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BREFS ET AUTRES
fantaisies speculatives
15 septembre 2022

CELA FAIT LONGTEMPS QUE LES AVENTURES NE FUMENT PLUS LA PIPE

CELA FAIT LONGTEMPS QUE LES AVENTURES NE FUMENT PLUS LA PIPE

1.

« La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette

De flèches et de tours à jour la silhouette

D'une ville gothique éteinte au lointain gris. »

(Verlaine, « Effet de nuit »)

 

La nuit parfois, sur les toits palpite la pluie.

Le blafard est tout farfouillé que déchiquette

« De flèches et de tours à jour la silhouette »

(Avez-vous remarqué s'te chouette assonance

« Ou » dans « de tours à jour la silhouette » qu'il

A écrit le Verlaine évoquant une ville

Esquissée dans le gris Ah quel tabac dit Zut

Pis gothique et spectrale, et loin, très loin, très très loin.

2.

Chérissez-vous les chansons de William Sheller, ou vous chagrinent-elles ?

Chérissez-vous vos châteaux en Espagne ? Êtes-vous de « la faculté des songes » ?

Chérissez-vous Chéri-Bibi, ou peu vous chaut Chéri-Bibi, songes et châteaux, Espagne, William Sheller ? Préférez-vous les chats sauvages ?

3.

Au nom de l'inévitable et de l'utile, l'humain étant voué à forger son propre enfer, vous verrez que le surnombre finira par fustiger et censurer définitif fables, féeries, fantaisies, fatrasies et fantasmes, drolatiques figures et filles de papier.

4.

Quand bien même laisseriez-vous batifoler votre esprit dans le bizarre en écoutant les Beatles, n'oubliez pas que les bonbons bigarrés, façon bêtises de Cambrai, ne se balbutient pas.

5.

L’expression « l'ombre du concombre », fût-il masqué, a quelque chose, quand on y songe, d'obscène.

6.

La pluie n'aboie pas.

Si la pluie aboyait, elle serait un chien.

Un chien mouillé.

Il tomberait donc des draches de chiens mouillés.

Et pourquoi pas des chats, tant qu'on y est.

7.

« Ce faquin d'Arlequin combine

L'enlèvement de Colombine

Et pirouette quatre fois. »

(Verlaine, « Pantomime »)

Il est rare qu'une pirouette traînât une brouette avec du tabac dedans (comme on voyait jadis sur les paquets de « Tabac du Broutteux »).

Si les pirouettes pouvaient porter la brouette, pourraient-elles tirer la charrette au chevalier, et afin que cherre la chevillette, tirer la bobinette ?

8.

« La lune est rouge au brumeux horizon »

(Verlaine, « L'heure du berger »)

La Lune ne fait pas de politique.

Si elle versait dans l'idéologique et le dogmatique à la Mélenchon, la Lune, elle pourrait se faire un peu assassiner, qu'elle ferait alors la une des journaux et des lucarnes à sottises, la Lune.

Non, la Lune ne fait pas de politique.

Elle ne fait pas de crêpes non plus.

Parfois, on croit qu'elle fait la gueule.

Mais ça, c'est dans votre tête.

9.

J'aimerais assez que Poutine se patraquât, s'détraquât assez pour disparaître à tout jamais.

10.

J'entends ce 15 septembre 2022 sur France Culture dénoncer les abus sectaires du bouddhisme tibétain, notamment dans ses ramifications occidentales et me souviens qu'il y a quelques années déjà le très lucide Orlando de Rudder dénonçait ces mêmes abus.

11.

« Paradoxalement sa fatigue devenait une force, car elle l'obligeait à se concentrer sur les détails de l'aventure et lui cachait le fond et la fin. »

(Borges, « Emma Zunz »)

Cela fait longtemps que les aventures ne fument plus la pipe.

Dans le temps oui, on pouvait croiser dans les rues quelque commissaire de police, placide et taciturne, la pipe au visage.

Ou encore quelque pirate à bandeau noir et perroquet vert, voire une jambe de bois.

Mais ça, c'est du passé. Les aventures ne fument plus la pipe. Et elles boivent de moins en moins de rhum et de bière.

Vous remarquerez que les aventures n'en font pas plus de crêpes pour autant, et alors que vous les croisez dans l'escalier, les aventures ne vous scrutent pas de leur regard lointain. D'ailleurs, elles portent des lunettes fumées et n'ont plus ni forme, ni fond.

12.

« Ainsi, tout au long d'interminables crépuscules je rêvais et j'attendais ; j'attendais je ne sais quoi. »

(H.P. Lovecraft, « Je suis d'ailleurs »)

Quand les crépuscules sont interminables, c'est qu'ils s'attardent en chemin.

On raconte que jadis des bandes de crépuscules circulaient entre les chiens et les loups, s'attaquant aux fermes isolées, y écorchant ses habitants afin qu'ils révélassent les cachettes de leur argent.

C'étaient au temps des assassins.

Aujourd'hui, on peut voir bon nombre de crépuscules s'étaler sur des toiles et des photos. On dirait des œufs sur le plat striés de lard, ou encore des œufs brouillés masquant quelque girafe fantôme.

Je n'ai pas en ma possession le fameux dictionnaire de la langue des Crépuscules, auquel Lovecraft fait allusion dans un conte qu'il n'a pas écrit.

Je le regrette. J'aime les curiosités.

Patrice Houzeau

Malo, le 15 septembre 2022.

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14 septembre 2022

JE ME SUIS FAIT DES OEUFS SUR LE PLAT ET JEAN-LUC GODARD EST MORT

JE ME SUIS FAIT DES OEUFS SUR LE PLAT ET JEAN-LUC GODARD EST MORT

1.

