille ?

Quel coup de foudre, ô ciel ! et quel funeste avis !  »

(Racine, « Phèdre », [Phèdre])

Parfois, il arrive que des nouvelles vous frappent les oreilles.

Le coup est parfois si fort que vous ne les en croyez pas.

Pourtant, elles vous disent la vérité, la vérité qu'ça heurte, qu'ça choque, qu'ça gifle.

Et puis, parfois, ça vous réveille les feux mal étouffés que vous avez au cœur.

Dans le cas de Phèdre, je ne sais pas si c'est seulement au cœur qu'elle avait le feu mal étouffé.

Enfin, bref, vous avez le cœur qui flambe, et ça, c'est des coups, ma chère Cléo, à vous retrouver citée en exemple d’auto-combustion spontanée dans des histoires aussi pas normales que paranormales, même qu'elles passent à la télé.

Mais vous ne serez plus là pour le voir.

Vous serez cramée intégral.

Le coup de foudre théâtral, ça ne pardonne pas.

Tant pis. C'est tragique, mais c'est comme ça.

Si vous vouliez être tranquille, fallait jouer la Cantatrice chauve ou les Diablogues, ou La Souricière, au lieu d'aller tous les soirs expirer en alexandrins raciniens pour ressusciter le lendemain et vous lamenter d'un bout à l'autre de la scène que tout vous afflige et vous nuit, et conspire à vous nuire.

La mort, c'est pas une vie.

3.

« Elle approche ; elle voit l'herbe rouge et fumante ;

Elle voit (quel objet pour les yeux d'une amante !)

Hippolyte étendu, sans forme et sans couleur. »

(Racine, « Phèdre » [Théramène])

 

Défois, l'herbe, elle est rouge et fumante et les gens dedans, zont plus ni forme ni couleur. Sont disséminés. Manquants.

Elle dit : Là où j'étais, je ne voyais pas les combattants. Il n'y avait que des machines, des machines et des missiles.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 23 août 2022.

21 août 2022

UN LOUP AU JARDIN

UN LOUP AU JARDIN

 

1.

Depuis 1941 que le cadavre est dans la bibliothèque du manoir de Gossington, la jeune Ruby Keene a dû en apprendre des choses…

2.

« Aucune de ces lettres ne donne à penser que son auteur connaissait bien celui ou celle à qui il la destinait. »

(Agatha Christie traduit par Michel Le Houbie, « La Plume empoisonnée » [Graves])

Les lettres donnent-elles toujours à penser ?

Cela dépend de la manière dont on les lit.

Si l'on a mis de bons yeux, on peut y trouver à penser, à condition qu'elles évoquassent quelque chose d'intéressant, sinon, bons yeux ou pas...

Si l'on a mis son œil de bœuf, il est probable qu'au bout de quelques lignes on ait envie d'aller se faire cuire un œuf.

Si l'on a oublié ses yeux dans le soutien-gorge d'une amie, -ce sont des choses qui arrivent -, alors on ne peut pas lire la lettre, et donc qu'elle soit anonyme ou pas, on s'en moque.

Si on a mis ses bons yeux, les yeux de la lucidité bien ordonnée commence par soi-même, des yeux du style « Connais toi toi-même », les belles mirettes introspectives qui servent à écrire des poèmes qui n'intéressent personne, alors on peut s'écrier « Mais c'est n'importe quoi !» parce qu'aucune « de ces lettres ne donne à penser que son auteur connaissait bien celui ou celle à qui il la destinait. »

Le corbeau s'est mis la plume dans l’œil.

Et comme la plume est empoisonnée, le corbeau, il est mort.

Vous pouvez alors refermer le très bon roman d'Agatha Christie et retourner à vos œufs. Faudrait pas qu'ils s'envolent.

3.

J'ai souvent pensé que les bons romans étaient comme des pièces de musique dont la composition fût assez fine et assez rythmique pour qu'on ait envie de les relire, sautant d'une cadence l'autre, étant distrait parfois par sa propre pensée, et tant pis.