« L'île n'est donc pas dès le départ un lieu hermétiquement clos. Elle le devient au cours du roman, comme une pièce qui se refermerait progressivement sur ses occupants. »

(Pierre Bayard, « La Vérité sur dix petits nègres »)

Où l'on apprend que parfois les îles comme les pièces se referment sur leurs occupants.

Ainsi se ferment les parenthèses. Ainsi se ferment les tombeaux. Ainsi se ferment les romans, les rideaux et les trappes.

Quelque chose toujours nous piège.

A s'débattre dans des séries de coups fourrés, un parcours de lucidité, c'est comme ça qu'on existe nous autres. Et chacun est fatalement le piège de quelqu'un.

2.

« La belle, si tu veux, je ferai ton lit

Dans le décor sanglant de ma boutique. »

(Robert Desnos, « Couplet du boucher »)

Parfois, dans sa boutique, béat, le boucher rêve de beauté.

3.

« France, France, réponds à ma triste querelle :

Mais nul, sinon Echo, ne répond à ma voix. »

(Joachim du Bellay)

Parfois, qu'on appelle la France, et y a que l'Echo qui répond, et encore, défois, i répond pas, l'Echo, il est parti au bistrot.

4.

« - L'arcane, arrivant à la dernière de ces dix fenêtres, est de surprendre à l'autre fenêtre au travers de la chambre ténébreuse et inhabitée un autre fragment de la carte sidérale. »

(Paul Claudel, « La Nuit à la vérandah »)

Contemplant les temples invisibles du ciel noir, je me dis que peut-être le cosmos, c'est du fromage mou, tout noir de caillots, dans la tête d'un dieu cacochyme, immobile, muet, alors vous pensez, les arcanes célestes, c'est pas dans cette encre là que je trempe ma plume.

5.

« Cependant celle-ci [Flatterie] est décriée de nos jours, du moins par les gens que troublent les mots et non les réalités. »

(Erasme traduit par Pierre de Nolhac, « Eloge de la folie »)

Les mots peuvent-ils troubler les gens plus que le font les réalités ?

Le langage pouvant tout aussi bien dire vrai du réel que d'en dire faux, les mots peuvent servir à exprimer tous les complots que les ennemis de la réalité imaginent pour piéger la conscience.

Ainsi la Toile est-elle pleine d'araignées complotistes.

En 2022, les réseaux sociaux étaient pleins des échos d'une guerre entre l'assassin Poutine présenté comme un sauveur de l'humanité (quelle sinistre farce !) et le soi-disant « Empire du mensonge » occidental.

6.

Tout au long de mon existence, beaucoup de livres que j'eus en ma possession, ont disparu. Je ne savais pas mon fantôme si grand lecteur.

7.

« - vous en verrez sortir toutes sortes de bêtes dont les hommes ont depuis longtemps oublié le nom, à supposer qu'on leur en ait jamais donné un. »

(Bernanos, « Monsieur Ouine » [le curé de Fenouille])

Où l'on apprend que certains êtres, soit ils sont innommables, soit leur nom a depuis longtemps été oublié.

La littérature fantastique tente de nommer les êtres que l'on ne sait plus nommer.

Je ne sais pas non plus nommer tous mes êtres.

Dans les films d'horreur, l'être de l'ombre, dont la jeune fille ne connaît pas le nom, l'être de l'ombre, lui, le connaît, le prénom de la jeune fille, et il le murmure dans les nuits suspiriennes.

8.

Tout le monde n'aime pas les quatuors à cordes de Debussy.

Notons que les quatuors à cordes de Debussy s'en moquent bien.

Je pense assez que le fantôme de Debussy s'en moque aussi.

Tout le monde ne connaît pas les quatuors à cordes de Debussy.

Notons que les quatuors à cordes de Debussy s'en moquent tout autant.

Quant au fantôme de Debussy, nul doute qu'il s'en tamponne le tempo avec la vivacité d'un pizzicato.

Ils poursuivent leur chemin de quatuor à cordes, les quatuors à cordes de Debussy, ils poursuivent leur chemin pour ceux qui les apprécient, et qui sont tout de même assez nombreux, les happy few.

9.

Fumer la pipe est un geste qui se fait rare.

Consulter sa montre aussi.

Porter un imperméable et un chapeau, fumer la pipe et consulter sa montre feront songer, en particulier si vous êtes grand, que vous imitez le Monsieur Hulot de Jacques Tati. Monsieur Hulot est quelqu'un de si rare qu'on ne le voit guère que dans les films qui lui sont consacrés.

10.

Le 13 septembre 2022, je me suis fait des œufs sur le plat et le cinéaste Jean-Luc Godard est mort. Je me souviens de « A bout de souffle » et de « Pierrot le Fou », de Jean-Paul Belmondo et de Jean Seberg, de Ferdinand et de Anna Karina, de « Qu'est-ce que j'peux faire, j'sais pas quoi faire. »

Je ne sais pas s'il y a beaucoup de scènes dans les films de Godard où les personnages se font des œufs sur le plat.

Patrice Houzeau

Malo, le 14 septembre 2022.

11 septembre 2022

ON N'EST JAMAIS AIMÉ POUR CE QU'ON EST

ON N'EST JAMAIS AIMÉ POUR CE QU'ON EST

 

1.

« Pourquoi le souvenir de ce meuble me poursuivit-il avec tant de force que je revins sur mes pas ? »

(Maupassant, « La chevelure »)

Où l'on apprend que certains meubles vous laissent un souvenir si puissant qu'ils peuvent vous faire marcher à reculons, ou vous faire repasser par où vous êtes déjà.