4.

« Les choses traversent sa mémoire, mais n'y restent pas. Il va très probablement se tromper dans ses souvenirs. »

(Agatha Christie traduit par Michel Le Houbie, « Cinq petits cochons » [Meredith Blake])

Les choses traversent nos mémoires comme des ombres le jardin.

Les ombres ne restent pas. Elles sont attendues. Elles ont rendez-vous. Elles doivent être rentrées pour le dîner. Elles n'ont pas que ça à faire. Les ombres sont, elles aussi, très occupées.

C'est pour ça que nous ne nous souvenons pas de tout. Les souvenirs sont attendus ailleurs, dans d'autres têtes. Cela leur permettra, à ces têtes à souvenirs, d'assez souvent vous dire : « Est-ce que tu te souviens que... »

Et ce dont nous nous souvenons, avec le temps, des fois, c'est pas toujours très clair. Des ombres y passent. Elles sont revenues. Elles ont un peu bu et s'embrouillent. Vous alors, vous cherchez des noms, ils vous échappent, ils s'enfuient comme s'ils ne vous connaissaient pas, comme s'ils ne voulaient pas vous reconnaître. Vous vous mettez à courir le long de votre mémoire, vous vous trompez de chemin, et vous racontez l'histoire, toujours la même histoire, celle de l'éléphant dans la bergerie, cependant qu'un loup passe dans le jardin, emportant un de vos souvenirs, un de vos meilleurs souvenirs.

Patrice Houzeau

Malo, le 21 août 2022.

19 août 2022

ZUT ZUT INFINIMENT ZUT

ZUT ZUT INFINIMENT ZUT

1.
Les plus anciennes preuves de la pratique de l’élevage des dieux remontent à l’Antiquité et sont consignées dans la Mythologie, laquelle avait pour but d’élever des dieux pour en faire des mythes.

Techniquement, passer de l’élevage polythéiste au monothéisme a permis de produire des dieux uniques et d’autant plus terribles que leur puissance en était plus concentrée.

2.
La tortue de Zut ne s’appelant pas Eschyle, elle a pourtant bien cet air antédiluvien qui me fait me rappeler le lundi et avec contentement, qu’il me reste du rôti du dimanche.

3.
Les dieux trahissent cette tendance de l’infini à se prendre pour ce qu’il n’est pas.

4.
Je m’épate toujours de mes collègues qui, d’ici quelques jours, se raconteront leurs vacances dans des pays étrangers, voire exotiques, sans se rendre compte qu’ils ne s’en souviendront plus quand ils seront morts.

5.
L’infini n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter.
D’ailleurs, l’infini n’est sorti de nulle part.
L’infini n’existe infiniment pas cependant qu’il est infiniment, en tout cas jusqu’au prochain métro.
Zut n’existe pas infiniment, bien qu’elle tire son nom d’une croyance que j’ai que ce qu’on appelle « infini » est cet infiniment Zut que l’univers répond à toutes nos tentatives de l’expliquer.
Si ça se trouve, dans quelque univers parallèle, quelque culte est voué à la Grande Zut, mère de toutes les ironies, de tous les scepticismes, de tous les Dieux qui ne croient pas en eux-mêmes.

6.
Les annales de la psychiatrie ont-elles jamais relaté le cas d’un patient qui, se prenant à la fois pour Napoléon et pour le Christ, fit cette prophétie qu’il serait crucifié à Waterloo ?

7.
Zut n’est pas Dieu (je le saurais quand même), mais je suis de plus en plus certain que le vrai nom de Dieu est Zut.

8.
« O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour
Et la blessure est encore vibrante,
O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour.

O mon Dieu, votre crainte m’a frappé
Et la brûlure est encor là qui tonne,
O mon Dieu, votre crainte m’a frappé. »

(Verlaine, « Sagesse »)

Quand on lit ces vers de Verlaine, on peut se demander si Dieu est vraiment fréquentable.
Parce qu’« être blessé d’amour », c’est toujours être blessé, avec des blessures qui vous vibrent, encore bien, comme si vous étiez possédé par une galette de reggae des fumeuses seventies.
Après la « brûlure qui tonne », c’est le genre « foudre » non ?
Si Dieu est une foudre, je vas me flanquer un paratonnerre dedans la caboche et je l’appellerai « Doute ».

9.
Quand je pense qu’il suffirait que Dieu n’existe pas pour qu’on cesse de s’imaginer qu’il existe.

10.
Entendu dans « Scènes de ménages » ce vers épatant d’une parodie des chansons réalistes du temps dont ne se souviennent pas les plus âgés parce que les autres sont morts :
« Il a pris mon cœur par les cheveux ».

Patrice Houzeau
Malo, le 19 août 2022.

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19 août 2022

OU LES DIEUX SONT-ILS PASSES ?

OU LES DIEUX SONT-ILS PASSES ?

 

1.

« J'ignore d'ailleurs où se cachent ces deux ou trois dieux des théologiens, dont tu m'écris qu'ils me sont bien peu favorables. »

(Lettre d'Erasme à Dorpius)

 

Il écrit qu'il ignore où se cachent les dieux.

Je me demande où est passée Zut.

Est-elle partie en Alsace chercher un chien, sans nulle ironie puisque Zut est réellement partie en Alsace chercher un chien.

Les dieux se cachent-ils ?

Les dieux sont-ils d'autant mieux cachés qu'ils n’existent pas ?

Ou est-ce parce qu'ils existent qu'ils se tiennent loin des regards des créatures ?

Le chien que Zut est partie chercher en Alsace existe sans doute puisque Zut est partie le chercher.

Cependant tant que Zut ne l'a pas vu, ce chien existe et ce chien n’existe pas.

Schrödinger (né le 12 août 1887 et mort le 4 janvier 1961) n'était pas alsacien puisqu'il était autrichien.

Comme Zut n'a jamais rencontré ce chien, n'a jamais partagé avec ce chien ni viande ni promenade, pour l'instant, elle doit se contenter de l'être de ce chien, qu'elle a cependant vu en photo.

Il n’existe pas, à ma connaissance, d'élevage de dieux.

Ça doit être parce que les dieux sont difficiles à attraper.

2.

« Il en déduisit que la Sainte Trinité se trouve tout entière figurée dans le rudiment des grammairiens, et que les figures mathématiques ne représenteraient pas ce mystère avec plus de clarté. »

(Erasme, « Eloge de la folie »)

 

Les dieux se cachent-ils dans la logique ?

Quand je dis : « Je m'appelle Pinocchio et mon nez va s'allonger parce que je vais mentir », est-ce que je suggère que la nature des dieux est paradoxale ?

De même pour « Credo quia absurdum » (« J'y crois parce que c'est absurde »).

Je sais qu'un dieu ne peut pas dire : J’existe parce que je suis.

Il ne suffit pas d'être pour exister. Sinon, le monde grouillerait de dragons, de sirènes et d'une multitude de dieux tarabiscotés.

Zut me dit souvent : « Je suis là, j’existe bien, et tu n'es qu'un empoté. »

Quand Zut ne pourra plus dire qu'elle est dans l'être-là (le Dasein, dis donc), c'est qu'elle sera soit absente à elle-même, soit morte.

Dieu aurait bien du mal à dire qu'il est dans le Dasein (on écarquillerait les yeux et on n'en croirait pas nos oreilles).

C'est parce que dieu ne peut pas dire qu'il est dans l'être-là, qu'on dit – comme c'est commode ! - qu'il est partout.

Par définition, un dieu ne peut être absent à lui-même, ni mourir.

Ou alors c'est que dieu est un absent infiniment regretté.

Nos langages sont-ils basés sur la description grammaticale des dieux ?