Certains humains, je pense, ont aussi ce pouvoir.

Ça dépend du degré de mou intercostal.

Pour les stylos bic, je pense qu'il faut être drôlement allumé par la lune. Même chose pour les bigoudis et les ronds d'carotte.

2.

« Comme la voiture traversait le bois, il la fit arrêter dans le voisinage d'un tir, disant qu'il lui serait agréable de tirer quelques balles pour tuer le Temps. »

(Baudelaire, « Le Galant Tireur »)

Baudelaire imagine quelque « galant tireur » s’exerçant à l'art précis du bang bang (« he shot me down », she sang) pour, dit ce fanfaron, tuer le temps.

Où l'on apprend que c'est en s’exerçant au tir que l'on pourrait tuer le temps. En tout cas, son temps. Car le temps des humains est variable en nombre.

Est-ce donc pour tuer le temps qu'en fin de compte, des bipèdes plus ou moins perspicaces se font la guerre ?

Serait-ce pour tuer le temps que le plus ou moins perspicace Poutine a décidé sa sale guerre en Ukraine ?

Sachant que le temps, c'est de l'humain en marche (les humains sont des chronomètres), tuer le temps reviendrait-t-il à descendre ses contemporains comme au casse-pipe d'la fête foraine ?

3.

On n'est jamais aimé pour ce qu'on est, surtout quand on est pauvre.

4.

« Rien ne pourrait me déterminer à mettre la main au feu, - encore que ce ne soit que dans le passé que je me sois brûlé. »

(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

C'est justement parce que quelque chose s'est passé (c'est-à-dire s'est produit dans le passé) que nous éprouvons craintes et espoirs du présent.

L’expérience est ainsi reproductible, mais il est rare que l'on soit piétiné deux fois par le même éléphant.

Par contre, l'on pourra chanter plusieurs fois le fameux « effervescing elephant » (« An effervescing elephant / With tiny eyes and great big trunk / Once whispered to the tiny ear / The ear of one inferior / That by next June he'd die, oh yeah ! / Because the tiger would roam ») sauf si l'on est Syd Barrett, qui fut l'auteur de cette drolatique, et que l'on est déjà irrémédiablement dans le passé.

On ne repasse pas non plus deux fois par la même choucroute, ni le même fleuve ne vous traverse deux fois.

Quant au chas de l'aiguille, nul chameau.

5.

On entre dans le bonheur aussi difficilement que l'on entre dans un pré qui n'est pas à vous. Parfois, quelqu'un vous y attend avec un fusil.

6.

Si tu n'étais pas là, je mangerais ma choucroute tout seul, et il y en aurait vite de trop de trop de trop.

7.

« Belle, pendant ce temps, [...], rencontrait des amies, rapportait dans les plis de sa robe un parfum de cigarettes anglaises ou dans les plis de son ciré l'odeur de la pluie d'octobre. »

(Stanislas-André Steeman, « Quai des orfèvres »)

Où l'on apprend que les plis des robes et des cirés servent à transporter parfums et odeurs.

On ne peut rien y ajouter. Ainsi, inutile de rêver que l'on puisse dissimuler une cartouche de cigarettes anglaises dans les plis d'une robe. Et pas non plus les lèvres de la fumeuse, ni son visage, et pas non plus son corps tout entier. Ce ne sont pas les plis de la robe qui vous portent.

Si l'on est en octobre, ce sont les plis du ciré qui seront pleins de l'odeur de la pluie d'octobre (les feuilles mouillées qui collent au sol, les poils mouillés des chiens, des gens, des chats et des girafes égarées, les ombres mouillées qui vous traversent parce que cette phrase vous a un côté mélancolique propre aux apparitions spectrales).

Ni robe, ni ciré d'octobre ne peuvent receler la Cantatrice chauve et ses opéras échevelés, ni chevaux, ni chameaux, ni chapeau d'où surgirait un chasseur sachant chasser sans son chien ou ces serpent qui sifflent sur sa tête, à l'autre Méduse, là.

Ni cocasse coin-coin cassant du sucre sur le dos du monde.

 

Patrice Houzeau

Malo, le 11 septembre 2022.

4 septembre 2022

PERIL DANS LE PLACARD A BALAIS

PERIL DANS LE PLACARD A BALAIS

1.

« Le jeune Mr Bartlett recula d’un pas, ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, se livrant, inconsciemment, à la mimique d’un poisson rouge dans un bocal. »

(Agatha Christie traduit par Louis Postif, « Un Cadavre dans la bibliothèque »)

Il ne se nomme pas Bartlett because son blaze, c’est Bobby Babibou, cependant que, bouchée bée, le Bobby, cependant que passe, abasourdi, le Bobby, cependant que passe l’assassin, éberlué, le Bobby, cependant que passe l’assassin aux lèvres de soie, Bobby Babibou, bouche bée, abasourdi, éberlué, aboli du coup d’bambou, rendu bredouille et balbutie, mimant la gueule du poisson dans son bocal, ne se rend pas compte qu’il vient de mourir.

2.

« Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,

Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,

Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,

Bercent le perroquet splendide et querelleur,

L'araignée au dos jaune et les singes farouches. »

(Leconte de Lisle, « Le Rêve du jaguar »)

 

Zut alors songe en lisant une poignée de vers de Leconte de Lisle (1818-1894). Zut alors songe aux « noirs acajous » qu'on en ferait de beaux meubles sans doute de ces noirs acajous là mais que pour l'heure, ces noirs acajous là jouxtent les « lianes en fleur » qu'un piano, si c'est possible j'en sais rien si c'est possible qu'il soit en acajou noir, le piano, au milieu des lianes en fleur et itou des noix de cajou, ce serait baroque à voir dans un film que Zut ne regarde même pas, parce que Zut alors songe.