Est-ce dieu que je jacte ?

Et quand je calcule combien j'ai dépensé ce mois-ci, est-ce qu'en fait je ne calcule pas la valeur des dieux ?

Est-ce dieu que je compte ?

En tout cas, c'est sur dieu que je jacte, et très humainement, c'est sur dieu que je compte, ou que je feins de compter.

Car je sais aussi que ce n'est pas dieu qui abat l'ennemi, mais la maîtrise que j'ai de mon arme.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 19 août 2022.

17 août 2022

QUE VOIS-JE QUAND JE M'EN SOUVIENS ?

QUE VOIS-JE QUAND JE M'EN SOUVIENS ?

 

1.

Je lis dans un tweet de l’excellent Thomas Arfeuille @IarthurPym que tout étant possible en physique quantique, il serait donc « concevable que ce soit le vase qui fasse déborder la goutte ».

Soit le vase tout agité de ses particules vaseuses – ô vertige !

Soit la goutte toute agitée de ses particules gouttières – ô glouglou !

Le vase qu'on ne peut voir que par le bout d'un microscope qui n’existe pas, il est tout agité, le vase, de ses particules vaseuses et qu'il se dilate la rate (la rate vaseuse), et qu'il se répand tout en se contractant, pis se rétracte et s'allonge et agite ses empires, ses confins, ses noyaux, ses pleins et déliés,

cependant que la goutte fait tout pareil que le vase, en se rhinocérisant bien aussi un peu, qu'alors soudain, à un moment « y », elle va se trouver, la goutte, dans un état paradoxal de sa matière goutteuse tel que le vase va illico la faire déborder, de telle sorte donc que la goutte va emporter le vase dans un flux, un flot, un flou et imbiber les précieuses équations notées sur un bout de papier, désespérant l'inspiré physicien qui se demande quel est le sagouin qui a laissé les robinets ouverts.

2.

Qui vole un bœuf ne fera pas d'omelette.

3.

« Qu'est-ce que me montre mon souvenir ? Qu'est-ce qu'il présente à mon esprit ? Mais s'il ne faisait rien que me suggérer ces paroles ! »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

 

Je me souviens, c'est-à-dire un souvenir me montre mentalement quelque chose.

Je réagis : je rougis (la honte), je souris (un petit bonheur), je m'interroge (un souci, un doute, un regret)...

C'est bien au présent que j'éprouve ces sensations, c'est donc la manière dont je me représente le passé, dont je l'actualise intellectuellement, qui agit sur moi.

La fille du lycée dont j'étais amoureux (seigneur, qu'on est sot) et qui est maintenant beaucoup plus vieille, c'est toujours comme la jeune fille dont j'étais amoureux qu'elle apparaît, jolie comme un cœur et souriante dans le cinéma que je me fais pour ne pas penser à ce à quoi je penserais si je ne songeais pas à Rose.

Mais cette jeune fille n’existe plus ; elle est sans doute grand-mère maintenant et ne se souvient plus de moi, ou se souvient d'un moi qui n'a jamais existé que pour elle, de même que le souvenir que j'en ai ne correspond pas à la manière dont je la voyais alors et à ce qu'elle était dans une réalité nécessairement inaccessible.

Cette jeune fille est un fantasme, un fantôme, une manifestation de l'être qui me lie à cette vie, et qui, bien que je sache pertinemment qu'elle ne correspond à l'étant en soi que par l’exercice de mon imagination, me maintient dans un désir de réel.

Après, si elle ne fait rien qu'à me suggérer ces paroles, eh bien, c'est certain, mais comme je ne la crois qu'à moitié...

4.

Les autres n'étant jamais que la représentation que je m'en fais, le cinéma est l'art de raconter des histoires fantasmatiques.

Les personnages sont des fantômes qui, afin d'assurer leur pérennité, prennent l'apparence des acteurs.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 17 août 2022.