Zut alors songe en lisant une poignée de vers de Leconte de Lisle (1818-1894), songe à l'assonance « ou » qu'on trouve dans le poème, et de lister, Zut alors : « sous, acajous, lourd, mouches, s'enroulant, souches, farouches » Ah ça en fait des ouh-ouh, cris dans la vierge, onomatopée tropicale.

Zut alors songe, alors qu'elle est dans la tiédeur d'une fin d'été dans les Hauts de France, Zut alors songe à « l'air lourd » où le temps ne passe plus, suspendu comme une louche au soleil (Zut a de drôles d'idées défois), « immobile et saturé de mouches », le temps, façon viande à l'air libre, cadavre sur lequel pendent les lianes en fleur parce que Zut alors songe et lorsque Zut alors songe, il y a d'étranges images qui viennent – cependant que passe – qui viennent lui chatouiller – cependant que passe l'assassin – qui viennent lui chatouiller l'imaginaire – cependant que passe l'assassin aux lèvres de soie parmi les souches et les escaliers – sous l’œil rond du « perroquet splendide » et aussi « querelleur » qu'un mousquetaire, et il est que My uncle's hat feather is on my aunt's chair, qu'elle songe alors Zut.

Zut alors songeuse se rappelle de « l'araignée au dos jaune », se dit qu'à Dunkerque, c'est rare les araignées des tropiques, paraît qu'ça arrive, qu'elles débarquent des navires, aillent s'acclimater on dit, que ça fait des légendes d'araignée dangereuse dans le placard à balais.

Lorsque les « singes farouches » lui chantèrent « Le lion est mort ce soir », Zut comprit qu'elle dormait.

Patrice Houzeau

Malo, le 4 septembre 2022.

4 septembre 2022

PENDANT QU'ÇA PATAFIOLE

PENDANT QU’ÇA PATAFIOLE

« Les faibles ont trouvé là de tous les temps leur solide rempart : ils penchent à éterniser, la convention ayant été acceptée une fois, la grâce qu'on leur a faite. »
(Nietzsche, « Humain, trop humain »)

Dans la première partie du roman, qui n’est pas plus passionnant, haletant, époustouflant, ennuyant, insignifiant, vu que ce n’est toujours que de la fiction faite pour passer le temps, signifiant parce que, parfois, la fiction révèle ce que le réel ignore de lui-même, dans la première partie donc, dont le titre est : « En attendant la suite », l'auteur, - qui a une sœur du nom de Cathy, laquelle Cathy a un toutou (Kiki qu’il s’appelle ce toutou, et c’est un pékinois) et donc, Cathy s’inquiète beaucoup de la sale guerre de Poutine en Ukraine puisque le 24 février 2022, Vladimir Poutine, dans son quatrième mandat présidentiel de la Fédération de Russie, a déclenché ce qu’il appelle une « opération spéciale », en fait une invasion (mal) planifiée de l’Ukraine, lançant ses forces aériennes, maritimes et terrestres « depuis la Russie, la Biélorussie et les territoires ukrainiens occupés par les Russes au début de la guerre russo-ukrainienne de 2014 : la Crimée et les « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk » (je cite ici Wikipédia), « opération spéciale » qui, ayant pour but de faire tomber la capitale de l’Ukraine, Kiev, se heurta à une vive résistance ukrainienne, laquelle obligea Poutine à envisager une guerre longue et coûteuse en hommes, en matériel, en crédibilité, en financements -, l’auteur donc  cite une phrase de Nietzsche qui fait état d'un « solide rempart » « de tous les temps » qui sert à « éterniser la convention » derrière laquelle les « faibles » s'abritent pour conserver leurs privilèges.

C'est donc dans la deuxième partie, « Retournons au début », que l’auteur, après avoir esquissé le destin de la cantatrice qui avait perdu ses cheveux, et dont le chéri se tua en chutant d’cheval, évoqua la société secrète des « Forts et Fiers pour la convention selon laquelle les Forts et Fiers ont toujours raison », laquelle société se fait bombarder, trouer et décimer, étriper, éventrer, égorger, décapiter, émietter, ratiboiser et anéantir par l'armée de Patafiol, alors qu'elle se tenait, la société, derrière un rempart d'il y a longtemps de quelque château en ruines, château que l’auteur évoque en quelques lignes, y faisant apparaître le fantôme d’une calligraphe, fugace, fantasque, s’engouffrant de frites parce que sinon c’est fade, cependant que dans le réel, Vladimir Poutine, soucieux de la liberté des gens, laissait librement ses soldats bombarder et massacrer les populations civiles ukrainiennes, tout en tentant de se faire passer pour le sauveur du Monde en promettant que les pays qui le soutiendraient dans sa sale guerre s’affranchiraient de l’hégémonie du dollar et de l’influence américaine.

Et c'est donc dans la dernière partie du roman, « Le retour de Zut » et alors que des étudiants en histoire débattent de l'importance réelle de la bataille du « Rempart de tous les temps », que Zut :
«  - Moi, dit l'étudiant à barbiche, je crois que si elle n'avait pas eu lieu, la bataille du Rempart... 
–   … de tarte », fit Zut.

Patrice Houzeau
Malo, le 4 septembre 2022.

 

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3 septembre 2022

LE CAPITAINE DECAPITE ET LE SOUFFLE DE VIE

LE CAPITAINE DECAPITE ET LE SOUFFLE DE VIE

1.