17 août 2022

COMME UN VOL DE RHINOCEROS AU DESSUS DU JARDIN

COMME UN VOL DE RHINOCEROS AU DESSUS DU JARDIN

 

1.

La bière, il faut qu'il y ait assez de mousse, ni trop (c'est grugeant), ni pas (c'est triste), mais juste assez pour que la chope soit agréable à regarder.

Quand je bois de la bière, je pense parfois à Michel Audiard.

Quand je bois de la bière, je ne pense pas toujours à Michel Audiard.

A vrai dire, je me demande à quoi je pense quand je bois de la bière.

Je me rends compte que, souvent, quand je suis dans un troquet et que je bois de la bière, je mets ma spéculation en sommeil.

Je dois pas avoir l'air trop malin.

 

2.

« pour lui, c'est l'image de sa représentation, au sens où elle ne saurait l'être pour nul autre. »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

 

Je dessine un rhinocéros, ou alors je peins le portrait de la Cantatrice chauve.

Le rhinocéros que je dessine est-il à l'image de la représentation que je me fais du rhinocéros ?

Je ne crois pas. L'image mentale du rhinocéros est différente du rhinocéros que j'ai dessiné.

D'abord parce que je suis une poutre en dessin et que mon rhino ressemble plus à une machine à coudre hantée par un parapluie qu'au mammifère périssodactyle de la famille des rhinocérotidés qui illustrait mon vieux Larousse.

Je ne vous dis pas pour la Cantatrice chauve. Elle même ne s'y reconnaîtrait pas, et se prenant pour une autre, me demanderait : Qui est ce monsieur ?

Virtuose, dessinerai-je rhinocéros et Cantatrice chauve en suivant l'image mentale que je m'en fais ou, ma virtuosité l'emportant, peindrai-je sans vraiment y penser, sans hésiter dans mes gestes, sans guère de repentirs, et représenterai-je très vraisemblablement ce que sont, selon les conventions de la représentation réaliste, rhinocéros et Cantatrice ?

Témoin sincère d'un passage d'OVNI au-dessus de mes topinambours (c'est pour ça qu'ils ne se sont pas arrêtés, chacun sait que les extra-terrestres préfèrent les choux), on me demande de le dessiner.

Comment puis-je me fier à l'image mentale qui passe et repasse dans ma mémoire fascinée ?

Ce que je dessinerai, - l'OVNI tel que je crois l'avoir vu -, sera l'image de ma représentation, au sens, comme l'écrit Wittgenstein, « où elle ne saurait l'être pour nul autre ».

C'est bien pour ça que le gendarme m'a dit : « Alors donc, vous, vous avez vu un rhinocéros survoler votre jardin ? » 

 

3.

« dans le jeu de dames, une dame est figurée par deux jetons l'un posé sur l'autre. Ne dira-t-on pas qu'il n'est pas essentiel au jeu qu'une dame consiste en deux jetons ? »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

 

Qu'au jeu de dames, une dame soit figurée par deux jetons superposés, n'est pas essentiel au jeu puisqu'il s'agit d'une convention qui pourrait être changée sans que le principe de la promotion du jeton en dame en soit perturbé.

De même, le fait d'écrire « ognon », sans son « i », ne changera pas le sens de la phrase.

L'orthographe du français est ainsi basée sur des conventions qui pourraient être abandonnées pour d'autres (prétendument moins arbitraires) sans que le sens du texte en soit changé.

Ces conventions, puisque formelles, n'affectent pas le fond.

Ces conventions font partie de la multitude de formalités qui constituent nos quotidiens.

En ce sens, elles s'avèrent parfois essentielles. Elles indiquent que l'on sait jouer aux dames, que l'on n'est pas analphabète, que l'on est capable de mémoriser, que l'on a l'habitude d'écrire, que l'on a bénéficié d'une certaine éducation...

Evidemment pour le maladroit, pour l'ignorant, pour le dysorthographique, ces conventions sont autant d'obstacles.

Mais, à mon sens, ces difficultés ne sont pas induites par l’existence des conventions mais par la manière dont elles sont assimilées par le sujet.

Il s'agit plus d'un problème de méthode d'apprentissage que de difficultés que la société cultiverait malignement dans le but d'écarter certains élèves au profit d'autres.

C'est en jouant au football que l'on améliore son jeu, comme c'est en forgeant que l'on devient forgeron.

Et personne ne vous demande de devenir Mbappé ou de forger Excalibur.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 17 août 2022.

16 août 2022

QUE J'VOUS EN CAUSE ENCORE DES SIRENES

QUE J'VOUS EN CAUSE ENCORE DES SIRENES

 

1.

« Près d'un château sans châtelaine

La barque aux barcarols chantants

Sur un lac blanc et sous l'haleine

Des vents qui tremblent au printemps

Voguait cygne mourant sirène »

(Apollinaire)

 

Dans cette strophe, le poète évoque un « château sans châtelaine ».

Que ce château soit sans châtelaine, cela ne signifie pas qu'il soit sans châtelain, ce château.

Peut-être que la châtelaine de ce château est la célèbre Cantatrice chauve et qu'elle est partie en tournée pour ne pas en revenir, laissant très chaviré du cœur le châtelain, qui soupire, plein de chagrin et cholitaire (quand il a une patate chaude dans la bouche), et qu'il perd ses cheveux, ce châtelain, en songeant à la Cantatrice chauve, la châtelaine de ce château sans châtelaine.

Pendant ce temps-là, comme dit le poète, « la barque aux barcarols chantants voguait ».

 

Apollinaire a cette étrange formule, sonnante comme un blason : « Voguait cygne mourant sirène ».

Est-ce à dire que lorsque vogue le cygne, meurt la sirène ?

Est-ce à dire que le cygne dévore la Sirène ?

Et si le cygne et la sirène sont symboliques, qui donc sont-ils ?

Ou alors il vogue le cygne, il glisse, le cygne en se moquant bien de la sirène, laquelle peut bien crever la gueule ouverte, vu qu'elle n’existe pas.

 

2.

« Oiseaux tiriez aux mers la langue

Le soleil d'hier m'a rejoint

Les otelles nous ensanglantent

Dans le nid des Sirènes loin

Du troupeau d'étoiles oblongues »

(Apollinaire, « Lul de Faltenin »)

 

Dans cette dernière strophe du poème « Lul de Faltenin », le narrateur différencie les Sirènes ailées de la tradition grecque des Sirènes vouivres, serpentes des eaux de la tradition nordique.

Paraît que la langue anglaise distingue aussi la « mermaid » (femme-poisson) de la « siren » (femme-oiseau).

C'est sans doute pour ça qu'elles tirent « aux mers » (Homère en a causé itou des Sirènes) qu'elles la tirent, leur langue, aux mers, les Sirènes d'Apollinaire.

Dans cette dernière strophe, le narrateur dit : « Le soleil d'hier m'a rejoint ».

Le soleil d'hier n’existe plus.

Il est cependant et il s'appelle le passé.

Le passé a donc rejoint le présent du narrateur.

Le narrateur veut-il dire que la mythologie à Sirènes lui est aussi présente que la côtelette qu'il vient d'acheter ?

Ce qui tend à prouver que l'on peut acheter une côtelette en pensant aux Sirènes.

 

Dans cette dernière strophe, ce qui épate c'est que « Les otelles nous ensanglantent ».

Les otelles, c'est un terme d'héraldique, que ça fait sur le blason comme un X formé de quatre amandes disjointes.

 

Ensuite, nous avons confirmation que les Sirènes pondent vu qu'elles nidifient.

Les Sirènes ont leur nid « Loin / Du troupeau d'étoiles oblongues ».

Que les Sirènes soient loin des étoiles, c'est entendu.

Les Sirènes ne volent pas dans les étoiles. Ce ne sont pas des zoziaux cosmiques.