Était-il moyen ou bon, ce restaurant fréquenté par d’assez honnêtes citoyens, où l’on dévorait des soupes de potiron, des poissons, des omelettes aux champignons, des chicons au gratin, de formidables fromtons, des tartelettes au citron, en buvant de dispendieux litrons ? Cathy, naguère crémière, ayant changé de profession, – elle a d’ailleurs une sœur qui s’appelle Cécile et qui, ayant épousé un professeur, joue du tromblon, et une autre sœur, Claire, qui se pose des questions – Cathy donc mettait un point d’honneur de se souvenir des goûts de ses clients, des ragoûts les plus gouleyants, et d’une foule de haïkus plus ou moins palpitants. Cela n’empêcha pas que l’on y retrouvât le capitaine décapité et douze moines qui eurent la tête tranchée. Y venaient des gens bien, des moyennement biens et des pas du tout, des kafkaïens, des païens, des chirurgiens, des chrétiens, des logisticiens, des logiciens qui aimaient les chiens, des métaphysiciens qui préféraient les veaux, aussi des théologiens et des mécaniciens dont un s’appelait Lucien. L’enquête ne permit pas de retrouver le coupable, ni de déterminer combien il y eut de morts. Quant à Lucien, Cathy l’épousa. Ils eurent une petite Léa qui joua du violon, et un petit Gaston qui mit toute son application à ne jouer de rien, de rien, de rien.

2.
« Chaque signe, isolément, semble mort. Qu’est-ce qui lui donne vie ? Il n’est vivant que dans l’usage. A-t-il alors un souffle de vie ? Ou bien l’usage est-il son souffle ? »
(Wittgenstein traduit par Klossowski, « Investigations philosophiques »)

Chaque signe, qu’il soit indigne, insigne, rectiligne, longiligne, qu’il suive ou non les consignes, isolément, semble mort, aussi mort qu’un rat mort, qu’un bal mort, qu’un chien mort dans un port dont il ne reste rien, aussi mort qu’un caillou, qu’un chou, genou, hibou, joujou, pou, tout ça mort, foutu, kaput, dérobés les bijoux, et Claire la philosophe qui aime bien la pensée claire, les idées claires, la claire logique, la lune claire sur la claire fontaine, se demande clairement ce qui lui donne vie, à la momie, à la vieillerie, à la poésie, à l’académie, à l’aciérie dévissée, à la partition de musique, au graffiti, à la notation mathématique, au chiffre, au signe aboli d’inanité sonore, que le néant dévore, renvoie dans le décor où il n’y a plus rien d’abord, plus rien d’abord, plus rien d’abord alors Claire la philosophe se secoue et ne perdant pas le nord, se dit que chaque signe, qu’il soit indigne, insigne, qu’il signale, qu’il signifie, qu’il s’ignore n’est vivant, palpitant, vibrant, intéressant, signalant, signifiant, fascinant que dans l’usage, encore que Claire – dont la sœur qui s’appelle Cathy met un point d’honneur à se souvenir des goûts et des ragoûts de ses clients – se demande si le signe, indigne ou insigne, a alors un souffle de vie qui lui permettrait de fasciner fabuliste et facteur humain, fâcheux et facétieux, foudre de guerre et foutriquet, farceur et fanfaron, philanthrope et facho, pis tous les farfadets, tous les farfadets là qui nous caracolent la caboche, ou si c’est l’usage, et là on voit bien que cette longue phrase est en fait une amplification, une paraphrase fantaisiste d’une phrase de Ludwig Wittgenstein tirée de ses « Investigations philosophiques », ou si c’est l’usage – tout ce qu’on dit, tout ce qu’on ne dit pas, tout ce qu’on croit qu’on dit, tout ce qu’on ne sait pas qu’on dit - qui est son souffle.

Patrice Houzeau
Malo, le 3 septembre 2022.

2 septembre 2022

CE N'EST PAS DANS L'ALAMBIC QUE L'ON DEPOSE SES BIGOUDIS

CE N'EST PAS DANS L'ALAMBIC QUE L'ON DEPOSE SES BIGOUDIS

1.

« Quand il était fatigué de tenir procession des données que la Science a jugé bon d’exclure (un iceberg volant s'abat en débris sur Rouen le 5 juillet 1853.... »

(Pauwels et Bergier, « Le Matin des magiciens »)

La Science, qu'elle s'appelle Léon ou pas, exclut parfois des données qui lui semblent relever du probablement impossible.

Il est très difficile de faire admettre à la Science que des petits hommes venus du cosmos dans d'époustouflants aéronefs viennent enlever des vaches, des veaux, des lapins et des humains, à, dit-on, des fins d’expérimentations .

Ces enlèvements s'appellent des abductions. Du reste, j'ai remarqué qu'il est très difficile que Zut et une saucisse de Francfort restassent longtemps dans la même pièce. L'une finit fatalement par faire disparaître l'autre

On se demande d'ailleurs pourquoi les petits hommes cosmiques n'enlèvent pas directement des scientifiques, ou ne consultent pas l'encyclopaedia britannica, ils en sauraient très vite plus sur tout un tas de choses.

Car franchement, que peuvent-ils apprendre d'un interrogatoire avec une vache, un veau, un lapin, mon beau-frère ?

2.

« Les spiritualistes croient à la possibilité d'un état supérieur de conscience. Ils y voient un attribut de l'âme immortelle. »

(Pauwels et Bergier, « Le Matin des magiciens »)

Lorsqu'on suppose un « état supérieur de conscience », faut-il que Zut m'apporte une échelle ?

Les coin-coins qui passent au-dessus de ma tête et qui se moquent du monde dans tous les étangs, croient-ils en un état supérieur de conscience ?

Puis-je mettre quelque morceau d'état supérieur de conscience dans mon café du matin ?

Un soldat a-t-il jamais foudroyé une chèvre rien que par la puissance de son état supérieur de conscience ?

Je pense que l'état supérieur de conscience a surtout besoin d'un bon gourdin s'il veut assommer quelque bipède qui lui serait hostile et d'une bonne fourchette s'il veut déguster une choucroute.

Et puis, l'âme est-elle réellement immortelle, ou fait-elle semblant ?

3.

J'ai décidé de ne plus me plaindre, car plus je me plains, plus je suis à plaindre. Or, ce n'est certainement pas à moi qu'il faut se plaindre.

4.

Non, décidément, les chats ne sont vraiment pas des êtres humains comme les autres.

5.

« Si l'alchimie contient une science, cette science n'est qu'un moyen d'accéder à la conscience. Il importe, dès lors, qu'elle ne se répande pas au-dehors, où elle deviendrait une fin. »

(Pauwels et Bergier, « Le Matin des magiciens »)

Sans doute l'alchimie contient autre chose qu'une science. L'alchimie est pleine de secrets ancestraux, chevelus et pleins de polyèdres convexes qui vous seront délivrés si vous souscrivez un abonnement à « Tous les Mystères du monde et au-delà » (99,99 euros par mois).

Accessoirement, l'alchimie est un bon sujet pour des tas de livres qui vous révèlent des secrets épatants dans le genre Saviez-vous que la terre était creuse, que la Creuse était un département, que la macreuse noire était un canard, quoiqu'il existât une macreuse de bœuf ?

Il y a même des librairies spécialisées, des sites internet et leurs ghost writers qui en vivent, des Mystères mondiaux là.

En ce qui concerne la science alchimique qui en a bien bricolé des alambics et des œuvres au noir, au blanc, pis des vinaigres, permet-elle, la Science des Anciens Obscurs, d'accéder à la conscience autrement qu'en prenant l'ascenseur ?

Je pense que oui, à condition, bien évidemment que cela ne se sache pas, parce que sinon, votre boulanger, votre boucher-charcutier votre crémier, votre belle-famille ainsi que votre conseiller bancaire n'en ayant pas grand chose à faire, il se pourrait que la révélation de secrets perdus depuis des lunes dans les plis des âges décrédibilisât quelque peu la cause des Anciens Astronautes et apparentés.

7.

A propos de mystères dans le monde là, je me demande ce qu'est devenue la jolie étudiante flamande qui me servit des Heineken au bar des Germanistes d'il y a des lustres à l'Université de Lille III du temps où mes études et moi, nous nous fréquentions d'irrégulière façon.

8.

« Ce n'est pas dans l'alambic que l'on dépose ses bigoudis » n'est pas un morceau du groupe GONG, et c'est bien dommage.

Patrice Houzeau

Malo, le 2 septembre 2022.

28 août 2022

BIN V'LA QU'IL RECULE LE REEL MAINTENANT

BIN V'LA QU'IL RECULE LE REEL MAINTENANT

 

1.

« L'image de la maison était instable, elle palpitait, comme si l'édifice oscillait alternativement entre la réalité concrète et une insubstantialité incertaine. »

(Philip K. Dick, « Ubik »)

2.

Sautant, à mon habitude, d'un paragraphe l'autre, dès que je croyais saisir de quoi qu'ça cause, me dispensant ainsi de lignes et de précisions ralentissant le rythme auquel j'aime à dévorer, je ne me suis pas mis aisément à la lecture du « Ubik » de Philip K. Dick.

3.

Je m'aperçus vite que je ne comprenais rien et me demandais dans quel roman de spatiogare pour poulpe cosmique en transit j'étais supposé me plonger. Ayant lu précédemment le très bon « Code Rebecca » de Ken Follett, la désorientation me floutait le truc.

4.

En ces temps d'urgence critique, lire des romans de genre est un luxe. Certains disent aussi que manger de la viande est un luxe, et ils prétendent nous en culpabiliser. Et je ne parle pas du salutaire droit à l'indifférence. Bref, fâcheux et tartuffes sont à la mode.

5.

Dans « Ubik », Philip K. Dick évoque un univers où les objets « régressent ». Ils retournent à des états anciens et donc sont frappés d'obsolescence.

Le roman « Ubik » mêle des temps.

Les temps ne sont pas des légumes. Pourtant, Philip K. Dick s'y entend à composer ses macédoines spatio-temporelles.

Que les objets puissent régresser, comme si c'étaient eux qui remontaient le temps et non pas nous, rend le roman intéressant.

Si « Ubik » avait raconté l'histoire d'un jeune homme et d'une jeune fille dont l'amour est contrarié par la rivalité et l'inimitié des familles, cela aurait pu être intéressant aussi.

Mais bien sûr, c'est l'art qui fait tout, et c'est tout l'art des écrivains de nous faire adhérer à tout un tas de choses, dont beaucoup de sottises.

6.

« Ça désigne les pouvoirs parapsychologiques, » expliqua Joe. « La force mentale opérant directement, sans l'intervention d'aucun intermédiaire physique. »

(Philip K. Dick traduit par Alain Dorémieux , « Ubik »)

Les pouvoirs parapsychologiques, c'est pareil, ce ne sont pas des légumes.

Ce n'est pas la tomate qui envoûte.

Ce n'est pas le concombre qui maudit.

Et vous ne faites de mal à personne en dégustant vos tomates, vos concombres, vos haricots verts, beurre, blancs, rouges.

Le cœur de bœuf n'est pas un légume, mais il peut fasciner.