D'ailleurs, dans notre modernité à catastrophes, on ne relate pas de passage d'OVNIS en forme de sirène.

Ces « étoiles oblongues » sont-elles les « otelles » sanglantes des boucliers antiques, dont les Sirènes se tiennent loin, sachant qu'Ulysse est rusé et le glaive tranchant ?

 

Patrice Houzeau

Malo, le 16 août 2022.

 

15 août 2022

ON NE PEUT DECROCHER LE PASSE

ON NE PEUT DECROCHER LE PASSE

 

1.

La société n'est pas ce vivre-ensemble où la promotion de la bienveillance ne peut, en vertu d'on ne sait quelle nature sympathique de l'humain, qu'améliorer l'espèce. C'est une guerre de tous contre tous régie par les règles complexes et infiniment discutées des lois.

2.

« Ayant décroché une étoile

Il la manie à bras tendus

Tandis que des pieds un pendu

Sonne en mesure les cymbales »

(Apollinaire, « Crépuscule »)

 

On ne peut décrocher une étoile.

Pour décrocher une étoile, il faudrait de très longs, de très longs, de très longs bras.

Et encore, si avec nos très longs, très longs, très longs bras, on pouvait arriver à quelque étoile, peut-être n’existerait-elle déjà plus.

On ne peut décrocher le passé.

 

Un pendu ne peut sonner en mesure les cymbales.

Même s'il est le batteur d'un groupe de rock gothique, il ne peut.

D'ailleurs s'il sonne en mesure les cymbales, c'est qu'il n'est pas pendu, car à quoi bon être pendu pour sonner en mesure les cymbales.

Il n'est pas nécessaire d'être pendu pour sonner en mesure les cymbales.

En fait, pour sonner en mesure les cymbales, il vaut mieux ne pas être pendu du tout.

En musique, la pendaison ne sert à rien.

3.

« C'est la lune qui cuit comme un œuf sur le plat »

(Apollinaire)

 

Je ne sais pas si la lune peut cuire comme un œuf sur le plat.

Par contre, si la lune pensait et parlait son langage lunaire, elle me dirait sans doute qu'avec mes remarques idiotes, je peux tout de go aller me faire cuire un œuf (sur le plat ou pas).

4.

« Les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes »

(Apollinaire)

 

Si « les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes », dois-je consulter un ophtalmologue ou appeler les pompiers ?

5.

« Mais où est le regard lumineux des sirènes »

(Apollinaire)

 

Les Sirènes, - avec un S majuscule, ça fait serpent - ont un regard lumineux. C'est pour ça qu'on les voit la nuit, et sans doute aussi le jour.

Les Sirènes ont un regard lumineux sauf quand elles ferment les yeux et que donc elles ne peuvent plus nous voir, et nous alors on ne peut plus les voir quand elles sont loin.

C'est comme les morts, même avec les yeux fermés, s'ils ne sont pas trop loin, on peut les voir.

Et comme les morts qui ont les yeux fermés ne peuvent plus les ouvrir, les morts ne peuvent plus nous voir non plus (surtout s'ils sont loin).

D'ailleurs, les morts n'ont pas de regard lumineux.

C'est pour ça que l'on sait que les Sirènes ne sont pas mortes.

Mais comme on sait aussi que les Sirènes (celles qui appâtent les marins avec leur chant) n’existent pas, peu importe qu'elles soient mortes ou vivantes.

Il y a une chanson assez célèbre dont le titre est « Song to the Siren » où on lit ce vers épatant :

« I'am as puzzled as the oyster »

« Je suis aussi perplexe que l'huître »

Les Sirènes s'en moquent bien des huîtres, elles préfèrent les hommes.

Mais si ça se trouve, pour se mettre en appétit, les Sirènes avalent quelques huîtres en buvant du vin blanc puis hop elles partent à la pêche au mâle au pied marin.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 15 août 2022.

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