Paraît qu'on s'en sert pour envoûter (c'est fascinant).

Quant à la « force mentale », elle non plus, pas un légume. Votre cerveau, c'est pas du salsifis, car ce n'est pas en invoquant l'esprit du salsifis que vous allez ruiner votre voisin, ou séduire la charmante Elvire.

Remarquez que l'électronique peut nuire à distance.

Les hackers sont-ils de modernes sorciers ?

7.

Comme je vais certainement me séparer de certains livres (j'en ai trop), je pense que je vais conserver « Ubik » de Philip K. Dick (quelle claque, cette histoire de réalité qui recule). Quant au « Code Rebecca » de Ken Follett, je ne sais pas. Habile, mais j'ai du mal à comprendre comment, à la fin du roman, l'espion allemand, dont toute l'intrigue prouve la virtuosité, ne reconnaît pas le major Vandam. Habile, prenant, mais, comme tous les thrillers, un poil trop fabriqué.

8.

Alors qu'il se trouve dans un temps régressé, Joe évoque la guerre en Europe. Son interlocuteur lui dit ceci : « C'est comme le sénateur Borah et le sénateur Nye. S'ils n'étaient pas là, Roosevelt serait déjà en train de vendre des munitions à l'Angleterre et de nous entraîner dans une guerre qui n'est pas la nôtre. » Visionnaire Philip K. Dick.

9.

« Les graffiti avaient raison. Ce monde est celui de la semi-vie, comme le disaient les distiques. »

(Philip K. Dick, « Ubik »)

On ne se pose généralement pas la question de savoir si les graffiti ont raison.

Ils sont souvent obscènes, les graffiti.

Ce n'est pas la véracité des messages qui importe mais le caractère brut de leur expression.

Du punk avant l'heure, les graffiti. Du très ancien punk.

De même que les fatrasies médiévales précèdent certaines comptines psychédéliques.

Quant à ce monde, qu'il soit celui de la « semi-vie », nous n'en doutons pas. L'autre moitié étant tissée de fantasmes.

Patrice Houzeau

Malo, le 28 août 2022.

 

27 août 2022

AURIONS-NOUS DE NEBULEUX ADVERSAIRES ?

AURIONS-NOUS DE NEBULEUX ADVERSAIRES ?

1.

« Je ne suis plus moi-même quand vous êtes là », l'informa son nébuleux adversaire. »

(Philip K. Dick traduit par Alain Dorémieux, « Ubik »)

2.

27/08/2022. Le « Canard enchaîné » soupçonné d'emploi fictif ? C'est l'Canard épinglé, ou bien ? Pan sur le coin-coin ? Après, faut voir si c'est vrai, pis le pourquoi du comment du koikisapassé, et à vrai dire, je m'en tape, même que bientôt, on n'aura plus les moyens d'acheter des journaux.

3.

Jean-Antoine Roucher (1745-1794) n'a pas écrit dans son poème didactique en douze chants « Les Mois » que « Le cadavre exquis boira le vin nouveau » et il n'a pas assisté au concert des Beatles à l'Hollywood Bowl le 23 août 1964.

Jean-Antoine Roucher (1745-1794) n'était donc pas un surréaliste et on ne sait pas pourquoi il n'a pas assisté au concert des Beatles à l'Hollywood Bowl du 23 août 1964. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il était mort, et qu'il n'aimait peut-être pas beaucoup les Beatles.

Jean-Antoine Roucher (1745-1794) a indiqué dans son poème didactique en douze chants « Les Mois » que :

« Grossis par le torrent des neiges écoulées,

 Les fleuves vagabonds roulent dans les vallées »

Ce qui est très certainement vrai, bien que vaguement je m'en cogne.

4.

Ceux qui s'imaginent que « Le Héron au long bec emmanché d'un long cou » n'a que ça à faire, eh bien, ils se trompent. Du reste, Jean de la Fontaine (1621-1695) n'avait pas la télévision. Il n'a donc pas pu entendre les discours de Medvedev, la marionnette à Poutine.

5.

Cette pensée, qui me faisait frémir, dressait mes yeux comme s'ils étaient de petits animaux de cirque. Hop ! Leur disait-elle, sautez donc, les mirettes, à travers le cercle de cette raison !

6.

Quand un fauteuil invite une chaise chez lui, il ne peut pas lui dire : « Je vous en prie, asseyez-vous ». Et, bien qu'il ait des bras, il ne peut même pas lui servir un verre, ou une tasse de thé. Les chaises reviennent rarement.

7.

On ne peut pas toujours se fier aux miroirs. Ils ne disent pas toujours la vérité. Parfois, ils se mentent à vous-même.

8.

L'eau, d'un gris de cheval bleu, à longues flaques tristes, ressemblait à une purée de pommes de terre que j'espère qu'on y a mis du fromage râpé dedans, et que l'on sert avec un steak haché et de la sauce que l'on verse dessus. En outre, l'eau n'aboya pas, n'étant pas un chien.

9.

Un instant, la peau sembla tout à fait claire et lisse ; mais, le soir, de nouveau, elle reprit la route, se plia, se déplia, se replia, se multiplia, s'ananassa, par amour des assonances et des abracadabras.

10.

Il est rare qu'une chaise se mette à meugler dans un pré.

11.

Ce n'est pas une chaise qui figure sur la pochette du célèbre album de rock progressif « Atom Heart Mother ». Ce n'est pas non plus une chaise qui fut, le 21 juillet 1969, la première à poser le pied sur la Lune en déclarant : « Je ne fais que passer, je ne reste pas ».

12.

Aurions-nous de nébuleux adversaires ? se dit Zut considérant le nombre important de complotismes grouillant sur les réseaux sociaux, dans les rues, les magasins, les cafés, les places, les feuilles de chou, rappelant que bien des horreurs furent dites avant d'être faites.

Patrice Houzeau

Malo, le 27 août 2022.

27 août 2022

IL NE FAUT JAMAIS SORTIR SANS SON !

IL NE FAUT JAMAIS SORTIR SANS SON !

 

1.

« Elle était déchaussée, elle était décoiffée,

Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; »

(Victor Hugo)

La fille, qu'évoque Hugo, elle « était déchaussée, elle était décoiffée ».

Nous savons donc qu'elle avait « les pieds nus » (ce que le poète précise, défois qu'on n'aurait pas compris, défois qu'il aurait évoqué quelque dent).

Nous apprenons en outre que cette personne n'est pas la Cantatrice chauve. Quant aux « joncs penchants », on ne saura jamais ce qu'ils cherchaient.

Une personne qui a les pieds nus et qui n'est pas la Cantatrice chauve peut être n'importe qui. Et ça, quand j'y songe, je m'en moque.

2.

Je lis sur Internet que Poutine vient de signer un décret pour « agrandir l'armée russe ».

Cela prouve une bonne fois pour toutes que Poutine est encore en capacité de signer de son nom, et, de plus, qu'il a encore au moins une main.

Il faut faire taire les rumeurs concernant la santé du Président Poutine.

Il va très bien et il grandit de jour en jour.

Et c'est pour ça qu'il lui faut une armée plus grande, parce qu'à force de grandir, Poutine devient plus grand que le Kremlin, plus grand que Moscou, plus grand que la Russie, plus grand que l'Eurasie, plus grand que le Monde, plus grand que l'Univers.

Poutine est infiniment grand. C'est même pour ça qu'on ne sait plus où le mettre.

Mais on s'active à trouver des solutions, comme dit Jo le bûcheron.

3.

« Mais, d'après ce que tu m'écris, on ne me reproche pas seulement d'être mordant, on me reproche encore d'être impie. »

(Lettre d'Erasme à Dorpius)

Erasme voit bien qu'on lui reproche d'être mordant.

Ah ça, il en avait dans la mâchoire, Erasme, et comme en plus, on disoit en maint endroit qu'il estoit impie comme une voleuse, je ne vous dis pas ce qu'il pouvait bouffer.

4.

« L'été de la longue clarté, il filera dans les ténèbres, par les persiennes de minuit. »

(René Char, « Le martinet »)

Le poète évoque ici « l'été de la longue clarté », qui serait un titre possible pour un film dont je ne sais pas ce qu'il raconterait car je ne suis pas scénariste.

On sait au moins que le personnage « filera dans les ténèbres ». C'est donc tout un mystère, s''t'homme-là.

Et comme ce sera par « les persiennes de minuit » qu'il « filera dans les ténèbres », je pense que le personnage doit être une entité souple des confins cosmiques, du genre à se glisser partout et à serpenter dans le réel comme une saucisse dans la choucroute, quoique l'image de la saucisse qui serpente est assez rare, je vous l'accorde et on s'en moque.

5.

On écrit le substantif « tort » avec un « t », et non avec un « d », sinon on ne dirait pas « et le tort tue », mais « le tordu », qu'on se demanderait de quel tordu qu'on cause, et donc on ne s'en sortirait plus.

6.

« Je ne pouvais moi-même en détourner mes regards et m'empêcher de suivre l'aiguille, qui marchait vers minuit à pas imperceptibles. »

(Théophile Gautier, « La cafetière »)

J'avais beau les sermonner, mes regards ne pouvaient s'en détourner.

Allons, leur dis-je, n'avez-vous point autre chose à reluquer ?

Il est vrai qu'il n'y avait dans la pièce ni jolie fille aux yeux verts, ni habile illusionniste faisant sortir de son chapeau quelque nouvelle réforme de l'éducation nationale fort propre à ébahir le nigaud et à faire sourciller le syndicat.

J'appelais Blanquer mais mon âne ne vint pas.

Comme il était question d'aiguille, je pensais au mot « anguille », laquelle, marchait vers minuit.

Cette aiguille qui était une anguille était en fait un lézard.

Vous voyez bien que vous vous faites berluer, dis-je à mes regards, lesquels, sans même se tourner vers moi, continuaient à fixer le mot qui me manque et qui, inéluctablement, allait vers minuit comme on va à un rendez-vous dont on sait qu'on ne reviendra pas.

7.

« Elle portait un manteau de soie d'araignée passé de mode qui la faisait ressembler à une chenille enroulée dans un cocon qu'elle n'a pas filé elle-même ; elle avait l'air d'y être enveloppée. »

(Philip K. Dick traduit par Alain Dorémieux, « Ubik »)

Il y a déjà dans cette phrase une araignée et une chenille, comment voulez-vous que j'y fasse rentrer un rhinocéros ?, fit Zut à son éditeur.

Je ne vous demande pas d'y faire rentrer un rhinocéros, puisque je n’existe pas, ne lui répondit-il pas.

Que me dites-vous là !, s’exclama Zut qui n'avait pas oublié son point d’exclamation (Il ne faut jamais sortir sans son point d’exclamation, défois, on est surpris).

Mais dans ce cas, ajouta Zut, puisqu'il est question de « manteau de soie » et « de cocon », à défaut de rhinocéros, on pourrait y placer quelque écharpe évanescente dans l'air parfumé d'un soir de villégiature lointaine.

Faites donc, fit l'araignée dévorant sa proie.

Patrice Houzeau

Malo, le 27 août 2022.

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